En général, les gens finissant leurs phrases un autre jour ou dans un timide soupir agacent mon goût pour les situations claires. Mais pas
Marie-Flore.
Débarquée sur la scène de la Maroquinerie pour assurer la première partie de la soirée, la petite bonne femme à la grande Gibson fait pouffer à chacune de ses prises de paroles lunaires entre de fort jolies chansons si susurrées qu'elles font se lover les amoureux dans la salle. Avec son allure de baronne perchée qui cherche à tromper son monde, ses airs électrico-aériens mi-PJ Harveysques, mi-Anna Calviens qu'elle conclut de « enfin voilà... », son
Ode To Green en trois accords et cinq secondes montre en main, le voile de sa voix douce façon Margo Timmins des Cowboy Junkies, elle fait rire autant qu'elle émeut par la délicatesse de son art, tout en retenue, mais que l'on sait puissamment glam-rock. « Kisses by a dozen » * également, Mademoiselle Marie-Flore, et rendez-vous au printemps ou bien avant.
* titre de son futur album, « pas encore sorti, mais si vous voulez les CDs de (ses) titres, demandez donc à (sa) mère, qui les garde dans son sac ».

Tout aussi enclins à rire, surtout lorsque Gawain Erland Cooper pique son tour de chant à Hannah Peel durant
Betty Corrigall,
The Magnetic North nous emmènent en promenade dans un autre monde, plus brumeux, peuplé de mythes et légendes. Originaire des Orcades (Orkney Islands), le songwriter et ses acolytes, l'irlandaise compositrice et chanteuse (Tunng, Nithin Sawney, Duke Special) et le multi-instrumentiste Simon Tong (The Verve, Blur, The Good The Bad & The Queen), se sont inspirés du livre de John Charles Gunn, The Magnetic North dont la première page est projetée sur scène lors de Yesnaby, pour le titre de leur album
Orkney : Symphony of the Magnetic North, sorti en mai dernier. Enregistré sur cette lointaine île écossaise, l'album retrace le destin tragique d'une jeune femme du XVIIIe siècle, Betty Corrigall, qui s'est suicidée après avoir été bannie de son village pour être tombée enceinte d'un marin de passage.
Au long de leurs balades éthérées, puissamment mélancoliques, ils partent à sa recherche au travers d'une pop-folk introspective pétrie de mystère, suivant ce fil d'Ariane pour mieux nous faire découvrir les paysages venteux et froids qui la composent. Cet hommage à l'âpre contrée peuplée d'esprits et de marins nous est conté par d'envoûtantes chansons au lyrisme effréné, de l'épique
Warbeth aux longs sanglots de violon à
Bay Of Skaill en passant par
Old Man Of Hoy et sa petite boîte à musique enfantine et énigmatique.

Soutenue par la projection de vieilles images d'archives illustrant la vie sur les Orcades au début du XXe siècle, et notamment celle des pêcheurs qu'on imagine rudes et hermétiques, la balada triste à laquelle les Magnetic North nous invite prend une dimension symphonique, théâtrale, spectrale, au fil d'instrumentations teintées de classicisme et du sublime duo de voix d'Erland et Hannah, aux vocalises presque fantomatiques. L'ambiance étrange créée par cette formation est accentuée par la beauté sépulcrale de la chanteuse, qui rappelle celle de l'héroïne de Blade Runner. Mais bien loin d'être des réplicants, ils font preuve d'une originalité qui ne semble pas être encline à céder aux sirènes du consensuel.
Alors souhaitons-leur la même résistance aux intempéries que leurs ancêtres dans leur périple musical.