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Lauran Hibberd

girlfriend material

Lauran Hibberd - girlfriend material
Chronique Album
Date de sortie : 22.03.2024
Label : Virgin Music
3
Rédigé par Adonis Didier, le 20 mars 2024
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L'adolescence peut-elle devenir mature et rester adolescente ? Peut-on décemment devenir responsable sans par la même occasion se transformer en adulte chiant obnubilé par la hausse des taux immobiliers et la date de son prochain contrôle technique ? Vous avez quatre heures, et un nouvel album de Lauran Hibberd pour vous faire une idée sur la question.

Lauran Hibberd, jeune artiste déjà plus si jeune venue de l'île de Wight, une Garageband Superstar il y a deux ans aujourd'hui devenue girlfriend material, évolution subie tant bien que mal alors qu'elle perdait son père à la sortie de son premier album, et ce avant une lourde rupture et d'une complète remise en question personnelle. La tuile quand votre boulot c'est de faire du slacker-rock, une musique composée de trois accords gratouillés à l'arrache dans un garage, accompagnée de paroles visant à dire que le nouveau maître-nageur est trop BG et que sa belle-mère est une pétasse. Alors Lauran se dit que plutôt que chanter Step Mum et Hot Boys, le temps et l'envie sont à des chansons plus intimes, plus matures, traitant de sujets autrement plus graves que le make-up de Cindy ou la prochaine boom de Dylan. Un sujet globalement résumé en « puis-je être moi-même si mon moi-même n'est pas celui qu'attendent les autres ? », particulièrement illustré par le début et la fin de l'album : i suck at grieving et not the girl you hoped.
Une première chanson sur le deuil, et l'obligation à se conformer à des comportements attendus alors que vous vivez littéralement le pire jour de votre vie chaque jour qui passe. Une dernière chanson sur les attentes archaïques que certains ont toujours vis-à-vis des femmes, le fameux « sois belle et tais-toi » tronçonné par des blagues de merde et des baggy jeans. Et si les thèmes abordés sont plus matures et touchants, le constat tombe malheureusement assez vite : musicalement, c'est beaucoup moins rigolo, neuf, et donc intéressant. Comme si le besoin d'évoquer des sentiments douloureux et intérieurs avait réduit la liberté créative de Lauran Hibberd. Les chansons les plus sérieuses de l'album tombent à plat, dans des lieux communs de la pop-rock déjà surexploités par Avril Lavigne vingt ans plus tôt.

jealous, pourtant pas la pire chanson de l'album, est un presque plagiat de Complicated, et cette phrase devrait suffire à se dire qu'il y a un problème. La musique est plus structurée, moins surprenante, chaque refrain téléphoné depuis un 3310, sans pour autant retrouver la puissance de feu qui sauve trop souvent le pop-punk peu inspiré. Les incursions hip-hop et l'attitude slacker presque envolées, on se console dans les airs de sale gosse de 90's kid, les amours de lycée de 2nd prettiest girl (in the world) et so romantic, et le retour aux sources de girlfriend material, effrontée et branleuse comme aux premiers jours. Une preuve s'il en fallait que le discours de fond peut sans peine prendre des formes diverses, et qu'une musique aux airs immatures n'en reste pas moins une œuvre pleine de sens et de sentiments profonds.
Et puis il y a anti fragile. Une sublime ballade à la fragilité contrôlée, une mise en scène épurée réunissant les relations d'adulte et le générique de fin d'une série télé adolescente dans un écrin de simplicité et d'intimité que l'on n'ose serrer trop fort de peur de le briser, mais que l'on ne reposerait pour rien au monde tant son contact réchauffe le cœur et fait monter les larmes aux yeux.

Au final, si girlfriend material en dit long sur qui est aujourd'hui Lauran Hibberd la personne, ce deuxième album se permet de faire vivre le suspens sur ce que l'on peut attendre dans le futur de Lauran Hibberd l'artiste. Alternant le très beau, le très cool (pas le batteur), et le moins inspiré, l'album revêt le k-way vert-fuchsia du passage obligé, pour une artiste en pleine mutation personnelle qui semble aujourd'hui chercher à quoi devra ressembler la suite de sa carrière. Et même si l'on ressort un peu déçu de tout ça, c'est surtout l'excitation qui prime. L'excitation et l'espoir de retrouver un troisième album capable de réunir le meilleur des deux premiers, pour, qui sait, pourquoi pas nous offrir un vrai renouveau du slacker et du pop-punk. Et je sais que vous aussi, lecteurs de Sound of Violence, ne rêvez que de ça chaque nuit qui passe.
tracklisting
    01. i suck at grieving
  • 02. jealous
  • 03. mary
  • 04. 90's kid
  • 05. happy for you
  • 06. better than I was before
  • 07. anti fragile
  • 08. 2nd prettiest girl (in the world)
  • 09. girlfriend material
  • 10. pretty good for a bad day
  • 11. so romantic
  • 12. not the girl you hoped
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    2nd prettiest girl (in the world), anti fragile, girlfriend material
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