Ce soir, nous allons vous raconter une histoire d’explorateur. L’incroyable odyssée d’un aventurier oublié de l’histoire, qui brava tous les dangers pour partir sur les traces d’un mythe qui ne cesse de hanter les plus grands historiens : l’Amérique a-t-elle réellement été découverte par Christophe Colomb en 1492 ? Et si cela n’est pas le cas, serait-il possible que les premières traces de la civilisation européenne sur le continent américain soient celles laissées par un prince gallois du nom de Madoc ab Owain Gwynedd, autrement appelé « Madog, l’Indien gallois » ? Une rumeur devenue légende du côté du Pays de Galles, qui mena à la très sérieuse recherche d’une tribu indienne appelée Mandan, alors prétendument liée à Madog, par un explorateur gallois du nom de John Evans entre 1793 et 1796.
Trois années de péripéties en tout genre et un récit qui se termina malheureusement par une énorme déception, les Indiens Mandan n’étant même pas de loin liés à Madog, mais qui permit à John Evans, du fait de sa traversée par le fleuve Missouri, d’en tracer une des premières cartes connues. Tout cela, vous pouvez évidement le lire sur Wikipédia, ou pour les plus valeureux d’entre vous, il suffira d'ouvrir un livre d’histoire, de ceux en papier dans les bibliothèques. Mais les fidèles lecteurs de Sound Of Violence connaissent déjà cette histoire, mise en musique par notre barde contemporain favori, Monsieur Gruff Rhys lui-même.

C’est en 2013 que le Gallois a sorti l’album concept
American Interior, recueil de titres venant narrer chacune des étapes de cette incroyable aventure, évidement passée au travers de la plume facétieuse de Gruff Rhys, donnant un album pop d’une grande beauté et truffé de pépites caustiques. Ainsi, un peu plus de dix ans plus tard, le musicien part à nouveau sur les routes pour célébrer ce disque incomparable. Pour cet anniversaire, c’est en solo, accompagné d’une multitude de boîtes à rythmes, pédales à effets sonores et, joie absolue, débarrassé de sa casquette moche, que Gruff Rhys revient nous raconter cet incroyable conte. En bonus, comme cela était le cas il y a dix ans, une présentation Powerpoint avec en héro la marionnette à l’image présumée de John Evans, recréant étape par étape de Londres à Baltimore, en passant par les rivages infestés de crocodiles du Missouri et le quartier français de la Nouvelle Orleans, le périple initié par le véritable aventurier.
Pour les fans ayant assisté à la tournée d’origine, alors en full band, ce concert anniversaire trouve un tout nouveau charme. Entouré de son mini-ordinateur portable, d’un tourne-disque et de chants de criquets et autres oiseaux, d’un métronome ou de drôles de vocoders venant selon les titres donner du corps au chant, avec derrière lui un écran blanc où lui-même fera défiler les différentes slides intégralement traduites en français, donnant de sympathiques contre-sens liés à la magie de Google Translate, Gruff Rhys se présente face à nous, assis avec sa guitare tel un conteur de rue, en alternant chansons et récits pour nous transporter dans la grande aventure de John Evans.
Avec les morceaux d’
American Interior interprétés en acoustique, y apportant ainsi une touche beaucoup plus mélancolique, Gruff Rhys nous fait nous replonger dans cette histoire quasi inconnue du monde entier, et qui continue à forger le caractère si fier du peuple gallois. C’est évidemment toujours avec son air dans la lune, ainsi qu’avec son phrasé monocorde et son accent à couper au couteau, que Gruff Rhys nous raconte tel un professeur, mais en mode beaucoup plus décontracté, les différentes étapes du voyage en y apportant toute la drôlerie nécessaire. Nous découvrons donc le John Evans imaginé par le gallois via son avatar en mousse et en tissu pris en photo entre l’Angleterre et les États-Unis, avec quelques scènes de reconstitutions cocasses et, entre deux, les morceaux du disque d’une incroyable poésie qui ce soir prennent des airs de conte de fées (bien que la fin n’ait pas été heureuse, John Evans étant décédé prématurément à la suite de la multitude de maladies attrapées durant son escapade).

On retrouve disséminés de-ci de-là quelques titres d’autres albums de Gruff Rhys, dont l’excellent
Pang!,
Frontier Man ou
Shark Ridden Waters qui, avec leurs thématiques s’accordent parfaitement au récit de l’explorateur. Nous aurons bien sûr droit aux pancartes venant ambiancer le public à grand renfort de « BOOO » s’agissant des visées de conquêtes des explorateurs espagnols et britanniques, de « LOUDER » pour appeler à plus d’entrain et des traditionnels « MERCI » et « FIN », ici tout en français, qui s’adressent aux fidèles de la première heure, tant de Gruff Rhys et de ses propres aventures en solo que de Super Furry Animals, à eux seuls une épopée tout aussi fantastique.
Un voyage qui nous mène complètement en dehors des sentiers battus, raconté par un des artistes les plus poétiques que nous connaissons, ce retour dans l’
American Interior de Gruff Rhys fut une soirée à nulle autre pareille. Ce soir, bercés par le léger tangage de la péniche et les histoires rocambolesques de John Evans narrées par Gruff, toujours détenteur du titre de rockeur gallois le plus cool, les spectateurs présents à Petit Bain ont vécu le concert le plus romanesque qui soit.