Cette soirée du 30 mars 2012 commençait sur les chapeaux de roue, du moins façon de parler, avec un duo d'accordéons pour une ambiance bal musette comme je les affectionne tant sur la ligne 12... Quelques accostages réglementaires plus tard pour venir remplir les caisses de bars à filles et me voici enfin dans le feu de l'action pour le marathon de clôture du festival Les Femmes S'en Mêlent à la Machine du Moulin Rouge. Cette soirée de fin, 2ème du genre, est un incessant jeu de montées et de descentes d'escaliers du Central à la Chaufferie et inversement. L'organisation est impeccable et l'on peut ainsi assister à tous les concerts dans leur intégralité sans en perdre une miette.
Le public prend son temps pour arriver aujourd'hui, et l'on ne peut pas dire qu'il y ait foule à l'ouverture. Pour nous faire patienter, Caroline France passe quelques disques qui n'inspireront pas grand chose aux personnes présentes à part l'envie de discuter en buvant un verre.
Peu avant 22h30, les danoises de Giana Factory s'emparent de la Chaufferie. La guitare, la basse, les claviers et la batterie électronique s'entrechoquent avec la voix de Loui Foo pour de l'électro pop avec, par instants, de légères touches que l'on croirait sorties d'une bande originale de western. La musique lancinante de ces trois filles de Copenhague en petites robes noires séduit peu à peu. Les beats technoïdes de Dirty Snow provoqueront même quelques petites séances de déhanchés dans la fosse. La prestation est plaisante sans non plus provoquer l'hystérie. Un dernier morceau puis tout ce petit monde se dirige vers le Central pour la suite des événements.
On prend la direction de Brooklyn ce coup-ci avec Class Actress. Elizabeth Harper chante en imperméable (avant de l'abandonner au bout de quelques titres), arpente la scène, bouge ses cheveux, mouline des bras, en somme, elle occupe l'espace de la large grande scène. Les années 80 sont bien là, si l'on en juge par ses grosses boucles d'oreilles, son imposant collier ou encore son long T-shirt aux bandes marines fendu en bas. Son acolyte masculin affairé aux claviers n'est pas mal non plus avec sa veste en jean et sa casquette. Côté musique, ceux appréciant l'électro pop insouciante et sucrée sont servis. Dans le même genre, Glass Candy ou Chairlift font mieux, mais Class Actress n'est pas non plus à éviter, loin s'en faut.
On retrouve nos amies les marches avant le seul groupe anglo-saxon de la nuit, Comanechi. La possédée Akiko Matsuura est à la tête de ce trio dévastateur auquel elle peut pleinement se consacrer de nouveau depuis son départ de The Big Pink. Vêtue d'un collant avec diamants et de bracelets de force, Akiko, en dépit de son allure, possède un cri puissant. Elle donne tout ce qu'elle peut, nous crache littéralement ses tripes à la figure, saute sur place, monte sur tout ce qu'elle trouve et vient provoquer le public qui, malgré quelques réticents, se lance dans un pogo. Elle ferait presque passer Keren O des Yeah Yeah Yeahs pour une chanteuse de berceuses. En nette rupture avec les groupes précédents, une partie minoritaire de l'auditoire semble déstabilisée et va se réfugier à l'étage en attendant la suite.
Les Comanechi ne sont pas là pour rigoler, peu de bla bla, on enchaîne les morceaux avec hargne et détermination. Les têtes s'agitent au rythme de l'énergique guitare qui nous plonge dans des sonorités de plus en plus drone au fur et à mesure du set. Le cadre de la chaufferie avec son fond de scène en mur de briques sied particulièrement bien à leur punk rageur typique des années 90s. Le groupe se lance dans une reprise de The Crystals avec He Hit Me mais à leur sauce et l'on ne reconnait même plus l'original. Akiko se fraie un chemin dans le public, escalade une barrière dans le fond de la fosse et en tombe malencontreusement. Ce n'est pas une chute qui va la stopper, elle continue de plus belle comme si de rien n'était. Death Of You et les morceaux suivants sont des plus puissants. Quelques riffs de guitare fleurent bon les Queens Of The Stone Age. La chanteuse s'empare d'une six cordes et se met en avant-scène. Comme tout bon guitar hero, elle prend la pause avant de se confronter dans un face à face d'instruments avec Simon Petrovitch. Le long nouveau morceau Patsy conclut la setlist mais les fans qui en redemandent seront exaucés avec un titre supplémentaire dont la fin redonne tout son sens au mot noisy. On ressort de là les oreilles en compote, un peu abasourdis mais néanmoins prêts à enquiller avec la grande scène.
Le chrono tourne, il est désormais 0h30 et c'est autour des suédois Lissi Dancefloor Disaster d'entrer en piste. Le duo composé d'une chanteuse bondissante et d'un géant à casquette qui officie aux claviers, aux platines et parfois au micro est accompagné d'une personne masquée à tête de chat qui restera immobile pendant une bonne moitié du concert avant d'entrer dans la danse. Comme leur nom le suggère, ils sont portés sur l'électro pop période 2000 avec de petites réminiscences de bande originale de jeux vidéos 8 bits avec la voix de Josefin Lindh, parfois assez proche de celle d'Elly Jackson (LA ROUX). Les fêtards ont fait leur apparition et envahissent la scène sur la fin du set, récupérant tous les masques de chat qu'ils peuvent trouver offrant une étrange vision à la Thriller, les mort-vivants en moins.
On reste dans le 8 bits avec Dat Politics. Leur électro le plus souvent instrumentale s'accompagne parfois de chants robotiques. Les rythmes répétitifs donnent le ton, le public se dandine gentiment. Claude Datgirl arbore un look très 80s avec blouson court rouge vif, short en jean, long t-shirt avec BOY écrit en majuscules et un collier à grosses mailles. Le tout est assez efficace. Il faut dire que le duo français est actif depuis bientôt quinze ans, ils connaissent donc bien leur affaire.
On achève la nuit sur la grande scène avec deux groupes américains. Le premier, Light Asylum, impose une cold wave froide et addictive. La charismatique chanteuse Shannon Funchess donne tout ce qu'elle peut et l'on croirait par moments assister aux débuts de Grace Jones dans le monde de la musique. Certains titres pèchent un peu qualitativement parlant mais cependant l'épatant Dark Allies va mettre tout le monde d'accord et plonger la Machine du Moulin Rouge dans une transe profonde comme en août 2011 à l'International.
Après l'unique changement de plateau auquel on assistera ce soir, Scream Club leur succède à trois heures passées. Les deux filles habillées avec des sacs poubelles élimés enchainent une série de love songs soporifiques (surtout à cette heure avancée). En milieu de set, Sarah Adorable et Cindy Wonderful vont changer de direction et se lancer dans une pop hip-hopeuse accompagnée de chorégraphies. It's Party Time !
Il est désormais 4 heures du matin, des DJs s'affairent dans la chaufferie mais il est temps de retrouver son lit et je prends donc la direction de la porte de sortie avec quelques soupçons de Dat Politics, une pincée de Light Asylum et surtout une grosse dose de Comanechi dans les tympans. Sans réel gros coup de coeur à l'arrivée ce soir, Les Femmes S'en Mêlent nous ont offert un joli plateau de clôture. Plus que quelques mois de patience pour découvrir la prochaine sélection !