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Interview publiée par Albane Chauvac Liao le 17 mars 2017

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C'est avec de beaux souvenirs, visuels et sonores, de leur dernier concert parisien, que nous allons à la rencontre de Formation, pour qu'ils nous révèlent leur tactique de rassemblement et les ficelles créatrices de leur nouvel album.

Alors, votre premier album sort bientôt ?

Matt : On est super heureux que notre album sorte enfin, cela faisait un an qu'il était enregistré, on l'a grandement désiré !

Côté production on compte Leon Vynehall, un artiste renommé de house, qui avait déjà produit votre EP Under The Tracks, mais aussi...

Matt : Ben Baptie et Jonny (ndlr : Jonny Tams, le bassiste du groupe). Quand Will et moi avons commencé à écrire des chansons, Jonny, avec qui on est potes depuis longtemps, travaillait en studio, il a produit quelques-unes de nos premières créations, puis en studio on a utilisé certains de ses anciens morceaux. Ben est un autre très bon ami, qui a notamment travaillé avec Adele et The Strokes...
Will : J'ai rencontré Ben quand il enregistrait le groupe dont je faisais partie. Je devais avoir dix-huit ou dix-neuf ans, à cet âge-là, en passant des journées ensemble, on est vite devenu amis. Puis il a fait son chemin, est devenu un gros producteur, collaborant avec des artistes célèbres, je l'ai appelé pour lui dire qu'on voulait enregistrer un album et ça s'est fait ainsi, naturellement.
Matt : J'étais un gros fan du travail de Leon, j'avais quelques-uns de ses disques. Au départ, je voulais juste le rencontrer, on a passé du temps ensemble et on s'est vraiment super bien entendus, on avait passé une soirée dans un pub... Quand on cherchait des gens pour travailler avec nous sur l'album, on a pensé à lui, du coup on a recommencé à traîner ensemble, cette-fois en bord de mer, sur la jetée de Brighton.

Quelles sont les destinations de votre prochaine tournée ?

Will : On débute en mars à Brighton, Londres, Bristol, Manchester et Leeds, puis l'Europe avec notamment Paris le 17 mai !

On entend des influences de LCD Soundsystem ou Friendly Fires sur les titres Drugs ou Young Ones, ces groupes font partie de vos sources d'inspiration ?

Will : Les groupes qu'on aime sont ceux qui ont influencé LCD Soundsystem et Friendly Fires, groupes des années 1970 ou 1980, que James Murphy et les mecs de Friendly Fires écoutent.
Matt : On connait le chanteur des Friendly Fires, on a passé des heures chez lui, à parler musique et influences communes.
Will : On est tous amateurs de ce savoureux mélange disco/funk/pop/electro.
Matt : Je pense que pour beaucoup de ces groupes, c'est un attrait à l'échelle de l'univers, des influences sans limite.

Will et Matt, votre père a semble-t-il été une inspiration pour vous ?

Matt : Il a grandi dans le nord de l'Angleterre. A l'époque, fin des années 1960/1970, il y avait un genre musical très populaire, le Northern Soul, c'est la phase B, des disques rares de la Motown. Tous les jeunes couraient alors, partant à la chasse de ces disques rares. Ce n'était pas les hits Motown comme Stevie Wonder, c'était le côté underground de Detroit. Des lieux où ils se déhanchaient toute la nuit, de vieilles discothèques tel que Blackpool Mecca, Twisted Wheel, Wigan Casino... Il a déménagé à Londres et a commencé à acheter des disques dès l'âge de seize ans, du coup quand on était gosses il avait une collection massive de soul. Le côté « northern soul », un son qui mêle douceur et amertume. Tu as envie de danser dessus mais les paroles sont vraiment sombres. Cette étrange juxtaposition en fait quelque chose de très intéressant à écouter et à s'approprier pour nos créations.

Quelles sont vos expériences musicales respectives ?

Will : (faisant un geste vers Jonny et Sasha) Ces deux-là ont un passé musical intéressant. Jonny a bossé avec Björk, Kylie Minogue... ou Will Young !
Jonny : On vient tous les deux du studio. J'ai rencontré Will et Matt en jouant dans des groupes mais on s'est vraiment associé quand ils sont venus me voir dans le studio où je travaillais avec Sasha. C'est là que notre groupe a pris forme. Pas si intéressant que tu le disais Will !
Will : C'est intéressant mais il ne veut juste pas le dire (rire général).
Matt : Will et moi avons grandi en jouant de la musique ensemble, on a tout fait, du chant de chœurs à l'orchestre, puis à treize ans on a monté notre premier groupe. Par la suite, on a joué dans tellement de groupes : Will et Jonny de leur coté, Jonny dans un deuxième qui jouait beaucoup avec un autre groupe dont Will et moi faisions partie et Kai et moi nous sommes rencontrés en jouant aussi ensemble. Formation, c'est l'union ultime de toutes ces rencontres.

Un magazine vous a attribué le titre de « quintet disco » en référence à A Friend, qu'en dites-vous ?

Will : Le disco, c'est cool ! Je crois que c'est le groove. Quand tu dis disco, tu penses aux 16th beat notes, aux hi-hats, au groove et à une bonne ligne de basse. Je crois que ce morceau en particulier et peut-être d'autres parties de l'album, sont basés sur cette ligne de basse et ce son « dancy-drumby ».

