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La Route du Rock

Saint-Malo, du 15 au 19 février 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 24 février 2012

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Nous retrouvons l’Omnibus de Saint-Malo après une première soirée en dents de scie, pour un samedi soir qui repart en douceur. Trois groupes de pop (still not dead) vont se succéder pour ouvrir le bal avant les incursions électroniques de fin de soirée.

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Les américains de Blouse ont sorti l'un des albums les plus marquant de 2011, même s'il n’a pas fait énormément parler de lui. Ils s’apprêtent à faire découvrir à La Route du Rock son adaptation live. Le groupe est composé de deux garçons pour la section rythmique, dont une basse dansante clairement mise en avant, et de deux filles pour les mélodies, dont une claviériste qui parvient à surprendre en alliant ses deux synthés nappés d’un glaçage sucré. Avec une main sur chacun d'eux, Misty Marie fait divaguer les morceaux avec des arrangements planants. On pense évidemment au Tender Buttons de Broadcast dans ces incursions electronica sublimées par une voix lointaine et aérienne.
La chanteuse Charlie Hilton ne fait, sur la plupart des morceaux, qu’une utilisation mesurée de sa guitare, mais lorsqu’elle décide de la faire sonner comme sur Into Black, Blouse prend une autre ampleur. On se laisse surprendre par une touche électro-pop qui remue les méninges autant que les hanches. Leur titre rétro futuriste Time Travel n’a rien à envier au meilleur de la new wave des grandes heures, un peu comme pour se préparer à réentendre A Forest de The Cure lors de leur prochaine tournée. A l’image du son, le groupe reste froid et distant. On note peu d’interactions entre eux, à l'exception de ce regard souriant entre les deux demoiselles qui rassure quelque peu. Mais cette concentration est mise au profit d’une cohérence parfaite et d’un rendu live subjuguant. Blouse a placé la barre très haute dés le départ, voire même plus que les groupes de la veille. La scène de Portland n’aura donc jamais fini de nous enchanter.

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Les suédois de Loney Dear prennent le relai pour nous faire surfer sur leur vague folk pop. Le barbu Emil Svanängen s’assoit sur le devant de la scène avec sa guitare acoustique et fait raisonner sa voix mélancolique et limpide. Les légers chœurs d’une claviériste l’accompagnent avec quelques nappes de synthés persistantes après celles de Blouse. Passant d’un micro à l’autre comme il change de paire de chaussures, Emil prend le public par les sentiments avec ses reposantes ballades couplées à des refrains déclamatoires et entrainants. Il parvient à le faire participer en lui faisant chanter une même note pendant l’intégralité du titre Young Heart, extrait du dernier album en date. Un accordéon rêveur prend le relai du synthé pour un virage organique après des débuts plus électroniquse, comprenant même un vocodeur.
On assiste à un instant de grâce lorsqu’il donne, d'un seul geste, l'ordre au groupe de stopper toute instrumentation afin d’interpréter le morceau a capella. Lorsqu’il s’accompagne au piano, on ressent toute la profondeur et la capacité de sa voix à provoquer le frisson, oscillant entre puissance et sensibilité à fleur de peau. Il parvient même à pousser dans les aiguës nous rapprochant de I Am Kloot ou des arrangements de Divine Comedy. Un rappel de toute beauté sur le titre phare Dear John avec Emil seul à la guitare finira de ravir nos oreilles. La swedish touch a encore frappé, on ne s’y attend jamais assez même si elle nous prend toujours par surprise.

