Marika Hackman

Ayant exploré l'indie-folk à ses débuts sur We Slept At Last, Marika Hackman s'était tournée ensuite vers des sonorités plus pop et rock. Son nouvel album, Big Sigh, signe une certaine forme de retour aux sources après dix ans de carrière tout en continuant à explorer de nouveaux territoires sonores.

Fruit du confinement et de la pandémie, l'atmosphère de ces dix nouveaux titres est résolument ombrageuse. Marika Hackman reconnaît que la création de Big Sigh a été difficile, marquée par l'angoisse de l'inactivité pour une musicienne habituée à enregistrer et tourner depuis ses dix-neuf ans. Ce disque alterne entre moments calmes intimes et poussées sonores puissantes. Hanging, premier titre écrit pour l'album, incarne cette dualité à merveille, à l'échelle d'une chanson. Débutant comme une ballade au piano délicate et inquiète, elle explose sur un final renversant.

Le son de l'album est extrêmement soigné et témoigne de cette même tension : les timbres des instruments acoustiques, pianos feutrés ou guitares folk, sont altérés ou confrontés à des distorsions synthétiques. Big Sigh sert aussi de démonstration pour l'immense talent de musicienne de Marika Hackman qui joue ici de quasiment tous les instruments, cordes et cuivres mis à part, et co-produit l'album aux côtés de Sam Petts-Davies (Tom Yorke, The Smile, Warpaint...).

L'écoute s'ouvre sur la cinématique The Ground, ambitieuse et orchestrée, laissant la place à la première pièce maîtresse de l'album, No Caffeine. Une mélodie mémorable se déploie sur une basse martelée et un piano délicat, le tout relevé d'arabesques de cordes, de bruissements de cuivres et de discrets synthétiseurs. Difficile à cataloguer, cette chanson est sans doute une des plus immédiatement accrocheuses avec l'entraînante Slime. Résolument 90s, avec ses guitares gorgées de chorus millésimées et ses refrains explosifs, la chanson titre Big Sigh comprend aussi son lot de surprises et d'originalités pour rendre le voyage intéressant.

Ailleurs, c'est comme un autre album qui s'ouvre, proposant une sorte de folk expérimentale délicate. La magnifique et dépouillée The Yellow Mile d'abord, qui conclut l'album, où la voix sensible de Marika Hackman touche au cœur, entre Elliott Smith et Agnes Obel. Blood, avec son orchestration cinématique, est également une perle, évoquant les vastes horizons de Novo Amor. Toute en synthétiseurs cotonneux, Vitamins se perd dans un psychédélisme aqueux sublime, rappelant Radiohead.

Si, à la première écoute, le tracklisting qui alterne entre différents styles peut dérouter, l'album révèle toutes ses saveurs avec le temps, fort d'un soin maniaque apporté à des détails sonores foisonnants et d'arrangements denses.