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Biig Piig

Paris, Maroquinerie - 10 mars 2023

Live-report par Franck Narquin

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Si certaines plantent leur chaise longue sur l'autoroute du succès dès leur premier single, au risque de parfois activer trop vite le pilotage automatique, d'autres comme Jessica Smyth, plus connue sous le nom de scène Biig Piig et à ne pas confondre avec Jessica Smith, l'inoubliable Bébé Soleil des Télétubbies, préfèrent prendre leur temps, explorer différents genres musicaux et tranquillement peaufiner leur style avant de se lancer dans le grain bain avec un premier album. Née en 1998, Jess avait pourtant le profil type de la génération Mbappé, celle à qui tu ne parles pas d'âge et dont l'objectif de vie est d'enquiller le plus possibles de Grammys ou de Ballons d'Or avant de s'assurer une retraite dorée à trente-quatre ans. Après une naissance en Irlande, une enfance en Espagne où elle commença dès quatorze ans à composer des chansons et à se produire sur scène, Jess termina son adolescence à Londres et intégra à seulement dix-sept ans le collectif NiNE8 au côté d'artistes touche-à-tout comme Lava La Rue ou Mac Wetha.

Approuvée par Metronomy, FIFA (le jeu, pas le nouvel employeur de Noël Le Graët), la BBC et Sound of Violence, tous conquis par son sens innée du tube et bien que sortant régulièrement des titres depuis 2017, sous forme de singles, d'EPs (comme l'excellent The Sky Is Bleeding, qu'elle semble aujourd'hui renier et dont seul American Beauty figure sur la setlist du soir, se privant ainsi de Lavender, une de ses plus éclatantes réussites) ou de mixtape (Bubblegum, sortie fin janvier et portée par la bombe Kerosene), on attend toujours que Biig Piig sorte son véritable premier album ou tout du moins un projet plus conséquent où elle affirmerait enfin pleinement son style. Son concert à la Maroquinerie de Paris, première date de sa tournée européenne, faisait donc office de test grandeur nature et affichait complet depuis un petit bout de temps. Notre équipe profite de cette tribune pour apporter tout son soutien à la salle de la rue Boyer, contrainte de fermer pour une durée indéterminée à la suite d'un ubuesque accident de la route ayant lourdement détérioré son système de sécurité incendie.

Un jour d'octobre 2022, la jeune parisienne Maïcee (avec un tréma sur le i si vous la respectez) achetait son billet pour le concert de Biig Piig. On imagine sans peine que cette artiste en herbe, mêlant habillement hip-hop, grime et électro, ait trouvé en l'irlandaise une source d'inspiration, non pas tant dans le style musical mais dans cette capacité à passer en toute insouciance et décontraction d'un genre à l'autre. Ce que ne savait alors pas encore Maïcee (avec un tréma sur le i, car on la respecte) c'est que six mois plus tard, elle assurerait la première partie de ce même concert, rendant ainsi son achat initial aussi inopportun qu'un 49.3 en plein mois de mars 2023. Si ses influences se sentent encore un peu trop (Missy, Cardi, Iggy, Simz…) son flow affuté, son anglais parfait, son incarnation et ses productions efficaces impressionnent. Maïcee pour ce moment.


Accompagnée par trois excellents musiciens, un bassiste/saxophoniste tout en groove, une guitariste flegmatique d'une redoutable dextérité et un batteur pas bourrin pour un sous, Biig Piig déboule dans la salle gonflée à bloc et hilare, visiblement aussi réjouie que le public d'être là. Pour peu, on croirait presque à une spectatrice montée sur scène, étonnée d'avoir réussi son coup et envoyant, la banane jusqu'aux oreilles, de grands coucous en éructant « hey les copains vous avez vu, je suis là ! ». Si Jess s'avère un peu maladroite sur scène, un peu too much, sa fraîcheur et son enthousiasme contagieux font plus que compenser. On la sentait déjà en mode festival, prête à envoyer d'entrée la grosse artillerie. Nous avions tort, elle débute par le léger et poppy This Is What They Meant avant d'enchaîner par une série de morceaux mid-tempo dans sa veine rnb / trip-hop chaloupée principalement issus de ses premiers EPs (Don't Turn Around, Roses And Gold...). Certains de ces morceaux nous paraissaient un brin mollassons sur disque, ils prennent une toute autre ampleur en live, à la fois suaves et entrainants.

Après cette longue mais réussie partie « chill » du set, Biig Piig s'attaque à ses morceaux les plus pop comme American Beauty et In The Dark. Sans créer de véritable trou d'air, on sent que notre attention commence à s'étioler, l'irlandaise étant nettement moins pertinente dans ce registre. Elle ne s'y attarde d'ailleurs pas trop et enchaîne vite avec sa petite collection de tubes imparables qu'elle avait bien pris soin de réserver pour un gargantuesque bouquet final. Les rythmiques drum n' bass de Picking Up et Fun et les guitares débraillées de Switch font monter la pression jusqu'à ce toute le monde ne lâche définitivement la bride sur le jouissif Kerosene.


Comme à chaque fois avec Biig Piig, artiste toujours en construction, on s'enthousiasme sur ses moments de bravoures inspirés avant de bailler aux corneilles quand elle se contente d'un petit train-train trop balisé. Avec un tel sens du groove et des singles ravageurs, on en demande toujours plus de la part de Biig Piig.

A la sortie de sa mixtape Bubblegum, on lui avait donné rendez-vous à la Maroquinerie, on attend désormais son premier album pour enfin savoir si Biig Piig deviendra un jour grande.
setlist
    This Is What They Meant
    Don't turn Around
    Sunny
    Roses And Gold
    Perdida
    Shh
    Liahr
    Oh No
    In The Dark
    405
    Ghosting
    American Beauty
    Picking Up
    Switch
    Fun
    Feels Right
    Kerosene
photos du concert
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