The Electric Soft Parade

Reprenons là où nous nous sommes quittés, en ce mois de janvier 2020. L'ambiance n'est pas vraiment légère : le continent australien s'embrase littéralement, nous venons de perdre Michou, l'égérie chic des nuits parisiennes, on annule les festivités du nouvel an chinois à Pékin pour cause de grippe et Coldplay annoncent une tournée des stades dans les mois à venir. C'est donc légèrement accablés que nous tirons les Rois alors qu'apparaît le sublime nouvel album de The Electric Soft Parade, Stages. Les sourires regagnent nos mines déconfites : ce retour aux affaires sept ans après IDIOTS est particulièrement réussi et quelques dates françaises sont déjà programmées. Et afin de continuer sur cette belle lancée, nous est déjà annoncé le second volume de ce come-back providentiel dès le mois de septembre suivant.

Mais, il y a un mais... C'est ici qu'à la suite d'une sombre histoire où, encore une fois, on rejette la faute sur les animaux (ici les mignons pangolins), le monde s'arrête de tourner et que les projets de The Electric Soft Parade sont brutalement mis à l'arrêt. Suite à cette parenthèse folle que l'on souhaite définitivement close, les frangins Alex et Tom White reviennent pour nous offrir Avenue Dot, sur lequel sept autres morceaux viennent consolider l'odyssée pop des musiciens de Brighton entamée trois ans auparavant. Odyssée est bien le mot car The Electric Soft Parade (ou ESP pour les fans) persistent et signent dans ce répertoire harmonieux, extrêmement riche en nuances, doté d'une orchestration haut de gamme, les frères White continuant de nous épater avec leur don inné de la mélodie pop raffinée mais jamais lisse, où les alliances gracieuses des différents instruments donnent vie à des atmosphères toujours surprenantes et émotionnellement intenses.

Au boulot depuis leur plus jeune âge, propulsés sur le devant de la scène dès leur premier album Holes In The Wall en 2002, à l'âge où la majorité d'entre nous s'acharnait encore sur les bancs de l'école, Alex et Tom n'ont dès le départ jamais choisi la facilité. C'est dès leur second disque The American Adventure qu'ils ont imposé leur style exigeant, persévérant dans la recherche d'univers complexes, contrevenant ainsi avec tous ceux qui les voyaient déjà comme les nouveaux papes des ondes FM et idoles de la presse adolescente.

Pas étonnant que nous retrouvions vingt ans après dans ce nouveau disque le résultat de cet acharnement à ne jamais se plier aux codes dominants. Alex White, compositeur en chef et voix de ce nouvel opus, nous offre sept morceaux qui oscillent entre pop solide et subtile (The Dream Is Still Alive, We're Not Going To Change), ballade acoustique profonde (Disappointment), échappée jazzy comme groovy (Temporary Star), expérimentations cosmiques tout en écho et vocoder (Sagami Bay, Momentary Bliss), voire quelques fantaisies country (l'étonnant The Hundred Years War). Encore une fois, Alex et Tom nous démontrent leur incroyable érudition et cette éternelle curiosité dont ils font preuve musicalement parlant.

Ouverts à tous les genres, passant au travers de leur filtre indie-pop de nombreuses références, les morceaux de The Electric Soft Parade sont toujours imprévisibles et perpétuent un sens du songwriting très aigu, de celui qui a défini la musique dont se sont gorgés nos jeunes quadras allant des Beach Boys à Grandaddy. Alliés à la voix d'Alex qui se bonifie avec le temps, gagnant en chaleur et en force, on retrouve les talents de multi-instrumentiste de Tom dont on suit déjà les pérégrinations comme musicien accompagnant Mystery Jets, Maven Grace, The WAEVE et Sea Power, entre autres noms, prouvant encore une fois les nombreux talents dont a hérité la fratrie White.

Retrouver The Electric Soft Parade en cette fin de printemps est une bien belle surprise, l'album auto-produit ayant été annoncé la veille de sa sortie et n'étant à ce jour que disponible en digital sur leur bandcamp. Brillant, puissant et tellement mélodieux, Avenue Dot se présente déjà comme un classique de The Electric Soft Parade, nous incitant fortement à céder aux sirènes de l'achat dématérialisé en espérant ainsi retrouver la petite perle plus tard en format physique, et les frangins sur scène rapidement en France. Mais surtout, après plus de vingt années de travail rigoureux, notre plus grand souhait est qu'ils retrouvent enfin ce succès tant mérité.