Marika Hackman

Covers est un disque de confinement. Marika Hackman s'est plongée dans les compositions d'artistes aussi variés que Radiohead, Beyoncé ou Grime et a enregistré chez elle et ses parents. Elle a confié la production à David Wrench (Frank Ocean, The xx, Let's Eat Grandma) qui avait déjà produit son précédent album, l'excellent Any Human Friend.

Le disque débute par une reprise de Radiohead avec... You Never Wash Up After Yourself, pas le titre le plus attendu. C'est une face B de My Iron Lung, sorti entre leurs deux premiers albums. Une balade dépressive de moins de deux minutes, c'est un choix ambitieux pour démarrer un album (le groupe d'Oxford avait décidé de conclure son EP par ce titre). Et cela donne certainement le ton pour un album très sombre et claustrophobique : un disque de confinement.

On passe ensuite à la pop légère de The Shins avec Phantom Limb. En VO le contraste aurait été fort, mais Marika Hackman reprend la chanson comme Radiohead auraient pu le faire et la transition se fait naturellement. Le morceau sorti alors qu'elle avait quinze ans raconte l'histoire de deux jeunes lesbiennes qui ont du mal à vivre leur relation dans leur petit lycée, le choix n'est pas anodin.

On continue avec Playground Love écrite par Air pour la BO de The Virgin Suicides. Il devient clair que ce n'est pas seulement une collection de reprises mais aussi une playlist qui raconte une histoire. Musicalement on reste sur le même tempo lent et intimiste qui nous plonge un peu plus profondément dans la dépression adolescente. J'aurai aimé que les morceaux s'étendent un peu plus en longueur pour pouvoir me vautrer dans l'atmosphère douce et déprimante. Au lieu de ça les morceaux sont tous raccourcis, comme s'il était urgent de se presser, lentement.

Realiti de Grimes est justement méconnaissable dans cette version ralentie et raccourcie. Contrairement à l'original orienté EDM, la reprise ne décolle jamais, même après ce qui aurait pu ressembler à une intro qui fait monter la pression. Pour Jupiter 4, l'anglaise reste fidèle à l'originale de Sharon Von Etten, déjà très lente et dépouillée. Le morceau sorti l'année dernière est suivi par un autre de 2019, Pink Light de MUNA, qui se retrouve dépouillé de ses attributs de pop électronique.

Marika Hackman joue souvent des reprises dans ses sets. A ma connaissance Between The Bars d'Elliott Smith est la seule de ces dernières à figurer sur Covers. Avec l'expérience de la scène, l'interprétation est plus assurée, la voix plus en avant et essentiellement portée par une guitare acoustique. La chanson sort du lot alors que les autres ont tendance à se fondre dans le même moule downtempo de nappes de synthés vintages. Ce style folk convient bien à la voix de l'artiste à la fois forte et fragile. On reste dans cette veine pour la reprise de Temporary Loan d'Edith Frost.

L'interlude folk aura été court, retour à la dépression sous ambiance électronique pour les deux derniers titres malgré des matériaux plus fringants avec la pop électrique de Alvvays (In Undertow) puis Beyoncé (All Night) pour un final moins surprenant qu'il aurait pu l'être. C'est d'ailleurs le problème de cette collection de reprises, la surprise est plus dans la diversité du tracklisting que dans le traitement, trop homogène.