Anna B Savage

Cinq années après avoir sorti ses quatre premières chansons au sein d'un EP remarqué, et après de nombreuses péripéties dans sa vie personnelle, la compositrice londonienne Anna B Savage sort un premier album envoûtant et au titre révélateur, A Common Turn.

« Do I understand this? / A steady warmth / Have I created it just in my mind? ». La courte chanson d'ouverture, entre bruits électroniques et murmures étouffés, semble faire le pont entre la période suivant la sortie de l'EP mentionné, pleine d'incertitudes, et l'enregistrement du premier album de l'artiste. Dans une sorte de rêverie, nous avons l'impression d'être dans la tête de la musicienne et d'entendre ses questionnements, ce qui se poursuivra tout au long du disque.
La voix de la chanteuse est chaude et profonde, envoûtante. Sur chaque morceau, on peut entendre l'étendue de la palette colorée de ses différentes voix : tantôt grave et confiante, tantôt aigüe et vulnérable, parfois encore accompagnée d'un ton sarcastique (comme sur la fin de Chelsea Hotel #3). Mais toujours maîtrisées.
Musicalement, l'univers est folk, épuré. Une guitare sèche accompagne la plupart des titres, mais ça et là, une guitare électrique se fait entendre, comme sur A Common Tern. Et, plus d'une fois, Anna B Savage n'hésite pas à suspendre le temps en même temps que la musique lors de passages a capella, tels que sur Corncrakes.

Le troisième titre, Dead Pursuits, débute par de belles harmonies entre voix aigüe et voix grave de la chanteuse, et des accords de guitare entraînants. La musicienne y évoque ses doutes latents et ses inquiétudes quant à la qualité de son premier album. A sa question : « Est-ce que quelqu'un écoute ? ». Nous avons envie de lui répondre que oui, et que nous sommes même assez subjugués. Nous l'avons dit, il s'agit d'un disque où Anna partage ses incertitudes, ses craintes et ses questionnements. Elle se met à nu, en particulier sur le morceau central, Baby Grand. Ce titre semble évoquer les doutes que l'on peut avoir étant jeune quant à ses propres sentiments pour une autre personne. Le vidéo clip publié ce 19 janvier le confirme et montre par ailleurs que cette chanson constitue la pièce maîtresse de l'album : Anna B Savage y évoque sa relation avec son premier amour, Jem Talbot.


La chanteuse et musicienne a en effet décidé de reprendre contact avec ce dernier afin de réaliser un film sur leur histoire ratée... sept ans après celle-ci.
Cela donne une chanson magnifique et un vidéo clip où la chanteuse montre toute sa vulnérabilité et exprime les douloureux non-dits entre deux personnes ayant des sentiments non avoués l'un pour l'autre. La compositrice a d'ailleurs admis que Talbot était une des inspirations principales de cet album.

Chelsea Hotel #3, sorti comme single il y a près d'un an, suit. Il s'agit d'un titre puissant débutant par une subtile cascade d'accords de guitare rapidement accompagnés par les variations mélodiques de la voix d'Anna. Ce morceau commence progressivement et tout en douceur jusqu'à une envolée de guitare et de cris de la chanteuse. Cela accompagne parfaitement le sujet de la chanson, qui traite sans aucun détour de sa découverte, bien trop tardive selon elle, du plaisir féminin. A noter que ce titre est également accompagné d'un magnifique vidéo clip dirigé par Jem Talbot.
Hotel, le morceau suivant, nous embarque également dans un moment intimiste où l'artiste partage ses pensées et émotions dans une chambre d'hôtel où elle se retrouve seule avec elle-même, confrontée à ses pensées.

One est le titre qui clôt l'album. La chanteuse y évoque une fois de plus ses insécurités, cette fois-ci au moment de se retrouver seule avec un homme. Sur cette chanson, comme sur toutes celles de l'album, la musicienne prend son temps, et partage son ressenti, entre murmures, a cappella, et envolées vocaliques accompagnées d'instruments.
Tout au long de l'album, on a l'impression d'écouter ses pensées, parfois crues, parfois poétiques et perdues dans la rêverie, entre notes de guitares et, plus rarement, une batterie qui se fait entendre pour donner plus de consistance à certains morceaux et au disque. Jusqu'à des passages électroniques soudains et accélérés sur Two, qui montre qu'Anna B Savage, en plus des ballades introspectives mettant en valeur sa voix et ses paroles, est capable de nous emporter avec des titres davantage pop ou rock.

Anna B Savage nous livre donc un premier album extrêmement personnel et touchant, partageant ses doutes et questionnements, parlant de vulnérabilité et de sexualité, et utilisant parfois des oiseaux comme métaphores. Tout comme les paroles, l'instrumentation est épurée et permet de distinguer chaque détail, chaque instrument, et nous invite à prendre le temps.

Une artiste à suivre.