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La Route du Rock

Saint-Malo, du 15 au 19 février 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 25 février 2012

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Pour terminer en beauté cette Route du Rock Collection Hiver 2012, le rendez-vous est pris à Saint-Malo intra-muros, dans la magnifique Chapelle Saint-Sauveur. C’est sous un soleil breton dont on espère la présence mi-août, qu’une file s’est formée devant l’édifice pour l'une des artistes les plus attendues du festival : Soap&Skin. Les programmateurs ont fait le pari de faire jouer l’autrichienne dans ce lieu généralement gratuit d'accès. Avec cette tête d’affiche prestigieuse, les festivaliers ont répondu présent puisque le concert affiche complet.

En première partie d’après-midi, la scène installée dans la chapelle accueille le britannique Simon Scott. Il se présente par un petit speech, expliquant avoir passé la journée à enregistrer les sons de Saint-Malo et qu’il livrera donc une performance unique pour La Route du Rock. Unique est bien le mot, sa musique expérimentale étant composée de sons électroniques couplés à des enregistrements de cloches, vagues ou bruits étranges, prolongés par divers effets. Il ne saisit que sa guitare de temps à autres pour en extraire un grincement sourd et lancinant. L’anglais, ancien batteur de Slowdive, se base également souvent sur les larsens utilisés à des intensités variables pendant un set ne comprenant aucune pause.
Il en résulte que certains spectateurs en éprouvent plus de malaise que de plaisir. Devant d’insupportables bruits de fonds permanents et des sorties bloquées par des plantes vertes, on cherche un échappatoire dans un passage secret de confessionnal ou de sacristie. Mais non, la fuite est impossible. En se retournant, on s’aperçoit que l’auditoire hésite entre la sieste et le grincement de dents. La chapelle se transforme même en plus grand dortoir commun de l’histoire malouine. Les larsens cessent finalement et on respire à nouveau alors que Simon Scott applaudit le public de l’avoir écouté. A défaut d'avoir compris quelque chose à cette performance, on retiendra que les lustres de la chapelle sont assurément très beaux.

Celle pour qui le public s’est déplacé se fait attendre alors que nous sommes informés que Soap&Skin est souffrante... mais qu’elle assurera tout de même le concert. Nous voilà rassurés, on sait la chanteuse fragile depuis l’annulation d’une date rennaise il y’a quelques années. Une rythmique mécanique apocalyptique se fait subitement entendre alors que la rousse viennoise s’avance à l’avant de la scène face au micro. Là ou on s’attendait à un duo piano – voix, on se retrouve avec des beats rapides qui ne sont pas sans rappeler la performance estivale d’Aphex Twin ou le récent single de Björk.
Anja Franziska Plaschg fait alors entendre sa voix grave si profonde, capable de transpercer la peau et l’âme de l’auditeur comme un simple mur de sable. Une poignée de morceaux électroniques seulement seront interprétés sans piano mais Soap&Skin donne dans ces moments l’impression d’être possédée, en se tordant sur elle-même. Elle s’offre complètement à sa musique et on ne s’étonne pas qu’elle se rende malade en se mettant dans cet état pour le moins impressionnant. La performance devient autant théâtrale que musicale, accompagnée par des lumières cataclysmiques. On revit alors une scène de l’Exorciste ou du Projet Blair Witch, avec cette folle sorcière rousse dans une chapelle malouine, le lieu rendant l’atmosphère encore plus étrange. Elle décide alors de remonter l’allée centrale de la chapelle pour disparaître à l’arrière telle une mariée solitaire. Mais les frissons à répétition nous gagnent lorsque la belle s’installe devant son piano pour interpréter les anciens ou plus récents titres de son dernier album. On est instantanément sous le charme de cette musique intemporelle dotée d’une force incroyable et en même temps marquée par une fragilité au bord de la rupture.

Soap&Skin caresse délicatement les touches de son piano avant de subitement s’énerver, de lancer un rythme fou sur son ordinateur portable placé devant elle, tout en tambourinant sur son instrument. La délicatesse de son titre Thanatos nous laisse le souffle court et le cerveau en émoi. Et que dire de ce moment où elle se met subitement à chanter en français « au dessus des vieux volcans… » ? Stéphanie de Monaco ? Mais non, il s’agit bien de Voyage Voyage de Desireless, transformée en une complainte à résonnance magnétique sublimée. Anja déclame subitement le refrain et nos yeux se font humides. Jamais nous n’aurions pensé un jour trembler sur cette chanson, mais tout arrive. Ce concert nous aura fait ressentir toutes les émotions possibles. Le public ne s’y trompe pas et lui offre une standing ovation qu’elle accueille timidement en le remerciant chaleureusement. Malgré son état de santé, elle nous offre un rappel avec une autre reprise à la clé. Un piano grave, un « This Is The End », The Doors dans une version longue, mélancolique et charnelle, tout simplement. Un énième instant de grâce absolue dans cette après-midi et le concert s’achève sur cet au revoir classieux. I’ll never look into your eyes, again.

C’est sur l’un des meilleurs concerts qu’il nous ait été donné de voir dans son interprétation, son environnement ou son ressenti que s’achève cette Route du Rock Collection Hiver. On en retiendra la jolie ouverture de A Winged Victory For The Sullen, les belles prestations de Blouse, Caveman, Kim Novak ou Loney Dear ainsi que la classe du grand Baxter Dury. Ce dernier concert de Soap&Skin a dépassé l’entendement, une très grande artiste s’est déployée sous nos yeux ébahis.
artistes
    Simon Scott
    Soap & Skin