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Talk Show

Effigy

Talk Show - Effigy
Chronique Album
Date de sortie : 16.02.2024
Label : Missing Piece Records
45
Rédigé par Franck Narquin, le 15 février 2024
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Vous ne connaissez pas encore Talk Show ? C'est pourtant un des groupes indés dont tout le monde parle depuis cinq ans dans le petit milieu rock londonien, ainsi que dans les webzines français les plus éclairés. Formé sur les bancs de l'école, le quatuor du sud de Londres s'est rapidement forgé une solide réputation de bête de scène lui valant d'être repéré par Felix White (The Maccabees, 86TVs) et signé sur son label YALA! Records. Après la parution en 2020 d'un premier EP (These People) de bonne facture mais manquant encore de personnalité et de singularité, le groupe a changé de crémerie en 2022 pour passer sur le label américain Missing Piece Records et sortir un son second EP (Touch The Ground). Talk Show s'y réinventaient de fond en comble et se délestaient d'influences new-wave en optant pour un style mêlant post-punk US dans la veine de Gang Of Four, Radio 4 ou The Rapture et sonorités électroniques notamment grâce à la présence à la production de Joe Goddard (Hot Chip), ce magicien capable de transformer n'importe quel combo à bout de souffle en véritable bande à part.

Coté scène, on se rappelle leur prestation dantesque en ouverture des comètes Wet Leg aux soirées Avant-Garde du Pitchfork Music Festival 2021 ainsi que celle l'année suivante à l'International avec English Teacher, poulains de l'écurie Nice Swan Records et chouchous d'une bonne partie de notre rédaction. Après avoir partagé l'affiche avec d'autres professeurs agrégés tels que Fontaines D.C., Squid ou shame, Talk Show se décident enfin à livrer leur premier album, Effigy. Depuis ses débuts le groupe est prometteur sur disque et impressionnant sur scène, on avait donc parié gros sur eux mais on commençait un peu à perdre espoir à force d'attendre. Leur post-punk efficace et conçu pour la live allait-il survivre à la vague néo-90's déferlant sur la perfide Albion ? Et si Talk Show avaient tout simplement raté un train qui était pourtant passé devant eux au bon endroit et au bon moment ? Ne zappez pas car vous le découvrirez juste après la pub ! Si vous ne nous rejoignez que maintenant, nous rappelons que nous faisions part dans la première partie de l'émission de notre crainte qu'à tant se faire désirer, les quatre anglais ne finissent par rater le train qui leur était promis, d'autant plus que celui du post-punk commence à afficher aussi complet qu'un Eurostar le jour de l'ouverture des soldes à Londres. Attention, spoiler ! Bien au contraire, à force de charbonner sans relâche mais sans pour autant confondre vitesse et précipitation (copyright Jean-Michel Larqué), le groupe est enfin parvenu à hisser sa production discographique au niveau de ses prestations scéniques et s'installe avec cet excellent LP dans la locomotive du rock électronique millésime 2024. Vous voulez en savoir davantage ? Alors on y va, mais les kids, j'espère que vous êtes à bloc, car on est parti pour une revue track by track / step by step (ooh, baby) d'Effigy, album garanti 100% no-skip et dont on pourrait même peut-être entendre parler dans les classements de fin d'année askip.

Gold : Talk Show ont beau avoir pris leur temps pour sortir le premier album, celui-ci débute par un uppercut sans sommation. Guitares tranchantes, voix menaçante et sensuelle à la Trent Reznor et refrain explosif et jubilatoire comme chez les Chemical Brothers, voici la recette de Gold qui ne brille certes pas par sa finesse mais qui l'emporte grâce à son énergie terrassante. Mike Tyson.

Oh You're All Mine : Accoudé au comptoir de l'Alibi, le bar rock dont on ne file l'adresse qu'à nos meilleurs amis, Didier Bourdon nous rappelait il y a peu la différence entre un bon et un mauvais producteur de post-punk. Le bon producteur met en avant la basse et soigne la section rythmique pour que ça groove un maximum et calme le jeu sur les guitares angulaires qui ont été utilisées sur 7 432 morceaux ces cinq dernières années et qui commencent à sévèrement nous sortir par les oreilles. Cela permet de transformer un titre poids coqs comme Oh You're All Mine en un vaillant super welters. Remi Kabaka Jr., batteur de Gorillaz en charge de la production d'Effigy, fait clairement partie de cette catégorie. Et le mauvais producteur ? Eh bien il mixe, mais ce n'est pas la même chose. Tu peux pas comprendre !

Red/White : Sans introduction, Red/White débute comme si on prenait la chanson en cours de route avec ses guitares dégingandées et son chant nonchalant. On se croirait chez bar italia mais tout à coup surgit une basse punk-funk qui groove comme celle des Flea des Red Hot Chili Peppers (époque Mothers Milk / Blood Sugar Sex Magik) puis un bleep aigu et froid à la Kraftwerk vient emporter le morceau vers de nouvelles contrées. Un tel mélange pourrait sembler indigeste pourtant ici tout s'intègre et se complète parfaitement. Bien qu'il ne faille jamais croire un sommelier anglais, tout le monde la sait, « Red on white, everything's alright ». Grand cru.

