Il y a du monde à mon arrivée au Nouveau Casino, normal me dit-on, car le concert du soir affiche complet. Je ne m’attendais pas à avoir la salle pour moi, certes, mais je n’imaginais pas non plus que le groupe des frères Kinsella, qui a fêté l’an passé ses dix ans d’activité, jouissait d’une telle popularité dans notre pays. On ne parle pas de l'Olympia, mais quand même.
Comme à mon habitude, j’arrive suffisamment tard pour louper la première partie, mais suffisamment tôt pour ne pas rater l’entrée en scène de la tête d’affiche. A peine arrivé, les lumières se taisent, et ce sont cinq Irlandais, dont deux prodigieusement chevelus, qui montent sur scène. Oui, cinq, et non pas trois, contrairement à ce qu’aurait pu imaginer un spectateur lambda à la vue de la majorité des visuels disponibles sur le web.

Pas de fioritures. Le sol tremble, les vibrations se faufilent de part et d’autre de la salle, faisant fi des obstacles (jambes, sacs, gobelets en plastique), préférant l’abordage, prenant de la hauteur pour mieux pénétrer en nous, et assiéger notre corps tout entier. Les lignes de basse qui parcourent
Weightless sont incroyablement excitantes, et si le titre n’a strictement aucun intérêt sur disque, en live, il n’a pas son pareil pour mettre son monde dans l’ambiance. Une ambiance que le groupe ne veut pas voir se refroidir, oh que non : passé ce gouleyant warm-up, God Is An Astronaut nous saluent brièvement, non sans un sourire ému qui ne passe pas inaperçu quand bien même les visages sont assiégés de cheveux longs et lourds (mis à part celui du guitariste, qui campe à l’extrême droite de la scène), et enchaînent avec ce qui apparait comme le titre le plus « électronique » de leur dernier opus en date,
Origins, un
Transmissions qui n’en oublie jamais les guitares, et qui a sans doute dû faire plaisir aux amateurs de 65daysofstatic.
Sous leurs airs de vilains hard-rockeurs, God Is An Astronaut sont en fait de vrais gentils. On connaissait leur goût pour le contemplatif, et la mélancolie qui serre si fort le cœur qu’elle en fait pleurer le corps (les trois premiers quarts du désormais classique
All Is Violent, All Is Bright en sont le parfait exemple), mais c’est surtout leur propension à saluer leur public, à lui parler (même si c’est toujours plus ou moins avec les mêmes mots), à le remercier avec une sincérité des plus touchantes, qui déconcerte le plus, dans le bon sens du terme. Car ça ne peut qu’aider un public à se montrer plus considéré, et donc engagé. La musique à bien des pouvoirs, je ne dirai jamais le contraire, mais pas celui de se suffire à elle-même.

Alors certes, tout ici sonne comme très classique pour qui est amateur de post-rock, ce qui rend d’autant plus appréciable les petits bulles de fraicheur que peuvent être des morceaux comme le malicieux
Spiral Code, mais ça n’est pas un mal, le spectacle restant par ailleurs de très bonne facture, et surtout, diablement efficace, malgré quelques coups de moins bien ici et là (
The Last March). Du reste, les amateurs de sensations fortes en auront pour leur argent, le groupe ne ménageant pas sa peine dès lors qu’il s'agit de faire durer un passage bien burné, faisant cracher leurs poumons à des enceintes sollicitées, mais jamais maltraitées (on ne parle pas de My Bloody Valentine, ni d'un groupe de heavy metal, alors n'éxagérons rien). Le paroxysme de la soirée ? Un rappel emmené de la plus belle des manières par le très attendu
Suicide By Star.
Rares sur les planches, du moins françaises, God Is An Astronaut ont vraisemblablement fait le bonheur de leurs fans et des amateurs à l'occasion de cette date parisienne, bien que certains aient pu émettre ici et là quelques réserves (le vocoder n'ayant pas que des adeptes, on s'en serait douté).
Excellents techniciens, disponibles et disposés à faire du bien, ils ont par ailleurs su mettre en avant leur dernier opus, sans en oublier les quelques titres cultes qui jalonnent leur discographie. Bien joué.