Nous retrouvons le troubadour gallois Gruff Rhys aux commandes de la bande originale de The Almond And The Seahorse, film dramatique qui relate la vie de Sarah et Toni, deux femmes dont les conjoints respectifs ont subi des traumatismes cérébraux et qui souffrent de séquelles les amenant à perdre progressivement la mémoire, les condamnant à oublier leur quotidien et les êtres qui leurs sont chers. Écrit par l'acteur-réalisateur Celyn Jones, inspiré d'une pièce de théâtre, le sujet est grave et traité sous l'angle de celui qui accompagne la personne malade, avec ses craintes, ses faiblesses mais surtout son courage.
En mettant sa plume au service d'un film traitant d'un thème si sérieux, Gruff Rhys démontre encore une fois son incroyable talent de compositeur, sachant parfaitement dépeindre les sentiments humains, toujours avec cette touche de douce fantaisie qui baigne tous ses travaux. Le film n'étant pas à ce jour distribué en France, nous n'avons pu relier les deux, c'est donc avec une oreille toute musicale, et déjà acquise au répertoire du gallois reconnaissons-le, que nous découvrons un album qui est une nouvelle percée dans l'imaginaire si fertile de Gruff Rhys.
Ainsi, The Almond And The Seahorse (ici le nom donné à deux parties du cerveau) se révèle être une série de titres pop orchestraux, avec une instrumentation très riche et variée, très imprégnée de sonorités electro éthérées comme a aimé à le faire Gruff dans son poétique dernier album Seeking New Gods. La guitare et le piano sont fidèles aux rendez-vous et illustrent de façon très naturelle les scènes le plus intenses de l'histoire narrée, si l'on en croit les critiques parues sur le film.
Certains titres proposés sont « typiques » du répertoire de Gruff Rhys. Le premier que nous avons eu l'honneur de découvrir en avant-première lors du concert parisien au Hasard Ludique l'an passé est People Are Pissed, morceau un peu débraillé qui pourtant présente un lyrisme incroyable. Sunshine And Laughter Ever After rayonne avec sa guitare folk un peu bohème et est portée par une section rythmique hyper dynamique, I Want My Old Life Back est particulièrement gaie et digne des meilleurs titres pop des années 70. Layer Upon Layer est étonnamment bondissant et Amen est mené par un piano tout en groove où le chant si délicieusement approximatif du gallois se retrouve enveloppé dans des volutes de violons vaporeuses à souhait. Les titres chantés sont entremêlés avec des plages instrumentales où les cuivres prennent place au sein de sonorité pop ambiante ou soft jazz qui donnent un aspect un peu cosmique au tout. On sent que, malgré la dureté du sujet, c'est sous le prisme de la douceur et avec une certaine légèreté que Gruff Rhys a souhaité le traiter.
La bande originale se clôture avec trois morceaux instrumentaux électroniques, rappelant au passage les digressions les plus expérimentales des Super Furry Animals ou aujourd'hui de Das Koolies, formation menée par les quatre autres membres du groupe, aux noms tout en gallois : Ffenestr signifie « verrière », Penbedw « le bouleau » et Arogldarth est « l'encens ». Voilà de quoi nous laisser présager de la volonté de Gruff Rhys à nous faire regarder ailleurs et à respirer une nature qui tend à nous faire sortir de notre prison mentale, peut être en rapport avec celle dans laquelle sont enfermés malgré eux les héros de ce film.
The Almond And The Seahorse est une bande originale et un nouvel album de Gruff Rhys tout à fait accessible sans avoir vu le film lui étant associé. Il nous offre une nouvelle démonstration de l'érudition musicale et de l'insatiable curiosité dont fait preuve le musicien le plus cool de la scène galloise, titre indisputé depuis près de vingt-cinq ans maintenant, ses pérégrinations avec son groupe (dont nous croyons encore au retour !) et ses incursions solo dans des contrées musicales audacieuses le prouvant les unes après les autres.