Closer : Si tel Jimmy Ellis face à Joe Frazier vous comptiez sur le quatrième round pour vous reposer, vous faites fausse route et risqueriez de subir le même sort que l'adversaire de l'impitoyable Smoking Joe. Car Closer propose un véritable combat corps à corps ou les coups fusent et atteignent leur cible. Cet objet hybride allie l'aspect répétitif de la musique électronique, la rugosité de l'industrielle et l'énergie du rock. Face à ses sirènes stridentes, ses couplets tendus et son refrain explosif qui évoquent Nine Inch Nails et The Prodigy, toute résistance semble inutile, mais laissez-vous faire car plus ça frappe fort, plus ça fait du bien. Raging Bull.

Oil At The Bottom Of A Drum : A mi-album, une pause fraîcheur paraît indispensable et celle-ci le sera d'autant plus en concert afin de faire retomber le palpitant qui pourrait monter très haut après de furieux pogos. Néanmoins vous n'imaginiez pas que Talk Show allaient vous offrir une douce balade. Si Oil At The Bottom Of A Drum reste la plage la plus calme et downtempo de l'album, une colère sourde ne cesse de monter et infuse ce titre dub qui comme une mauvaise afterparty à Pigalle débute dans un sympathique relâchement avant de finir dans la plus grande des violences. Imaginez IDLES reprenant Massive Attack et vous ne serez pas loin du compte. L'huile sur le feu.

Got Sold : Avec sa basse toute en rondeur, ses paroles mi parlées-mi chantées et son petit côté funky-groovy, Got Sold pourrait être un cousin éloigné de Lebron James, le titre phare de Do Nothing, tout du moins jusqu'au refrain où des guitares saturées et compressées viennent apporter une dominante de fusion punk-funk 90's. Efficace et entrainant, le morceau séduit plus par son énergie et sa production carrée que par son originalité ou ses qualités de composition. Malabar bi-goût.

Panic : Panic reprend à peu près la même formule que Got Sold, à savoir des couplets calmes à l'indolence funk suivis de refrains rock envoyés à fond les ballons. Hormis son homonymie avec le classique de The Smiths, ce qui marque le plus ici est le chant de Harrison Swann qui emprunte à des nombreuses reprises des intonations et des gimmicks vocaux à Jarvis Cocker, le plus français des dandys anglais et grand maître du storytelling acerbe. Plus racé et élégant que le titre précédent, Panic nous séduit également bien plus. Malabar bi-goût (mais avec tes goûts préférés).

Small Blue Word : Avec son introduction à la basse, Small Blue World sonne comme du New Order mais celle-ci se met vite à tanguer comme si, au lieu de se lamenter en plein blue monday, on s'était allumé un gros spliff. On passe vite de Manchester à Bristol (en tout cas plus vite qu'avec un train anglais) car la suite du morceau ressemble plus aux dernières productions d'Idles, tout en rage contenue et à la production soignée. Le bleu est une couleur chaude.

Catalonia : La grande mode actuelle est de proposer un dernier titre à total contre-courant du reste de l'album comme chez Kojaque ou Technology + Teamworks pour ne citer que les plus belles réussites de cette tendance. Avec Catalonia, Talk Show ne font que respecter cette règle à moitié. Exit les basses ronflantes et l'énergie rock, le groupe semble ici assumer pleinement sa mue électronique. Sombre, sensuel et envoutant, Catalonia vous propulse sur la piste de danse d'un club enfumé à six heures du matin où un.e séduisant.e inconnu.e vous propose alors d'aller en after. Clubbed to death.

Harrison Swann (chant, guitare), George Sullivan (basse), Tom Holmes (guitare) et Chloe MacGregor (batterie), plus connus sous le nom Talk Show, réussissent l'exploit avec Effigy de sortir un album de post-punk en 2024 qui ne sente pas à plein nez le déjà-vu ou le trop entendu. Ces quatre là ont toujours su bien s'entourer et confier la production du disque à Remi Kabaka Jr. se révèle être un choix plus que payant. Celui-ci a su transposer l'énergie live du groupe sur disque, les accompagner dans leur volonté de s'aventurer vers une grande diversité de styles musicaux tout en canalisant leur dévorante gourmandise. S'ils sont loin d'être les seuls sur ce créneau (en résumé du post-punk électronique aux influences 90's / early 2000's), ils sont parmi les premiers à sortir un LP de cette qualité. Pour le moment Enola Gay n'ont pas encore réussi le bridge live / studio, Fat Dog continuent de manger à tous les râteliers mais seraient bien inspirés de muscler leur jeu s'ils ne veulent pas trop vite s'engraisser et VLURE alternent sans relâche concerts homériques et singles indigestes.

Même si on ne peut pas plaire à tout le monde, Talk Show sont appelés à demeurer en 2024 un de ces groupes dont tout le monde parle et cette fois pas simplement à cause de leur flagrant potentiel mais tout simplement grâce à ce debut-album qui aura certes mis longtemps à atteindre nos platines mais qui devrait en mettre encore plus à en partir.
tracklisting
    01. Gold
  • 02. Oh You're All Mine
  • 03. Red/White
  • 04. Closer
  • 05. Oil At The Bottom Of A Drum
  • 06. Got Sold
  • 07. Panic
  • 08. Small Blue Word
  • 09. Catalonia
titres conseillés
    Gold - Red/White - Closer
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