Biig Piig

Tout juste promue « Sound of 2023 » par la très select BBC Radio 1 aux côtés de Nia Archives ou de Fred again.., l'Irlandaise Jessica Smyth, aka Biig Piig a pourtant débuté sa carrière il y a plus de six ans au sein du collectif londonien Nine8. Après s'être essayée au hip-hop, c'est en 2020 avec le petit tube indie Switch qu'elle a retenu notre attention avant d'enchaîner les morceaux plus ou moins intéressants et de sortir un EP plus convaincant mené par la pépite Lavender. On attendait de pied ferme son premier album pour voir l'orientation prise par cette artiste touche-à-tout qui semblait peiner à trouver pleinement son style. On n'aura le droit avec Bubblegum qu'à une mixtape de sept titres qui ne répond pas pleinement à nos questions, l'excellence alternant toujours avec le banal, mais qui confirme la capacité de Biig Piig à produire des hits de haute volée.

A vouloir explorer une trop grande variété de styles, l'irlandaise retombe parfois dans ses travers comme sur Only One, néo-rnb sans grand relief ou This Is What They Meant, pop mainstream passe-partout. Si son sens du groove et sa voix mutine sauvent ces morceaux de la déroute, on espère qu'elle ne gâchera pas son talent sur cette voie mièvre. On la trouve beaucoup plus inspirée avec Liquorice, balade nostalgique en mode mineur où les nappes envoutantes de synthétiseurs sont réhaussées de beats uptempo ou sur In The Dark avec sa jolie ligne de guitare évoquant The xx.

Le niveau monte d'un cran avec l'émouvant Ghosting aux paroles mêlant habilement anglais et langue de Rosalia. Il ne faut pourtant pas y voir une opportuniste récupération de la vague latino qui s'est emparée des charts mondiaux depuis quelques années, Jessica ayant grandi sous le soleil de Marbella. Bien qu'elle creuse son sillon mélancolique sur la plupart des titres de cette mixtape, c'est pourtant encore une fois avec ses morceaux les plus festifs qu'elle nous épate. Sur Picking Up, elle invite Deb Never, musicienne de Los Angles, où le disque a été composé et enregistré, et qui comme elle navigue entre bedroom pop et électro hédoniste. La chanson débute avec des couplets pop avant de laisser place à de ravageurs refrains drum'n' bass et revisite ainsi à la mode 2023 le fameux style « Loud Quiet Loud », inventé par Hüsker Dü, magnifié par The Pixies et monétisé par Nirvana.

Si certains pourraient rester sceptiques sur le potentiel de Biig Piig à l'écoute de ces six morceaux, un septième vient clore tout débat. Car le point d'orgue de Bubblegum est sans conteste le banger Kerosene, tube aussi salace qu'imparable. Les plus anciens y verront une ressemblance certaine avec le Citysong de Luscious Jackson, même chant mi-parlé mi-rappé, même sens évident du groove pour un résultat aussi addictif que jouissif.

Avec Bubblegum, Biig Piig ne remporte pas complétement la mise, mais comme la BBC Radio 1, nous gardons tout de même notre pièce sur elle, espérant qu'elle parvienne enfin sur son premier album à maintenir tout du long le niveau ahurissant qu'elle réussit parfois à atteindre. On attend donc avec impatience sa venue en mars prochain à la Maroquinerie de Paris pour voir si nos beaux espoirs survivent au test du live. Une affaire à suivre...