Cabaret Voltaire

Pour ceux qui avaient loupé le retour surprise de Cabaret Voltaire, il n'est pas encore trop tard pour écouter le très bon Shadow Of Fear paru en fin d'année 2020, et son pendant Shadow Of Funk, EP de trois titres concluant le retour très physique de ce groupe culte. Très vite après la parution de Shadow Of Fear, le décidément très productif Richard H.Kirk, leader et désormais seul membre d'origine avait annoncé son travail à venir.

Ainsi était évoqué un album de drone pour le début de l'année. L'annonce d'un tel changement de cap d'un disque à l'autre aurait de quoi en laisser perplexe plus d'un. Pour beaucoup, peu initiés à ce style particulier, rien ne ressemble plus à un album de drone qu'un autre album de drone. Aussi, il faut dire que bon nombre de groupes tentent de se réinventer et passent totalement à côté de leur sujet. Mais l'inquiétude laisse vite place à de l'excitation quand il s'agit d'un artiste aussi talentueux que Richard H.Kirk.

Dès les premiers instants de la pièce unique de presque cinquante minutes qu'est Dekadrone, on retrouve la matière sonore qui a façonné Shadow Of Fear. Elle est faite de textures rêches et abrasives qui caractérisaient les dernières compositions de Cabaret Voltaire. Elles se mêlent ici dans des ensembles sonores qui laissent peu à peu la place à une boucle ronde donnant vie à cet ensemble protéiforme sans rythmique. Cette boucle répétitive et métallique va ainsi venir charpenter Dekadrone.
L'ambiance est sombre à l'instar de ce que pouvait présenter Shadow Of Fear sur la plupart des titres. Mais sur Dekadrone, pas de signe de lumière, le voyage est incertain, la tension est totale. Cette boucle va évoluer, varier, et s'installer comme le fil conducteur de cette pérégrination sonore. Il va tenir jusqu'à la fin de l'expérience pour s'éteindre graduellement pour marquer le bout du voyage.

Dekadrone n'est pas à mettre dans les oreilles de n'importe qui tant il risque de désemparer les fans des travaux de Richard H.Kirk. Il s'agit d'un bloc intense, long, linéaire, qui pourra paraître incompréhensible à certains. Il fait office de pièce totalement à part dans sa discographie. Pourtant, on ne peut s'empêcher d'y voir un lien avec les dernières compositions depuis le retour de Cabaret Voltaire. Comme si il représentait une deuxième face, le crépuscule de Shadow Of Fear. On avait pu penser que l'EP Shadow Of Funk représentait la fin d'un chapitre, et que Richard H. Kirk voulait passer à tout autre chose en présentant un album de drone. C'était faire fausse route, car in fine, Dekadrone est une suite logique, comme la dernière pièce d'un triptyque.

Décidément Cabaret Voltaire n'a pas fini de nous surprendre, et vu la qualité des productions, on est forcément déjà en attente des futurs projets artistiques de Kirk.