Jungle

Cela fait déjà deux ans qu'on traîne nos rivieras de dancefloors en surboums au son des hits classieux et groovy de Loving In Stereo, troisième essai de Jungle sur lequel le duo lâchait enfin pleinement les chevaux. Bien que nos semelles se soient usées plus rapidement que ses désormais classiques tels que Keep Moving ou All Of The Time, Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland viennent déjà nous offrir quelques munitions complémentaires pour nos chaudes nuits d'été avec un quatrième album sur lequel ils lâchent cette fois carrément la bride. Vous trouviez Jungle trop proprets et un brin engoncés ? Ils sont désormais sacrements chaloupés et même un chouilla dévergondés, pas au point d'être adoubés nouveaux « empereurs du sale » (on n'est pas chez Benefits non plus) mais ils se débarrassent ici définitivement de leur étiquette de simple groupe de musique de pubs ou de générique d'émission de Yann Barthes.

Volcano a été composé et enregistré pendant la tournée de Loving in Stereo dans un Airbnb californien avant d'être finalisé dans leurs habituels studios londoniens avec la volonté affichée de produire une musique plus directe au son moins peaufiné. Si on reconnaît d'emblée le pâte Jungle, les curseurs soul 70's et musique de club (avec une bonne louche de french touch) ont été poussés à fond. La production y est également moins marquée et moins maniérée pour laisser plus de place aux chansons dont la composition a été particulièrement soignée.
Dès la première écoute on décèle facilement cinq ou six classiques instantanés. Le groupe s'autorisait sur son troisième album pour la première fois des featurings en invitant deux jeunes pousses de la scène anglaise, sur Volcano ils ouvrent grand la porte aux collaborations avec des invités de luxe comme Erick the Architect des Flatbush Zombies, Channel Tres le roi du rap-house sulfureux ou encore la légende du hip-hop alternatif anglais Roots Manuva. Plus on est de fous, plus on kiffe !

Volcano est sans aucun doute un pur album de Jungle (le groupe, pas le genre), mais bien que ses influences soient résolument ancrées dans les années soixante-dix, il évoque également une pelletée voire une palanquée de groupes actuels. On retrouve une vibe façon Young Fathers sur Us Against The World et sa soul saignante ainsi que sur Coming Back et Every Night aux consonances afro-beat. Holding On est un joyeux fourre-tout à la Gorillaz et le feel-good sound de Pharell Williams infuse tout du long le très nostalgique Back On 74. Mais la (très) bonne surprise vient avant tout des titres avec des featurings rap, qui ne sont pas là juste pour gonfler les streams ou apporter une petite touche urbaine, mais qui ont été composés comme des réelles productions hip-hop de très belle facture.

Ainsi Candle Flame mêle avec brio disco-funk, filtres et beats french touch et samples aux voix ultra pitchées tandis que le flow hip-hop old-school d'Erick the Architect fait mouche pour aboutir à un résultat aussi flamboyant que candide. La rencontre de Chanel Tres et de Jungle sur I've Been In Love rappellera aux plus coquins d'entre vous quelques nuits torrides passées au son de I Feel Love de Donna Summer et Giorgio Moroder et donnera envie à tous les autres de faire des enfants ou de finir le Kamasutra. Et que dire du hook imparable de You Ain't No Celebrity évoluant à mi-chemin entre soul-funk grisante et electro enivrante à part qu'il réveillerait les plus morts et les plus mornes des danseurs ? Parti à toute berzingue et à fonds dans les aigus, le morceau se prend une grosse claque à mi-parcours, et nous avec, lorsque Roots Manuva vient poser sa voix lente, grave et grasse façon Gil Scott-Heron ou Tom Waits. Ce chaud-froid renversant et d'une folle sensualité vous donnera envie de faire des triplés ou d'inventer de nouvelles positions du Kamasutra.

Volcano compte quatorze morceaux et pas un trou d'air. C'est ce qu'on appelle au bowling de la Porte de La Chapelle un strike ou tout au nord de la ligne 13 de la bombe bébé ! Comme son prédécesseur, ce nouveau LP, en plus de celle d'un disque indispensable prend la forme d'un long métrage composé des clips des chansons de l'album réalisés par leur éternel compère Charlie Di Placido faisant comme toujours la part belle aux chorégraphies aériennes et urbaines.

Grâce au come-back triomphal de Disclosure et à l'album euphorique de Georgia, on le sait bien, en bonnes petites cigales hédonistes vous avez bien dansez tout l'été, et ce ne sont pas les fourmis stakhanovistes de Jungle qui vont vous le reprocher mais au contraire vous susurrer à l'oreille : « Eh bien, dansez maintenant ! ».