Chronique Album
Date de sortie : 28.02.2025
Label : Rock Action Records
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 24 février 2025
En deux albums, le groupe bdrmm est devenu une référence incontournable de la scène musicale britannique. I Don't Know, sorti en 2023, avait confirmé tout le potentiel de Bedroom, le premier disque très prometteur du groupe de Hull. Aujourd'hui, c'est le difficile exercice du troisième album qui commence, et avec lui, l'opportunité de découvrir la direction que les Anglais vont prendre, notamment après quelques incursions plus électroniques par rapport à leur premier effort.
Premier indice à ce sujet, les invités présents sur Microtonic, qui apportent quelques éléments de réponse. C'est en tout cas John On The Ceiling, le premier extrait dévoilé en novembre dernier, qui va poser la tendance de ces dix nouvelles compositions. Le morceau débute avec un beat répétitif, et les « han han » et « bip bip » qui l'accompagnent dans sa première moitié sont tout à fait inattendus. L'ambiance est sombre, et on ne s'attendait pas à ce que bdrmm s'aventurent dans une atmosphère aussi ténébreuse. Au bout de la première minute, cette ambiance complexe et mystérieuse perdure, mais la voix de Ryan Smith ajoute une nouvelle dimension au morceau, le rendant de plus en plus addictif, notamment grâce aux coups de batterie qui martèlent un maelstrom sonore.
Le second extrait dévoilé, Infinity Peaking, est plus léger, moins éprouvant. On retrouve davantage le son de guitares éthérées et cette ambiance mélancolique que le groupe offrait sur ses précédentes sorties. Mais bien entendu, tout n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, car on ne ressort pas indemne d'une immersion dans Microtonic.
Dès goit, le morceau d'ouverture, une certaine oppression se fait sentir. On se retrouve dans un univers ténébreux, un mélange d'électronique accompagné d'un beat lourd et lancinant. Le timbre de Sydney Minsky-Sargeant de Working Men's Club (avec lequel bdrmm avait déjà collaboré pour un remix de Port) ajoute une couche de noirceur supplémentaire à cette atmosphère musicale oppressante et malsaine. L'entame de l'album est donc très percutante. Snares va renforcer cette orientation musicale entre cold wave et post-punk que bdrmm empruntent sur ce disque. Torturé, envahissant et profond, le son de cet album peut parfois nous emporter dans un espace glacial, presque ésotérique. Le travail minutieux de production confié comme toujours à Alex Greaves offre une nouvelle identité à la musique des cinq Anglais. In The Electric Field, avec son beat écrasant, évoque les Américains de Cosmetics, mais bdrmm n'ont pas pour autant délaissé les guitares. D'ailleurs, Microtonic, le morceau éponyme, illustre parfaitement l'influence de Mogwai, ce qui est d'autant plus significatif pour un groupe signé sur Rock Action Records. Clarkycat, qui lui est enchaîné, est pour sa part une conjugaison magique entre l'électro et les guitares.
Dans la dernière partie de Microtonic, bdrmm continuent de jongler entre compositions mélancoliques, où la guitare prend de l'espace, et moments plus électroniques et ténébreux. Le dernier extrait de l'album, Lake Disappointment, dévoilé il y a peu, montre à quel point l'influence de Daniel Avery, pour lequel le groupe a assuré des premières parties, est palpable. Entre brûlante noirceur et sons hypnotiques, cette chanson nous malmène avec son côté terriblement étouffant. Un élément indéniable de cet album est cette sensation jouissive de s'insérer dans la musique d'un monde parallèle, mêlée à la crainte de ne jamais pouvoir en revenir. C'est là tout le contraste de l'album, ce noir et blanc saisissant. The Noose, folle conclusion du disque, nous apporte un peu d'air face à cet univers suffocant dans un premier temps, mais finit par nous rattraper, nous engloutir dans toute sa complexité, avant de nous recracher, en nous laissant cette irrésistible envie d'y retourner.
Microtonic est une réussite absolue, sans le moindre faux pas. Pourtant, le risque était élevé pour bdrmm, tant le groupe a cherché à se dépasser et à se débarrasser de l'étiquette qui commençait à trop lui coller à la peau. Sombres, envoûtantes, perturbantes, douces et puissantes, les quarante-cinq minutes de cet album sont indispensables pour 2025.