S'il est assez délicat de s'affranchir d'un groupe grâce auquel on a connu le succès pour entamer un projet solo, il doit l'être d'autant plus de revenir à son projet initial après une escapade individuelle. Razorlight en a dernièrement fait les frais lorsque Johnny Borrell, leur leader à tendance narcissique avérée, a remplacé tous les membres du groupe par les musiciens de son projet parallèle Bokononists, vus à Paris en juillet dernier. En conséquence, la question qui se pose ce soir est la suivante : quelle légitimité ce nouveau line-up de Razorlight possède-t-il?
Après le set fort agréable de pop-folk mélodique du groupe anglo-français Oh Othello, mené par le charmant Thos Henley, le Razorlight nouveau entre en scène, et attaque sur
In The Morning. Pendant un instant, l'on se rassure en se disant que ce Razorlight n'est pas si différent... et puis il faut se rendre à l'évidence. Pour commencer, le look. Fini les têtes d'anges calibrées pour la couverture du NME, les nouveaux membres ont plutôt l'air d'un groupe tribute à Guns'n'Roses que de Camdenites chevronnés. Quant à Johnny Borrell lui-même, il a abandonné sa panoplie fétiche de chevalier blanc de l'indie pour un look bûcheron hirsute d'un goût douteux.
Mais la plus mauvaise surprise reste la musique. Si Razorlight avait réussi à conquérir les charts avec ses hymnes indie-pop ultra catchy, le groupe présent ce soir sur scène est tout autre; balançant riffs qui tachent et rythmes lancinants. Si Borrell tente de contenter les plus anciens fans en incluant une demi-douzaine de titres des deux premiers albums de Razorlight, ceux-ci détonnent complètement au milieu des nouveaux. Plus le concert avance, et plus l'on se demande : quel est ce groupe qui joue devant nous ?

En guise de rappel, Borrell laisse le micro au guitariste Gus Robertson, pour qu'il joue une chanson de sa propre composition, aux paroles évangéliques évoquant et invoquant Jésus, du plus bel effet Redneck américain, puis Borrell fait monter sur scène une de ses connaissances qu'il présente comme étant un certain Raphaël avant de commencer à jouer ensemble une chanson intitulée
Pablo Picasso Is An Asshole. Amis de la poésie, bonsoir.
À ce moment-là, un coup d'oeil sur la setlist du soir nous informe qu'il reste encore quatre morceaux à jouer, mais ayant déjà laissé de coté trois morceaux prévus au programme, le groupe joue un
Somewhere Else consolatoire, avant de finir le concert sur un nouveau morceau intitulé
People Who Party, dont les paroles cinglantes et l'atmosphère déprimante affirment la volonté de Borrell de se détacher de la scène qui l'a fait connaître.

« Aux gens qui font la fête, je tire ma révérence ». C'est sur cette conclusion incongrue que se retirent le chanteur égocentrique et ses acolytes, laissant un public quelque peu désorienté. En effet, puisque Razorlight dans les faits n'existe plus, pourquoi persister à utiliser ce nom ? Et que représentait le projet Bokononists sinon une répétition générale pour ce Razorlight nouvelle mouture ? Le concert de ce soir laisse plus de questions en suspend qu'il n'en résout, et il semblerait que Johnny Borrell ait encore à réfléchir à la direction qu'il souhaite donner à son groupe. Nier plus longtemps la disparition pure et simple de Razorlight paraîtrait complètement vain.