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Kasabian

The Alchemist's Euphoria

Kasabian - The Alchemist's Euphoria
Chronique Album
Date de sortie : 12.08.2022
Label : RCA
25
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 15 août 2022
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Kasabian avaient déjà commencé à diviser leurs fans avec leurs derniers LP. Il faut dire que l'attente est toujours grande les concernant, et le groupe n'a pas forcément envie de sortir indéfiniment des hymnes Comme Club Foot, L.S.F. ou Shoot The Runner. Dans l'absolu, le peut-il vraiment ? Les albums comme 48:13 ou For Crying Out Loud illustrent un peu ce propos, mais partons du principe qu'il est difficile d'en vouloir à des gens qui essaient de se réinventer.

Depuis, la formation s'est séparée de Tom Meighan en totale dérive psychique. Ne voulant pas tout abandonner à cause de son ex-leader, voici donc Serge Pizzorno sur le devant de la scène pour tenir cette grosse machine qu'est Kasabian. L'exercice est forcément périlleux car les gars de Leicester doivent plus que jamais trouver de nouvelles ficelles, alors que l'ombre de leur ancien frontman va désormais forcément planer au-dessus d'eux.

À cet égard, ALYGATYR, premier single présenté par le groupe il y a quelques mois, dévoilait les intentions de Kasabian. Il était donc question de balayer d'un revers de la main ce qui fait la force du groupe depuis ses débuts en 2004. Si l'on peut acter que le virage était déjà pris en 2014 avec 48:13, la tournure que prennent les événements est assez vertigineuse tant The Alchemist's Euphoria change les règles du jeu et risque de laisser perplexe bon nombre d'entre vous.
Ce n'est pas tant qu'ALYGATYR soit dépourvu d'idées, il bénéficie d'une nervosité intéressante, et est plutôt accrocheur tant il a en lui ce côté hymne de stade que savent si bien développer Kasabian. Le souci est plutôt dans sa forme, et il est difficile de ne pas faire un parallèle avec l'absence de Tom Meighan, car Serge Pizzorno gave son chant d'artifices tous plus grossiers les uns que les autres. Cette voix mi vocodée mi auto-tunée est vulgaire au possible et fait tomber à plat tout enthousiasme pour un titre qui en avait pourtant sous la semelle.

Le problème est qu'il n'est pas juste question d'un petit écart mal senti, puisque The Alchemist's Euphoria regorge d'effets synthétiques qui ne semblent avoir pour unique raison d'exister la nécessité de combler un espace parfois désespéramment vide. Dans le style, on donnera une mention spéciale à ce SCRIPTVRE et son phrasé d'un ennui sans fin, au refrain racoleur et grossier, et son enchaînement avec l'atroce ROCKET FUEL, dont le semblant d'énergie ne peut masquer le vide. Quant à sa production d'une lourdeur et d'une vulgarité folle, elles achèvent de faire passer l'ensemble pour une mauvaise blague dont on se serait bien passée.

On aurait pu s'arrêter là pour la faute de goût, mais Kasabian ont pensé intéressant de pousser plus loin l'expérience électronique avec ce STARGAZR sorti de nulle part. Avec ses faux airs minimalistes et cette rythmique au mauvais relent tribal, on tombe une nouvelle fois dans le plantage manifeste. On passera sur la voix de Pizzorno qui fait ici vaguement penser à un Perry Farrell en manque d'inspiration.
Lorsqu'une bonne idée sort enfin, elle est réduite à une vulgaire intro. Ainsi, ALCHEMIST, premier titre touchant par son thème et sa construction a vraiment quelque chose à donner. Malheureusement, le titre est court, n'a pas de fin et sert ni plus ni moins d'introduction à SCRIPTVRE. C'est totalement incompréhensible.
Heureusement, T.U.E (The Ultraview Effect) sauve quelque peu les meubles, même si l'architecture bancale et cette fin aux mauvais airs de Pink Floyd ne parvient pas à rendre l'ensemble totalement digeste. Au final, les rares moments de respirations viendront du très bon THE WALL et sa charge émotionnelle forte, de l'entraînant CHEMICALS ou de l'estival et surprenant STRICTLY OLD SKOOL. À part cela, The Alchemist's Euphoria est réellement pénible en raison de choix incertains, et d'une direction qui ressemble vraiment à une impasse.

Que Kasabian aient la lucidité de ne pas reproduire à l'infini les mêmes albums, et que Serge Pizzorno ne s'entête pas à singer bêtement Tom Meighan est plutôt à mettre à leur crédit. Pour autant, forcer à ce point sur les effets et les artifices est trop suspect pour qu'on ne pense pas que la perte de leur ancien leader a des conséquences plus graves que ce que l'on avait imaginé jusque-là. En tous cas, quelle qu'en soit la raison, ces effusions synthétiques désormais débordantes sont le plus souvent du plus mauvais effet et tombent totalement à côté. Pire, elles sont à la limite du vulgaire et la plupart du temps, débarrassent dramatiquement le son Kasabian de sa sève. Non pas qu'il soit interdit de vouloir casser tout ce qui a été fait, de changer de cap pour s'ouvrir à de nouveau horizons, mais il s'agirait toutefois de rester un minimum sérieux pour éviter la sortie de route. Exercice visiblement périlleux pour ce Kasabian 2.0.

Décidément, Kasabian ressemblent de plus en plus à un navire à la dérive, et Serge Pizzorno un capitaine sans boussole à la recherche désespérée de sa route. C'est assez dommageable quand on connaît le potentiel et le talent de ce groupe qui nous a peut-être déjà tout donné dans ses premières années. C'est triste à dire, mais pour écouter du Kasabian, il faut désormais regarder du côté des productions en solo de Tom Meighan.
tracklisting
    01. ALCHEMIST
  • 02. SCRIPTVRE
  • 03. ROCKET FUEL
  • 04. STRICTLY OLD SKOOL
  • 05. ALYGATYR
  • 06. ae space
  • 07. THE WALL
  • 08. T.U.E. (the ultraview effect)
  • 09. STARGAZR
  • 10. CHEMICALS
  • 11. ae sea
  • 12. LETTING GO
titres conseillés
    CHEMICAL, THE WALL, STRICTLY OLD SKOOL
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