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Anna B Savage

in|FLUX

Anna B Savage - in|FLUX
Chronique Album
Date de sortie : 17.02.2023
Label : City Slang
4
Rédigé par Adonis Didier, le 16 février 2023
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1 et 1 font 2. Mais 1 et 1 font aussi 11. Et il est des jours où l'on ne sait si c'est nous qui sommes à l'envers, ou si c'est le monde qui est à l'envers. Des maximes provenant du Jean-Claude le plus philosophe de tous les Belges, qui pourraient tout aussi bien s'appliquer au dernier effort en date d'Anna B Savage.

Pour rappel, Anna B Savage est une jeune artiste londonienne, chanteuse de formation classique, s'étant fait un petit nom en 2015, au moment de la sortie de son premier EP, très justement appelé EP. Un premier succès difficile à encaisser, et c'est donc après moults péripéties et travaux sur soi-même que, six ans plus tard, nous est dévoilé A Common Turn, premier album de la puissante chanteuse à l'univers intimiste et très (très) personnel. Une sortie bien placée, début 2021, lors du mois le plus déprimant de l'année, pile entre deux confinements et trois couvre-feux, pour un résultat des plus poignant, mélodramatique, réflexion musicale des humeurs d'alors de sa créatrice. Autant dire que l'album est très beau, mais c'est quand même la tristitude.

C'est donc à dire qu'Anna B Savage est une artiste dont le monde n'est que dépression, mélancolie, et ressassements douloureux du passé ? Et bien, si vous ne souhaitez vous concentrer que sur la première moitié de ce deuxième album, in|FLUX, alors oui, c'est sans doute le cas. Ainsi, l'écoute débute par The Ghost, rappel douloureux que l'amour ne dure pas toujours, et qu'en plus son souvenir n'est pas du genre à lâcher facilement l'affaire. Comment vous dire qu'écrire cet article un soir de Saint-Valentin va être un vrai bonheur ? Heureusement, Anna B Savage se charge de tenir compagnie aux âmes en peine, tant sa présence se ressent dans chaque note de l'album, dans chaque souffle, chaque soupir. Une intensité émotionnelle fascinante, les larmes au bord des lèvres, et une capacité à reporter ce trop plein d'émotions sur bande à la hauteur des meilleures, Dana Margolin en tête chez Porridge Radio.

Ce début d'album, toujours aussi mélodramatique, n'en est donc pas moins superbe, la guitare acoustique se faisant douce, comme une main compatissante sur l'épaule, devant ces quelques cuivres présents, se lamentant avec retenue et bienveillance. Le dépouillement total de I Can Hear The Birds Now fait monter les larmes aux yeux, quand les percussions à l'air tribal de The Ghost dynamisent à merveille la chanson, tout en surlignant en fluo l'aspect animal et sans retenue du chant grave et profond d'Anna B Savage. Crown Shyness nous présente ensuite les premiers beats électro de l'album, pour une légère éclaircie plutôt bienvenue, avant que Say My Name et sa spectaculaire escalade de tension ne nous renvoient, torturés, vers un post-rock dissonant venant gratter à la porte de Daughter et de ses rejetons, For Breakfast pour ne citer que les meilleurs.

Nous voici déjà à la moitié de l'album, et l'intro de in|FLUX, la chanson éponyme, ne nous promet pas spécialement de changement. Mais comme il a déjà été dit ici, 1 et 1 font au choix 2 ou 11, et Anna B Savage va enfin profiter de ce deuxième album pour diversifier ses émotions et ses états d'âme. La minute trente passée, in|FLUX nous projette dans un flot de beat électro-soul, transformant Anna B Savage en Anna Beyoncé, femme forte et indépendante nous jetant sur le dancefloor à coup d'injonctions à être heureux.se avec soi-même, et à accepter la solitude comme un état de paix. Une évolution au sein de l'album, symbolisée par cette pochette présentant deux réflexions simultanées de la même Anna B Savage, femme et être humain bien plus complexe que ne peut encore l'exprimer son art. Et pourtant, c'est bien au travers de in|FLUX que cette dernière tente le pari de faire coexister toutes ses envies, toutes ses facettes, alternant entre chanteuse dramatique et diva soul moderne, en témoigne la fantastique réussite Feet Of Clay. Une deuxième partie d'album à l'optimisme détonnant, dans une acceptation de soi-même tendant vers le Nirvana (et si vous aimez le rock, vous savez que Nirvana c'est vachement bien), culminant dans The Orange, car si c'est tout ce qu'il y a, alors ça va aller.

Vous l'aurez compris, se lancer dans ce nouvel album d'Anna B Savage, c'est aller jusqu'au bout, car s'arrêter à mi-chemin risque de vous envoyer directement sous un plaid avec un gros pot de glace à la vanille et ce 42ème visionnage de Bridget Jones que vous souhaitiez éviter. Mais une chose est sûre, vous ne le regretterez pas, car Anna B Savage ne se conçoit qu'au travers de toutes ses facettes, sombres ou éclairées, mélodramatiques ou dansantes, et rares sont les artistes à savoir aussi bien transmettre leurs émotions, que ce soit dans leurs chansons ou par leur voix. On attend donc son passage à La Boule Noire à Paris avec des trémolos dans les cordes vocales, tout en prévoyant d'avance le paquet de mouchoirs et le pot de glace, fraise-stracciatella cette fois.
tracklisting
    01. The Ghost
  • 02. I Can Hear The Birds Now
  • 03. Pavlov's Dog
  • 04. Crown Shyness
  • 05. Say My Name
  • 06. in|FLUX
  • 07. Hungry
  • 08. Feet Of Clay
  • 09. Touch Me
  • 10. The Orange
titres conseillés
    The Ghost, I Can Hear The Birds Now, in|FLUX, Feet Of Clay
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