Razorlight

Le groupe anglais Razorlight, révélé au début des années 2000, braque le rétroviseur sur sa carrière en dents de scie avec Razorwhat? The Best Of Razorlight, compilation de onze titres emblématiques du groupe, auxquels viennent s'ajouter deux morceaux inédits, Violence Forever? et You Are Entering The Human Heart. Une sortie aux allures de renouveau qui intervient quelques mois après la reconstitution de son line-up originel (Johnny Borrell, Björn Ågren, Carl Dalemo et Andy Burrows) et l'annonce d'une tournée britannique en 2023.

Cela aurait pu faire l'objet d'une simple playlist Spotify : mais Razorlight, toujours attachés au format physique (marketing oblige), ont pris les choses en main et façonné un Best Of « à l'ancienne », à la fois destiné aux aficionados nostalgiques comme aux nouveaux venus. Alors que les compilations sont généralement conçues chronologiquement, l'album enchaîne les « hits » emblématiques de manière aléatoire, tels que Golden Touch, le tube qui propulse Razorlight au sommet des charts à l'été 2004, ou In The Morning, premier single de leur deuxième album (Razorlight, 2006). Razorwhat? The Best Of Razorlight écume ainsi l'intégralité de la discographie du groupe, mais laisse néanmoins de côté Olympus Sleeping (2018), qui est pourtant le dernier album de chansons originales paru à ce jour, où ne figure aucun membre de la formation d'origine hormis Johnny Borrell. Si ce n'est pas une si longue carrière à parcourir, d'autant plus quand on s'ampute d'une cartouche sur quatre, force est de reconnaître que Razorlight ne doivent pas injustement être réduits à Golden Touch et America comme le groupe en est trop souvent injustement victime. En revanche, il faut avouer que les deux premiers opus sont les principaux faits d'armes du groupe, comme peuvent en attester neuf des onze pistes connues de ce Best Of, sachant que les deux autres titres sont des inédits. Maigre partage, mais nous n'en tiendrons pas rigueur tant leurs derniers albums sont malheureusement en deçà musicalement.

Le début de cette compilation fait la part belle à l'album éponyme avec In The Morning, Who Needs Love et Before I Fall To Pieces, le tout entrecoupé des tubes de Up All Night, Golden Touch ou encore la très new wave Stumble And Fall, dans une joyeuse effusion de riffs et d'hymnes qui sentent à plein nez la grande époque du rock indé des années 2000. Borrell et sa bande privilégient les saillies évidentes, plutôt que des pépites cachées méconnues ou boudées par le public, mais nous l'aurons très vite compris : il ne faut pas s'attendre à être surpris. Il n'est ainsi pas étonnant d'entendre débarquer America, LE tube de Razorlight, sorti en 2007, qui assurera à vie la trace indélébile laissée par le groupe. À ce stade, le disque fait plutôt bien son travail, on retrouve d'une part exaltation et passion avec les chansons de l'album Up All Night - un excellent album dans une époque où Johnny Borrel affirmait être un génie meilleur que Dylan - et les mélodies accrocheuses couplées à des paroles dénuées d'intérêts de l'album Razorlight. Il faut attendre l'avant dernière piste pour trouver Wire To Wire, seule piste rescapée de l'album du même nom. Le constat est clair : si le groupe va bientôt fêter ses 20 années d'existence, il ne faut visiblement retenir que les trois premières au vu du déroulé des morceaux choisis pour ce disque-bilan.

Comme nous vous le disions, deux titres inédits sont présents afin de nous rassasier et surtout justifier cette sortie. Violence Forever ? et You Are Entering The Human Heart sont dans la droite lignée de ce que maîtrisent les Anglais : des morceaux pop accrocheurs, légers et entraînants. De l'eau a coulé sous les ponts, la terre a continué de tourner, les groupes de la même époque ont eu le temps de confirmer et se réinventer, mais Razorlight n'ont pas bougé d'un iota. Pour le plus grand plaisir des fans de l'époque qui n'auraient pas non plus vieilli, certes, mais où sont-ils aujourd'hui ? Justement, cette époque fera l'objet d'un nouveau documentaire intitulé Fall To Pieces. Réalisé par Ben Lowe, il raconte l'histoire inédite du groupe, qui s'est formé à Londres en 2002. Peut-être en saurons-nous davantage sur ce qui a conduit à cette pause dans la carrière du groupe, ou Johnny Borrell à se draper dans un égo surdimensionné et d'une personnalité détestable - qui ont forcément eu une incidence sur Razorlight dans l'opinion publique. Petit événement, l'album se termine avec Don't Go Back To Dalston, un morceau qui n'avait pas été décliné en single à l'époque et dont la présence n'était donc pas téléphonée.

Dans l'ensemble, Razorwhat? The Best Of Razorlight est un retour dans le passé agréable et une occasion de découvrir des chansons que vous avez manquées si, comme beaucoup d'entre nous, vous aviez cessé de prêter attention à Razorlight après leur premier album en 2004. Les inédits mis à part, les fans n'auront pas grand chose à se mettre sous la dent, si ce n'est réécouter des titres qu'ils connaissent déjà non sans ressentir de temps à autre un petit petit manque de repères ou de direction artistique plus affirmée dans cet exercice de compilation. N'en déplaise à ses détracteurs, Razorlight avaient tout pour devenir une référence dont on écoute chaque sortie avec attention, mais on ne peut pas juger un groupe au potentiel qu'on lui voyait. La musique est une affaire de performance et de régularité et le moins que l'on puisse dire c'est que la carrière épisodique de Razorlight ne va pas en ce sens.

Faut-il voir en cette réunion l'occasion de rectifier le tir ? Seul l'avenir nous le dira.