Chronique Album
Date de sortie : 17.10.2025
Label : Matador Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 14 octobre 2025
Dans le film de Billy Wilder, Marilyn Monroe, Tony Curtis et Jack Lemmon sont trois musiciens embarqués dans une cavale délirante entre fuite en avant, travestissement et métamorphose. On peut aussi y voir un miroir tendu à Nina Cristante, Sam Fenton et Jezmi Tarik Fehmi, passés en quelques années d'énigme underground à phénomène rock que tous les festivals veulent sur leur affiche. D'outsiders insaisissables, bar italia sont devenus une machine incontournable.
Cet album raconte cette mutation, condensée dans une série de morceaux rock taillés pour la gloire sans rien perdre de leur venin ni de leur superbe. Ils étaient nombreux à prévoir la fin de la hype, à attendre patiemment l'inévitable chute d'un groupe aussi adulé que détesté. Il faudra repasser car Some Like It Hot scelle au contraire l'envol définitif de bar italia. Débarrassés de leurs scories et postures arty, les trois Londoniens signent un album parfaitement imparfait enchaînant une douzaine de morceaux où le désir se heurte au désenchantement et où l'énergie rock est toujours traversée par une forme de lassitude élégante.
Ce disque est construit comme une cavale. Chaque morceau a l'urgence d'une étape sur la route, une station-service ou un motel où l'on s'arrête sans jamais s'installer. Si leur musique est désormais plus frontale, leurs morceaux opèrent toujours de biais, comme s'ils refusaient d'assumer pleinement le rôle de nouveaux héros indé. Contrairement à bien des groupes passés du lo-fi au mainstream, bar italia n'ont pas fait peau neuve, ils ont gardé les cicatrices, le grain, la raideur et les ont amplifiés. Les guitares sont plus lourdes et la batterie bien carrée mais la dynamique reste celle de l'accident.
Aux singles ravageurs comme Fundraiser, Cowbella, rooster et omni shambles succèdent des ballades douces amères complexes, flirtant avec le jazz (Marble Arch et bad reputation), des ovnis synthétiques (I Make My Own Dust), des bijoux pop dignes d'English Teacher (Plastered) et même un élégant et surprenant piano-voix (Some Like It Hot). Si le charme absolu de Tracey Denim restera à tout jamais indépassable, ce qui s'opère ici n'en est pas moins brillant et fulgurant. Si bar italia ont déjà déçu (The Twits) et déjà été confus (leurs deux premiers albums sur World Music, le label de Dean Blunt), ils risquent avec Some Like It Hot d'être enfin reçus, et ce, cinq sur cinq. Leur marque de fabrique était l'auto-sabotage (écrire des hymnes, les déconstruire) mais désormais ils décident de jouer tous les coups à fond. Leur rock est épique et leurs slows sont mélancoliques. Sans masque et sans fard, leur musique se livre pleinement et s'ils y perdent un peu de mystère et de grâce, ils y gagnent en sincérité et en intensité.
Avec Some Like It Hot, bar italia devraient parvenir à élargir leur fan base sans décevoir ceux de la première heure. Après avoir longtemps cultivé l'ombre, l'ambiguïté et le flou volontaire, ils sortent enfin du sous-sol pour affronter la lumière crue des grandes scènes sans y perdre leur venin. Plus direct et plus solide, l'album assume ses tubes sans renoncer au risque. Le charme adolescent s'est effacé, remplacé par une intensité adulte, moins troublante mais plus puissante et surtout impossible à ignorer.