Nous sommes déjà fin janvier, le ciel est gris, l'actualité plus que morose et le sapin et ses guirlandes enchantées rangés au placard depuis déjà longtemps. Sans compter l'overdose de galette, cette dernière qui continue de trôner sur la table du déjeuner dominical. C'est alors que sur le point de céder à nouveau à la sinistrose vous tombez sur le nouvel album de notre gallois préféré toutes catégories confondues, Gruff Rhys, intitulé Sadness Sets Me Free. On ne pouvait pas mieux trouver comme titre pour coller à l'ambiance générale.
Gruff Rhys est un magicien. Les tempes grisonnantes parmi nos lecteurs ne peuvent qu'attester le génie musical du gallois, ayant vécu les années mirifiques de la « Cool Cymru », lorsque la scène indé galloise a tout raflé sur son passage dans ces glorieuses années 90 où les dandys anglais régnaient en maîtres au Royaume-Uni. Catatonia, Manic Street Preachers, Gorky's Zygotic Mynci, Stereophonics mais surtout Super Furry Animals, groupe prônant l'éclectisme toute guitares dehors avec son mélange d'électro, de pop psychédélique et d'indie rock.
A leur tête, Gruff Rhys, grand dadais tout en timidité de jour et complètement déjanté de nuit, du moins sur scène et lors de l'écriture des albums qui ont fortement marqué ces années 90 avec Fuzzy Logic, Radiator et Guerilla. Les années 2000 ont alors connu un peu plus de maturité mais tout autant d'audace avec les électrons libres Mwng, Rings Around The World jusqu'à Dark Days/Light Years qui crantaient alors définitivement le groupe comme incontournable. Et puis...
Et puis en parallèle Gruff Rhys s'est échappé pour proposer des disques où une facette plus personnelle et complexe apparaît. L'homme est un rêveur, un curieux et surtout un touche-à-tout, produisant depuis 2005 des albums qui proposent chacun leur tour des univers particuliers, qui ne se ressemblent jamais, inspirés de pérégrinations personnelles ou de voyages et de légendes. Le fil conducteur de tout ce travail est la fibre poétique de Gruff Rhys et ses talents de conteur. Musicalement, c'est la richesse de l'orchestration qui définit le mieux les appétences de Gruff Rhys et ce n'est pas ce huitième album studio qui nous prouvera le contraire. Sadness Sets Me Free est un disque très personnel. Les chansons évoquent tout simplement les émotions et l'état d'esprit de ces dernières années qui furent mouvementées pour tous. A la différence de Pang! et Seeking New Gods aux thématiques fortement ancrées dans l'imaginaire, le disque évoque des émois et réflexions bien réels, de ceux qu'on ne peut ignorer sans sombrer dans la déprime et avec lesquels ils nous faut cependant aller de l'avant. Le titre de l'album est évocateur : c'est finalement au travers de ce sentiment de tristesse que nous partageons tous que nous pouvons et devons nous exprimer.
Sadness Sets Me Free offre dix titres tous aussi enjôleurs les uns que les autres. La présence de piano, d'instruments à cordes, à vents et autres percussions continuent d'apporter la profondeur adéquate aux textes si inspirés de Gruff Rhys. Le titre d'ouverture éponyme commence avec une pop « countrysante » des plus délicieuses, avec la petite touche de cœurs féminins juste ce qu'il faut. Les envolées lyriques suivent avec le trio Bad Friend, Celestial Candyfloss et Silver Lining (Lead Balloons) où pop insouciante et élégance des instruments classiques offrent un mélange parfaitement réussi. La pièce de résistance est Peace Signs, avec ce piano et ces trompettes jazzy qui montent crescendo et où le chant de Gruff Rhys se veut plus imposant, mais toujours en finesse.
L'exploration de l'intime continue avec des moments plus solennels dans lesquels nous ressentons mieux la mélancolie de son auteur avec On The Far Side Of The Dollar, Cover Up The Cover Up aux tonalités asiatiques comme nous les avons appréciées dans le precedent album et le très apaisé I Tended My Resignation. C'est beau, un peu triste et toujours à fleur de peau, à l'image de comment peut être vécu la mélancolie et les talents de compositions et d'écriture de Gruff Rhys y trouvent ainsi la meilleur source d'expression possible. Le boucle est bouclée avec I'll Keep Singing qui, reprenant le titre Sadness Sets Me Free, est comme une conclusion : le gallois continuera de chanter quelles que soient les épreuves et ce pour notre plus grande joie.
Aussi bon en rockeur exubérant qu'en poète un peu bohème, Gruff Rhys fait un excellent retour avec Sadness Sets Me Free qui, avec sa beauté toute en modestie, est un album idéal pour faire le plein d'ondes positives et de soleil, à défaut de pouvoir compter sur la météo de ce début d'année.
tracklisting
01. Sadness Sets Me Free
02. Bad Friend
03. Celestial Candyfloss
04. Silver Lining (Lead Balloons)
05. On The Far Side Of The Dollar
06. They Sold My Home To Build A Skyscraper
07. Peace Signs
08. Cover Up The Cover Up
09. I Tended My Resignation
10. I'll Keep Singing
titres conseillés
Peace Signs, Celestial Candyfloss, Sadness Sets Me Free