En commentant le vidéo clip de A Friend, un utilisateur a utilisé l'expression « oddly erotic ». Pourtant il y a beaucoup de bagarre et de sang. Vous êtes d'accord avec cette vision de la vidéo ?

Will : C'est une représentation de la passion et ses extrêmes. Mais bon, tu es française, tu t'y connais niveau passion !
Jonny : Pas seulement érotique, il y a l'amour et ce côté un peu dérangeant dans la mise en scène.
Matt : Je pense que c'est aussi le truc de certains. (Amusement général)

Vous avez donné un concert en soutien à la Brixton Soup Kitchen, le titre Pleasure qui fait partie de la BO du jeu vidéo FIFA 17 est en lien avec l'organisation de lutte contre les discriminations Kick It Out, comme on peut le lire dans la légende sur Youtube : « si tu adores FIFA 17 et Formation et déteste le racisme et les discriminations, n'oublie pas de shooter dedans en allant sur www.kickitout.org; pour que le football devienne une belle expérience pour tous ». Vous êtes engagés sur tous les fronts. Pourquoi choisissez-vous ces causes ?

Will : Concernant FIFA 17, notre label allait sortir le vidéo clip de Pleasure et je me suis dit que, comme ça allait faire partie des chansons de ce jeu vidéo, on devrait promouvoir quelque chose de positif en même temps, comme ça quand les gens regarderont la vidéo, ils pourront soutenir la cause. On a saisi l'occasion de faire passer un message, créer des connexions positives. C'est pareil partout, dès qu'on a la chance d'aider quelqu'un. Ça part du plus petit geste, par exemple, si un ami ne peut pas aller au concert, on le mettra sur notre guestlist.

Dans votre chanson Love, les paroles interpellent : « brother, my friend, your pain is not the end. ». Que représentent ces valeurs dans votre démarche collective ?

Will : C'est le but de notre groupe, l'idée même de jouer de la musique ensemble. L'essence même du nom « Formation ». Beyoncé aussi l'a fait, même si on l'a trouvé en premier (rires). C'est le même principe. Formation c'est le rassemblement, en tant que musiciens, et avec le public. La musique est le langage universel que tout le monde comprend. J'ai écrit un article à ce propos sur notre compte medium.com.

Vous aimez écrire ?

Will : On aime tous écrire et lire, Jonny lit beaucoup.
Jonny : Mon auteur de référence est Virginia Woolf. Je m'intéresse aussi beaucoup aux arts visuels donc mes lectures s'adaptent à ce domaine et viennent l'enrichir, tout se rejoint.
Will : Il était en pleine rédaction de sa « dissertation finale » dans le van pendant la tournée.
Jonny : Tout le monde devrait passer un diplôme à mi-temps. C'est top !

Sur Instagram, vous invitez vos followers à utiliser Whatsapp pour interagir avec vous. Dans quel but ?

Matt : Will n'utilise pas trop les réseaux sociaux, je m'occupe de Facebook et Twitter. Will trouve que de nos jours il y a tellement de gens et de groupes qui les utilisent qu'il est difficile de se démarquer ou d'instaurer une vraie connexion avec le public. En créant un groupe Whatsapp les gens ont notre numéro, ils sont liés directement à nous.

Qu'est-ce que vous leur répondez ?

Kai : « Formation speaking ». (rires)
Matt : L'important c'est que le public, partout dans le monde peut nous appeler ou même nous contacter par appel vidéo.
Will : Comme ça plus de n'importe quoi, plus d'entre-deux sur Twitter où il faut avant tout paraître. Nous ne sommes plus que de simples « followers » mais des amis.
Kai : Comme un vrai gang, solide.

Est-il vrai que vous êtes un groupe sain, à l'opposé de l'image rock'n'roll d'autres groupes ?

Kai : Pas moi. (rires)
Matt : On est pas dans l'excès mais on ne fait pas non-plus du yoga tous les jours et on est loin d'être vegan !

A votre avis, pourquoi les populismes sont en augmentation ?

Kai : Les gens veulent que ça change, ils en ont assez que la même histoire se répète.
Will : C'est comme sur Internet, tout le monde trolle. Et bien il y a des trolls dans la vraie vie. Parce que plus personne ne se parle. En quelques sortes c'est une bonne chose car il faut parfois toucher le fond pour rebondir. On a besoin de communication.
Matt : Et moins de personnes qui écoutent les fake news complètement dingues.
Will : Les conneries sur Twitter, où le débat stérile est constant.
Kai : J'ai vu une photo l'autre jour, une femme couverte de sang et des commentaires du genre « cette femme a été agressée par des migrants », tout ça pour constater sur la photo suivante que c'était un film de zombie. Tous ces commentaires qui crachent du venin à tort et à travers !
Will : Il n'y a aucune réalité dans tout ça. Zach va d'ailleurs se présenter pour être maire de Londres !

Dernière question, quelle est la prochaine personne à sauver ?

Zach : Flipper !
Will : Melania Trump.
Kai : Ouais, la femme de Trump !
Jonny : On en a discuté mais on y réfléchit encore.
Will : Les pingouins, ils sont si mignons !

Après cette rencontre, faite de quintes de rires et d'une vague rassurante d'engagement socio-musical, une seule hâte : les revoir en concert au Badaboum à Paris le 17 mai!