Après un premier jour déjà bien chargé, je suis fin prêt pour ce jeudi après-midi au Reeperbahn Festival de Hambourg. La grande scène Spielbude XL est installée en plein centre de l'avenue Reeperbahn, juste à côté du Biergarten de Spielbude. Ça peut paraître flou dit comme ça, mais il s'agit d'une scène géante et permanente au beau milieu de l'avenue, ce qui, avouons-le, est quand même assez cool.
Début d'après-midi un peu tranquille sur les coups de 13h30 avec le trio de folk indé
LAMILA, originaire de Vienne. Les douces mélodies feutrées sont portées par la voix claire de la chanteuse Camilla Thurner, assez impressionnée de jouer sur cette grande scène. Avec une contrebasse et deux guitares, le groupe donne son meilleur pour nous caresser délicatement les sens avec des morceaux entre folk traditionnelle en anglais et certaines touches pop. Mes oreilles sont éveillées dans la quiétude et sont prêtes pour la suite qui risque de voir le volume augmenter.
Je découvre le village du festival où quelques concerts sont organisés durant l'après-midi. J'arrive juste à temps pour une session acoustique de la danoise
Dopha, seule avec sa guitare électrique. La chanteuse propose un folk rock écorché, à l'image de son single
The Game qui laisse ici entrevoir toute la profondeur de sa voix. Une certaine tension électrique ressort de ses titres chantés du bout des lèvres de sa voix aigüe et trébuchante. Voilà une artiste sans fioritures à suivre d'une scène pop danoise toujours très prolifique.
Une autre chanteuse s'installe sur la scène Fritz Bühne du festival, placée en hauteur, au-dessus d'un stand de boisson, tandis que l'artiste joue derrière le logo géant de la marque en question. Capitalisme quand tu nous tiens...
C'est Karma, chanteuse du Luxembourg, semble vouloir nous attraper en tendant ses mains ouvertes vers le public, du haut de son promontoire. Elle envoie des beats électro-pop au ralenti aux influences de Björk, davantage encore lorsque l'on entend sa voix puissante et fragile à la fois. Seule avec ses machines, C'est Karma fait forte impression dans son pull caméléon jaune, avec des déferlements de beats qui pourraient enflammer un dancefloor entier, comme sur le titre
Spaghetti On Repeat. Elle se saisit parfois d'une guitare électrique sur des titres plus folk comme
Girls, où elle n'hésite pas à utiliser le vocoder. Avec ses textes féministes et sa musique d'une modernité folle, on recroisera sans doute cette performeuse : le karma a parlé.
La session acoustique est de retour avec la britannique
Florence Arman et ses mélodies pop portées par une guitare acoustique rythmée. Malgré le froid et le vent qui commence à souffler sérieusement sur la ville de Hambourg, la chanteuse parvient à me réchauffer avec une voix à fleur de peau et des textes personnels et touchants, comme sur
Naked. Son coté brut et sans détours parvient à émouvoir, à l'image du titre Home et ses envolées vocales brumeuses.
Mais il est déjà temps de retrouver cette fameuse scène en hauteur pour le très attendu groupe de rock psyché
The Hanged Man. Le quintet de Stockholm nous fait décoller grâce à leur son spatial, d'autant plus qu'il joue devant une bâche dessinée de constellations. Les nappes de synthés instables divaguent inlassablement tandis que la voix de la chanteuse Rebecka Rolfart semble s'y incruster dans une légèreté toute particulière. Ajoutez à cela quelques arrangements à la flûte traversière ou au saxophone, et voilà une collection de morceaux kaléidoscopiques que n'auraient pas reniée Georges Harrison, période Ravi Shankar. Il est vrai que la guitare à deux cornes de Rolfart sonnerait presque comme un Sitar. Les titres laid back possèdent un coté transcendantal avec ces synthétiseurs à la Giorgio Moroder. Il ne reste qu'à fermer les yeux et à s'envoler avec The Hanged Man, l'atout qui nous laisse comme suspendu hors du temps.
C'est à ce moment que je découvre l'étendue des dégâts causés par les normes sanitaires drastiques puisque d'énormes file d'attentes se forment à l'entrée des salles. La file est déjà très étendue à mon arrivée dans la grande salle mythique Gruenspan, datant des 60's. Je parviens à m'incruster parmi les derniers pour ce qui semble être une grosse attraction du jour : les anglais de
Working Men's Club. Les Mancuniens débarquent sur cette grande scène, envoyant leur électro-punk hyper dansant, sans temps morts. Le jeune leader et chanteur Sydney Minsky-Sargeant attire les regards avec ses mouvements lascifs et sa voix grave à la Joy Division. Les synthés 80's répondent à des boucles de guitares tendues et une section rythmique métronomique. Ça envoie bien du post-punk lourd et froid comme jadis. A cela semble s'ajouter un écho supplémentaire dû à une salle paraîssant désespérément vide à cause de la jauge. Qu'importe, les machines répétitives et les synthés tortueux et bizarroïdes de Working Men's Club me font remuer illégalement au fond de la salle. La rave party la plus vide du monde restera une expérience en soi.
Je retourne au bercail, le Molotow Club sur Reeperbahn, où les Norvegiennes de
VEPS s'apprêtent à entrer en scène. La fraicheur de leurs singles m'a convaincu à tester leur live, ces quatre Gen Z ayant commencé à jouer ensemble à l'âge de quatorze ans… il y a trois ans, donc. Pourtant leur présence sur scène ne fait aucun doute et le charisme des deux chanteuses principales fait mouche. Les morceaux prennent une tessiture pop lorsque Helena prend le lead alors que la face plus sombre de VEPS ressort avec la voix de Laura. Le groupe enchaîne les morceaux catchy, inspirés du rock/grunge 90's remis au goût du jour dans une certaine modernité. Elles savent aussi faire dans la langueur avec l'envoûtant titre
Girl On TV où les voix des deux chanteuses se mélangent dans un refrain lancinant et que je me surprends à chanter sur le chemin du retour de fin de soirée. VEPS manient tout aussi bien la candeur folk avec une étonnante maturité, sans oublier de lâcher quelque décibels au passage. Le groupe restera l'une de mes grandes découvertes du Reeperbahn Festival.
Terminons la soirée dans un autre club de l'avenue Hambourgeoise, le Moondoo, une discothèque dont une partie sert de scène. Les quatre Danois de
Communions s'installent pour tenter d'instiller un peu d'urgence dans cette atmosphère feutrée de boîte de nuit. Les influences rock 80's ressortent pleinement des morceaux rappelant parfois The War on Drugs, tandis que la voix déclamée et vindicative me fait penser à Eagulls. La batterie au tempo accéléré ne fait pas dans la demi-mesure tandis que les guitares tentent des touches mélodiques en pointillé. Néanmoins, après quelques titres, le concert s'essouffle quelque peu par manque de variété et une certaine redondance entre les morceaux. Il est temps de clore cette journée bien chargée, puisque les derniers concerts encore en cours affichent déjà complet malgré mes tentatives de les rejoindre.
Un jeudi Hambourgeois venteux et froid avec pas mal de groupes venus du nord : on savait bien ce qu'il nous attendait en venant au Reeperbahn. On retiendra les performances majeures de
VEPS et de
The Hanged Man parmi les belles découvertes du jour. Et quand on regarde le programme du vendredi, on ne peut que se réjouir de la suite...