Chronique Album
Date de sortie : 03.11.2023
Label : Matador Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 30 octobre 2023
Connaissez-vous le théorème de Dupieux ? Rassurez-vous, nul besoin d’avoir suivi de brillantes études d’ingénieurs ni même d’avoir percer les mystères du Lemme d’Itō pour poursuivre la lecture de cet article. On va même faire simple et basique, parce que nous sommes trop bons. La loi de Quentin (oui, on a le droit de changer la dénomination si cela nous chante, vu qu’on vient d’inventer le concept deux lignes plus haut) est en réalité un conseil élémentaire pour tous les artistes qui atteignent cette courte période d’euphorie créative qui, dans le meilleur des cas, dure dix ans et encore on parle ici des durées atteintes par les génies artistiques les plus endurants. Imaginez si The Cure ou Prince avaient pris leurs retraites après une décade d’activité. Nous aurions eu droit à tous leurs chefs-d ’œuvres et évité quelques purges embarrassantes, en résumé ça aurait été mieux (ndlr : la rédaction de Sound of Violence se désolidarise de ces propos visant à minimiser l’œuvre du kid de Minneapolis).
Néanmoins il n’est pas non plus nécessaire d’employer des moyens mélodramatiques pour contenir sa période créative. Ainsi une bonne âme aurait simplement conseillé à Kurt Cobain de rester chez Sub Pop plutôt que de signer chez les requins de Geffen, celui-ci serait aujourd’hui en train de jouer tranquillement au Golf avec Evan Dando et votre fille ne porterait pas cet informe t-shirt Nirvana en ce début d’automne indien 2023. « Mais dis, Père Castor, c’est quoi alors la loi de Mr Oizo ? ». Tu as raison, revenons à notre sujet, la théorie du créateur de Flat Eric et des Chivers est des plus simples, basique même : quand tu as le modjo, que les idées tombent toutes seules et que tout ce que tu fais s’avère bien chanmé, ne suis pas la chronologie imposée par les médias et le système et produit autant que ça te chante ! Quand tu auras perdu ton modjo, tu seras bien urbain, tu te casses gentiment, tu évites de nous resservir ta soupe tiédasse et tu vas jouer au polo avec les Manic Street Preachers et ce qu’il reste de Depeche Mode.
« Père Castor, on commence à connaître ta technique, si tu tournes comme ça autour du pot, c’est que The Twits, le deuxième album en moins de six mois que sortent bar italia chez Matador Records, t’a un peu laissé sur ta faim. Comme ce sont tes chouchous, que tu cries au génie depuis deux ans et que la sortie de Tracey Denim t’a largement donné raison, tu peines à admettre ta légère déception… ». En effet, Tracey Denim est incontestablement un chef d’œuvre composé de classiques imparables joués avec un détachement absolu, en mode répétition de Mudhoney à la MJC de Seattle. « Donc, tu n’oses pas avouer que pour le coup c’est un peu moins bien, car quand on bâcle une chanson géniale, ça reste une chanson géniale, mais quand on bâcle une simple chanson, ça devient une chanson bâclée. Ne t’inquiète pas, Père Castor, on le sait, tu es trop fan pour trouver les mots qui font mal, alors on va le faire pour toi ».
Bon déjà tu vas te calmer, c’est la première fois que je vois un lecteur essayer d’écrire un article à ma place. Tu t’es pris pour Yannick ou quoi ? Tu trouves qu’il y’a un pépin dans ma chronique ? Tu sais, nous sommes dans une époque où Le Procès Goldman, téléfilm poussif et bavard qui tente de masquer son absence d’idée de cinéma par un vernis composé de costumes d’époque plus vrais que nature, un gros grain 70’s bien cliché et quelques plans en contre-plongée, fait crier au génie toute la critique, tu devrais donc t’attaquer aux vrais problèmes plutôt que de venir me faire dire ce que j’en n’ai pas dit, sans compter que mon tatouage « bar italia for ever » n’a pas encore eu le temps de sécher.
Difficile de le nier, The Twits reste un ton en-dessous de Tracey Denim mais demeure bien au-dessus d’une grande majorité de la production actuelle. « Mais Père Castor, hier soir quand on regardait la rediffusion de Joséphine Ange Gardien et que je te demandais pourquoi tu pleurais, tu m’avais dit que c’était à cause de la déception née de ta première écoute de The Twits... ». Bon déjà, merci de ne pas parler en public de ce qu’on fait ou regarde à la maison. Ça ne peut pas être Bergman tous les soirs et d’ailleurs Alexandre tu diras à ta petite sœur Fanny de bien penser à se laver les dents avant d’aller se coucher. Et puis j’ai changé d’avis à la réécoute, car on écoute les disques pleins de fois ici, pas comme chez ces amateurs de chez XXX (ndlr : pas de nom, notre budget avocats 2023 étant déjà atteint).
Si les quinze titres de Tracey Denim restaient, après de multiples écoutes, aussi impeccables qu’un jean Acne Studios sortant de cinquante lavages, The Twits alterne vibrants sommets et mornes plaines. Néanmoins l’intensité de ces sommets est telle qu’ils font vite oublier les moments de creux. Et les titres apparaissant en comparaison comme de mornes plaines feraient bonne figure sur des albums de Sorry ou Pavement (qu’on aime aussi très fort). my little tony, world’s greatest emoter, calm down with me, Hi fiver, glory hunter et sounds like you had to be there restent parmi les meilleures chansons que vous pourrez écouter cette année de la part d’un orchestre de musique rock anglais. Croyez-moi, on vous a déjà fait passer des vessies pour des lanternes pour bien moins que ça (pas moi personnellement mais Melody Maker, Technikart ou encore Lena Inti et Fabrice Droual pour balancer en interne l’ont fait plus qu’à leur tour) !
En conclusion, The Twits est tout de même un album assez génial. « Oui, mais tu m’avais portant dit que tu trouvais ça sans plus... ». Non, c’est génial, un point c’est tout. « Tu avais dit sans plus ! ». J’avais aussi dit de ne pas dire Hardy donc c’est génial et voilà, je reste sur mon sans plus car je l’ai entendu sortir de ta propre bouche de vieux con... Désolé de vous faire rentrer dans mon salon comme ça, mais en premier lieu il ne fallait pas commencer à vouloir écrire à ma place, c’est ça qui a foutu le bordel comme dans ces chefs d’œuvre d’anticipation visionnaires que sont Matrix ou Inception (je plaisante bien sûr, ce sont de vulgaires attrape-nigauds tentant vainement de complexifier leur propos simple et basique, partant du principe que leur public est trop...). Je sens que tu ne vas pas me lâcher là et crier au favoritisme voire à mon amour platonique pour la belle Nina, donc on va faire dans le consensus. Tu es content, comme ça on termine bons copains, on passe à autre chose et je peux me barrer pour aller taper la balle avec les Foo Fighters.
Ainsi mon avis officiel sur The Twits de bar Italia sera "génial sans plus". Je te laisse, j’ai mon ami imaginaire qui m’appelle. « Allo Barnabé, ça va ? Euh je crois que tu n’as pas raccroché avec ton lecteur là, ça continue à écrire… ». Ah mince, tu as raison...