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The Libertines

All Quiet On The Eastern Esplanade

The Libertines - All Quiet On The Eastern Esplanade
Chronique Album
Date de sortie : 05.04.2024
Label : Virgin EMI
35
Rédigé par Adonis Didier, le 2 avril 2024
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Dans votre précédent épisode de « Mais que sont donc devenus les mecs probables !? », Pete était toujours en proie au doute, tiraillé entre son nouvel amour pour Frédéric et le retour de son ex-Carl, alors même que Katia accouchait de leur premier enfant, et que Gary et John se demandaient encore, vingt ans après, ce qu'ils foutaient dans cette télé-réalité. Entre découvertes amoureuses et confort relatif d'anciennes relations, quel chemin Pete et son béret finiraient-ils par choisir ? Carl le ténébreux, Frédéric le chic (et choc), ou la douce et exotique Katia ? Tout cela et plus encore, vous le découvrirez dans votre nouvel épisode de : « Mais que sont donc devenus les mecs probables !? ».

Un nouvel épisode titré All Quiet On The Eastern Esplanade, pour un nouvel album des Libertines effectivement plus calme sur l'esplanade de l'Est, témoin du passage des âges et de l'inévitable migration des aspirations personnelles de chacun. Pete Doherty et Carl Barât, plus de vingt-cinq ans de statut relationnel « c'est compliqué », et des noces d'argent dont on ne saurait dire si elles seront l'occasion de raviver la flamme, ou de faire le mutuel constat que les yeux qui autrefois s'étreignaient du regard mirent désormais des horizons opposés. Un jour amoureux, et puis les choses changent, les gens aussi, et l'on se réveille avec nos dos comme paravents, à chacun composer dans son coin des chansons qui ne se comprennent plus.
Mais comme les bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement, il se trouve toujours un temps pour se retrouver, et remettre en commun ce qui semblait n'avoir de sens que seul, redécouvrir que les pièces du puzzle ne s'emboitent peut-être pas parfaitement, mais suffisamment bien pour lâcher encore quelques sous dans la machine, et repartir tourner ménages et manèges, dans le fol élan qui nous pris lorsque l'on avait encore vingt ans. Ainsi, ce quatrième album des Libertines sera à la fois celui de Carl et de Pete, jamais vraiment ensemble, mais toujours alternant le guide de cette danse désynchronisée dont on ne sait quelle barque elle mène en bateau, si ce n'est bien sûr la leur.

Alors on découpera cette chronique, et l'on commencera, comme l'album, par parler de Carl Barât et de sa passion du clash et de la confiture. Run Run Run, Mustang, et surtout Have A Friend renouent avec les influences The Clash et The Jam des débuts, défouraillant un rock anglais foutraque et erratique entonné par une bande de potes à la métrique et à la justesse volontairement inégales. Le tout n'est pas aussi rapide et cocaïné qu'en l'an 2000, Mustang a des faux airs de vieux blues des papys Stones, mais Carl n'abdique pas, et nous envoie la véritable bombe libertine de l'album : Oh Shit. « Oh merde ! » s'exclament en cœur les nonnes de l'assemblée, avant que Carl ne se voile une nouvelle fois la face dans une ultime et désespérée tentative de rester jeune et branché, la si bien-nommée Be Young. Du rock en excès de vitesse croisé avec des accents reggae-ska, mister Barât a décidément mal réglé la DeLorean, et nous livre en guise d'adieu une nouvelle démo inédite de London Calling. Un appel final à une Londres qui n'existe déjà plus sous cette forme, et voici le temps venu de laisser place à une époque encore plus lointaine, celle d'une vie de poésie et de crime telle que fantasmée par notre bon sieur Doherty.

Remplies de carillons, de violons, de fumerolles de cigare, et de vapeurs de whisky, les chansons apportées par Pete ressemblent ainsi à une suite du projet The Fantasy Life Of Poetry & Crime d'avec Frédéric Lo, une nouvelle poursuite lancée aux trousses de la fascinante et figurative Albion de ses rêves. Merry Old England fantasme le passé joyeux, Man With The Melody se met au piano, au violon, au glockenspiel, et au solo de guitare électrique sans jamais défaire son gilet ni renverser son verre d'absinthe, quand Night Of The Hunter se permet monts et merveilles tout en plagiant John Williams et son thème d'Harry Potter (ça ou Tchaïkovski, je mélange toujours les deux). Enfin, Shiver confond guitares et trompettes en une procession funèbre endiablée, comme pour enterrer ce qu'ont été et ne seront jamais plus les Libertines, et toutes ces Songs They Never Play On The Radio.

Alors c'est ça, c'est la fin ? Peut-être bien que oui, et peut-être bien que non. Mais le constat n'en reste pas moins criant que Carl Barât et Pete Doherty sont aujourd'hui deux âmes que rien ne relie si ce n'est un passé commun et une tendance évidente au fantasme et à la nostalgie. Reste de tout cela un album qui, malgré sa schizophrénie, sait être bon, voire très bon, là où beaucoup n'en attendaient qu'un second naufrage, un nouveau Waterloo sans coucher de soleil. Ainsi, que All Quiet On The Eastern Esplanade soit un chant du lac des cygnes ou le début d'une union musicalement libre, le mieux est sans doute de s'en foutre, et d'apprécier tant qu'elles sont là les aspirations de deux des songwriters les plus touchants du vingt-et-unième siècle, deux êtres qui ne cesseront jamais de lutter contre eux-mêmes, dans une réalité dont ils ne s'accommoderont sans doute jamais.

Et comme il est maintenant temps de se quitter, je vous rappellerai de ne pas regarder en arrière dans le soleil, ça fait mal aux yeux, et je vous dis à la prochaine pour un nouvel épisode de : « Mais que sont donc devenus les mecs probables !? ».
tracklisting
    01. Run Run Run
  • 02. Mustang
  • 03. I Have A Friend
  • 04. Merry Old England
  • 05. Man With The Melody
  • 06. Oh Shit
  • 07. Night Of The Hunter
  • 08. Baron's Claw
  • 09. Shiver
  • 10. Be Young
  • 11. Songs They Never Play On The Radio
titres conseillés
    Oh Shit, Man with the Melody, Shiver
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