Guillemots

Après un EP passionnant qui regroupait la plupart des chansons que Guillemots nous proposaient depuis bientôt un an, voici Through The Windowpane, leur album officiel dans lequel on retrouve deux des titres qui les ont fait connaître et les ont conduit au statut qu'ils occupent et méritent aujourd'hui : Trains To Brazil tout d'abord, qui s'avère toujours aussi efficace après un nombre incalculable d'écoutes, puis Made Up Love Song #43, qui détrône les 42 premières – mais se voit talonnée de près par un Redwings dépouillé, dans le pur style Guillemots –. Les deux plages, placées en début de parcours, permettent à l'auditeur de rester en terrain connu avant de se laisser docilement entraîner dans des contrées jusque là encore vaguement exploitées par le groupe, tel le somptueux Sao Paulo et son refrain vertigineux digne des meilleurs instants de Radiohead, le court Come Away With Me dont l'ambiance prend littéralement aux tripes, de même que le single We're Here et ses faux airs de Arcade Fire qui s'effacent progressivement devant une inspiration ouvertement Coldplayienne.

Le grain de voix de Fyfe Dangerfield n'est pas étranger à l'intérêt général porté aux compositions de Guillemots : tantôt doux, tantôt écorché, il se dépose sur un souffle parmi pléthore d'instruments, de mélodies enivrantes, à l'image de Annie Let's Not Wait où il se mêle à merveille à son electro percutant, ou encore Blue Would Still Be Blue, flirtant sur le fil avec la mièvrerie, à l'instar de Damien Rice, sans se prendre maladroitement les pieds dedans.

Comme tout bon album qui se respecte, Through The Windowpane nécessite de nombreuses écoutes avant de se laisser ne serait-ce que partiellement apprivoiser. Mieux encore, à chaque écoute on redécouvre l'album : ici un instrument alors insignifiant auparavant, là un souffle auquel on n'avait pas su prêter attention. Ainsi, alors que l'on pensait avoir fait le tour du disque, de nouveaux éléments viennent se greffer à nos oreilles, a fortiori à cette chronique.

Through The Windowpane est donc un album en perpétuelle mutation comme le démontre Sao Paulo, piste finale grandiose de minutie désorganisée, sorte de melting-pot où tout le génie de Guillemots se voit concentré au millimètre près. Les instruments se superposent effrontément, le chant se décompose, les mélodies se destructurent au fil des secondes égrénées. À l'heure même où j'écris ces quelques lignes, chacune des notes de l'album guide le mouvement de mon stylo. Chaque écoute de Through The Windowpane mériterait sa propre chronique, mais puisque aucun jugement ne peut décemment être à la hauteur de l'album (du film, du livre, du tableau) dont il fait référence, puisque aucune chronique ne peut raisonnablement et de quelque manière que ce soit rendre justice à l'oeuvre estimée, celle-ci se veut à l'image de son dissipé sujet : un bordel sensiblement structuré.