Ride

Interplay est le titre que les membres du groupe anglais Ride ont choisi pour leur septième album studio, marquant ainsi la sortie de leur troisième opus depuis leur reformation. Très attendu, celui-ci fait suite à This Is Not A Safe Place, paru en 2019 (et réinterprété par Pêtr Alexsänder en 2020). La question se posait alors de savoir si le quatuor originaire d'Oxford allait poursuivre dans la lignée de son précédent album, renouer avec des sonorités plus noisy, ou bien emprunter une toute autre voie.

Peace Sign, dévoilé en janvier en tant que premier extrait, offrait une approche à la fois classique et efficace. Une batterie percutante, une basse affirmée, des guitares incisives et un clavier évoquant habilement l'ère Sons And Fascination de Simple Minds s'intègrent harmonieusement dans cette composition. Bien que ce premier single ne soit pas particulièrement audacieux, il demeure plaisant à écouter. Cependant, Last Frontier, deuxième extrait de Interplay, semble plus intrigant, avec des échos évidents de Joy Division et de New Order. Le rythme de batterie et les premières mesures de guitare évoquent fortement l'hymne Love Will Tear Us Apart (il ne manque que la basse de Peter Hook pour un plagiat complet), tandis que le chant de Mark Gardener réveille les souvenirs vocaux de Bernard Sumner. Il semblerait que l'album soit imprégné d'une ambiance des années 80, mais cela ne constitue qu'un aspect de Interplay.
L'album réserve en effet d'autres surprises, notamment avec la surprenante et passionnante Light In A Quiet Room. Cette piste de six minutes se découpe en deux parties distinctes. La première est délicate et posée, nous transportant dans une ambiance psychédélique envoûtante, conclue par quelques notes de piano et un silence éphémère. La seconde partie, beaucoup plus mouvementée, évoque les meilleurs moments noisy du groupe.

A partir de cette remarquable chanson en deux phases, Interplay se dévoile pleinement, offrant une expérience passionnante. Le battement électronique annonçant Monaco, troisième extrait de l'album, et sa mélodie légèrement dansante, évoquent une continuité avec Future Love de This Is Not A Safe Place. Ride explore également des sonorités plus musclées, notamment avec Last Night I Went Somewhere to Dream et Midnight Rider, où les rythmes de batterie percutants de Loz Colbert ne laissent aucune place à la demi-mesure. Portland Rocks déchaîne également les guitares, injectant une dose de puissance supplémentaire à l'album. Cependant, ce sont les deux derniers morceaux qui attirent notre attention. Essaouira, le plus long de l'album avec ses sept minutes, débute sur des tonalités quasi-dub et une basse prononcée. Les rythmes de batterie sont d'une précision chirurgicale, les guitares scintillantes, et le chant se fond harmonieusement dans un univers onirique. À peine remis de ce voyage enivrant, Yesterday Is Just A Song nous surprend à son tour avec son aspect cinématographique. Cette dernière piste nous entraîne dans une transe délicieusement planante, avec son rythme trompeur et ses nappes synthétiques aériennes.

Près d'une décennie après leur reformation, Ride délivrent avec Interplay leur album le plus abouti depuis Carnival Of Light. Bien que puisant à plusieurs reprises dans les classiques des années 80, le groupe anglais ne se contente pas de simples inspirations tout au long des cinquante-sept minutes de l'album. Les musiciens d'Oxford parviennent à nous surprendre en s'aventurant régulièrement hors des sentiers battus, tout en préservant les éléments musicaux qui leur sont propres. L'attente est grande pour leur retour sur scène en France, où nous aurons le plaisir de découvrir une interprétation live de ce nouvel album.