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La sensation british du soir s’appelle Baxter Dury. Accompagné de son groupe (et quel groupe), on le sent plus en forme que jamais et prêt à en découdre avec la Route du Rock. Il est visiblement ravi d’être de retour en France après une tournée en Suisse. Le dandy à la classe naturelle incarnée, toujours accompagné de son verre, déploie sa voix sur Isabel et sa guitare légèrement ska mais diablement entêtante. Les compositions sont autant écrites pour la voix de Baxter que pour celle de Madelaine Hart. La pétillante claviériste qui double la voix de tête et assure des chœurs apporte une fraicheur complètement indispensable sur des morceaux comme Claire : on ne peut que difficilement se détourner de l’observer.
Le synthétiseur est décidément l’instrument central de la soirée puisque Leak At The Disco le ramène encore à ses heures de gloire, tout comme Afternoon la mélancolique. Toujours aussi causant entre les chansons avec son accent prononcé, Baxter use de son air détaché et nonchalant pour séduire de sa voix parlée à la Jarvis Cocker. Happy Soup est un vrai régal avec sa guitare trépidante et ses chœurs d’une tristesse pénétrante. Le tube Trellic est bien entendu chargé de remuer l’assistance. Le duo se complète aussi bien dans le mélange des voix que de leurs claviers lorsque Baxter recule légèrement pour s’y défouler. Madelaine « kidnapped from Australia », que l’on connaît si concentrée en temps normal, y va même de sa danse et de son regard enflammé vers un Baxter complètement décontenancé, comme on l’aurait certainement tous été.
L’instant hors du temps de la soirée restera l’interprétation de The Sun. Cette chanson semble provenir tout droit des 60s avec sa guitare qui déraille comme un ukulélé et son final entêtant. « No one ever told us that we’re gonna be left alone » répètent Madelaine et Baxter sans fin dans une ritournelle qui reste gravée dans la mémoire et que l’on aurait aimée voir continuer indéfiniment. Il reviendra pour un rappel en fumant ce qui devait être une cigarette, pour une version de Love In The Garden en mode Blur période Parklife. Baxter Dury a proposé ce soir le meilleur set que l’on aura vu de lui lors de cette tournée, il représente bien le haut du panier de la britpop live actuelle, n’en déplaise aux cérémonies de prix galvaudées.

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La Route du Rock prend alors une tournure plus électronique après ces trois concerts au sommet de ce que le week-end peut nous offrir. L’histoire d’amour entre le festival et Yann Tiersen continue puisqu’il y revient après avoir présenté sa création Dust Lane lors de l’édition été 2010. Le brestois a encore une fois décidé de réapparaître là où on ne l’attendait pas, accompagné de Lionel Laquerrière et Thomas Poli dans le groupe Elektronische Staubband. Il laisse les instruments de côté pour une impressionnante quantité de machines comportant une douzaine de synthétiseurs (pour la blague récurrente).
Nous voilà mis au parfum dès le départ, il faut oublier tout ce que l’on connaît de Yann Tiersen car ses anciennes compositions sont ici totalement revisitées, voire méconnaissables. Voix robotisée et boucles synthétiques en veux-tu, en voilà : on assiste à une déshumanisation totale de ses chansons. Si les adaptations rock avaient séduits en 2010, il est peut-être allé trop loin puisque les versions électroniques entrent d’une oreille pour sortir de l’autre sans réellement toucher l’auditoire.
Les trois protagonistes sont enfermés derrière leurs machines, entre eux, mais ne font ressortir aucune émotion de leur krautrock instrumental finalement assez plat. On cherche les moments où les chansons vont décoller en se rappelant que trop de vocodeur tue le vocodeur. Quand on sait ce que Tiersen peut faire avec un violon, on s’interroge. Peut-être cherche-t-il à se détacher à l’extrême de ce dont le grand public connaît de lui ? On espérait se rappeler de ce qu’avaient réalisé les précurseurs allemands Can, on se sera finalement ennuyé en pensant plutôt au Keyboard Cat.

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La soirée se termine sur un dernier sursaut électronique venu de l’Ohio : Boom Bip. Le duo propose une ambiance instrumentale et expérimentale planante à travers des synthés toujours inquiétants et une batterie mise en avant. On ne peut pas vraiment répondre par la danse, le public reste plutôt attentifs en cherchant à percevoir l’essence d’une musique plutôt complexe dans son minimalisme. Les influences 80’s sont assumées avec une influence post-punk dans la batterie. Le krautrock de Boom Bip répond à l’Elektronische Staubband par une touche de modernité malgré une base ambient. Peut-être est-ce lié au trop plein de chaleur reçu avec les trois premiers concerts mais toute cette musique froide et instrumentale glisse sur nous comme un glacier à la fonte des neiges. L’abandon est lâche mais le début de soirée était trop réussi.

L’Omnibus referme ses portes pour cette année après avoir livré son lot d’émotion : un superbe concert de Blouse, l’excitant Baxter Dury et le langoureux Loney Dear. La fin de soirée nous a laissés plus perplexe mais pouvez-vous croire que le meilleur reste à venir dimanche ?

Merci à Renphotographie (renphotographie.piwigo.com) pour les visuels utilisés dans cet article.
artistes
    Blouse
    Loney Dear
    Baxter Dury
    Elektronische Staubband
    Boom Bip