C'est à l'occasion du premier concert de leur tournée européenne que nous avons rencontré The Magnetic North, trio réunissant Erland Cooper et Simon Tong d'Erland And The Carnival et la multi-instrumentiste à la voix féérique Hannah Peel. Trois musiciens passionnés par leur travail qui sont certainement la meilleure vitrine musicale actuelle de l'Ecosse.
Chacun d'entre vous avait sa carrière propre avant The Magnetic North. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous lancé dans ce nouveau projet ?
Hannah : Et bien, ces deux-là jouaient déjà ensemble et j'avais assuré la première partie de leur tournée au Royaume-Uni. A peu près à cette époque-ci l'année dernière, Erland et Simon sont venus me voir en me disant qu'ils avaient écrit quelques titres pour un nouveau projet et souhaitaient que j'y participe pour apporter une dimension vocale et musicale supplémentaire. Dès le départ, ils m'ont dit que cet album parlerait d'Orkney et que l'univers de l'album s'inspirerait d'un vieux guide des années vingt sur ces îles. Toute la dimension visuelle était là dès le départ. Et je dois avouer que c'est ça qui m'a de suite séduite.
Vous pensiez donc que ces titres n'auraient donc pas fonctionné avec Erland And The Carnival ?
Simon : Non, l'univers des titres était vraiment trop différent et il nous est apparu de suite que ces chansons feraient partie d'un autre projet.
Erland : Et c'est très rafraichissant. Pas d'attentes, pas d'ultimatum, juste le plaisir simple de créer quelque chose d'à la fois nouveau et différent tout en étant nous-mêmes. Le plaisir aussi de s'occuper de tout sur cet album, de voir sa gestation et sa naissance.
Hannah, est-ce que tu as de suite accepté leur proposition de les rejoindre ?
Hannah : Oui! Dès qu j'ai entendu les maquettes des premiers titres, je me suis dit que nous pouvions faire plein de choses avec ces chansons, que je pouvais indéniablement apporter quelque chose, apporter ma patte en quelque sorte. C'est là que je leur ai parlé de trombone et de violon. Vous ne vous attendiez pas à ça, hein, les gars (rires) ?
Erland : Tu sais, à chaque fois que nous nous retrouvions pour composer ou enregistrer, elle arrivait avec un tas d'idées plus folles les une que les autres. Au départ, nous voulions travailler avec elle car elle a une voix magnifique et qui cadre totalement avec le thème de l'album. Nous ne connaissions rien de sa passion pour les instruments à vent et à cordes. Donc ça a été une découverte totale. Elle a réussi à faire de ces chansons très dénudées quelque chose de beaucoup plus charnu.
Avec tous ces instruments, est-ce pour cela que vous avez décidé d’intituler cet album Symphony?
Hannah: En grande partie, oui. En plus, nous y avons ajouté une chorale, ce qui renforce cette dimension symphonique.
Simon: Et tu sais, le climat à Orkney, avec beaucoup de vent, donne aussi l'impression quand tu y es d'être au milieu d'une symphonie naturelle. Nous avons voulu retrouver cette dimension avec tous les instrument utilisés.
Erland : Ceci-dit, nous avons même réussi à avoir tout un orchestre pour nous lors de l'enregistrement !
Vous avez enregistré à Orkney. Était-il important que cela se fasse là-bas et que les îliens y participent ?
Hannah : Sans aucun doute ! En tout cas, il fallait que les gens d'Orkney se sentent concernés et impliqués dans le projet. Pas uniquement Erland (rires) ! (ndlr: Erland Cooper est né à Orkney)
Erland : D'ailleurs, vous savez comment on appelle les gens qui habitent Orkney ? Hannah, tu devrais le savoir maintenant! Bref, pour la gouverne générale, ce sont les Orcadians.
Hannah: Je vais arrêter de dire « habitants d'Orkney », d'accord (rires). Pour revenir aux propos de départ, nous avons travaillé avec une chorale d'Orkney, avec Steve Cormack, qui lui aussi est Orcadien. Nous avons enregistré dans une église locale, dans une sorte de caveau même !
Simon : C'est vrai que le travail avec les Orcadiens a été extrêmement important. Maintenant, c'est à nous de faire le travail de transmission. Nous voulons emmener cet album plus loin. Le concert le plus important que nous donnerons sera à Orkney cet été. Il y aura la chorale et les musiciens qui nous ont accompagnés sur l'enregistrement.
Erland : Oui, il y aura un quartet, une section d'instruments à vent, nous voulons vraiment que les Orcadiens se retrouvent à la fois dans l'album et dans les concerts.
Erland, comment le thème d'Orkney t'est-il venu ? A-t-il été facile de convaincre Simon et Hannah de se regrouper autour de cette idée ?
Hannah : Erland a fait un rêve. Il a rêvé de Betty Corrigal qui vivait au dix-huitième siècle à Orkney. L'histoire veut qu'elle soit tombée enceinte d'un marin et qu'elle ait voulu se suicider. Elle a d'abord tenter de se noyer mais les villageois l'ont sauvée. Elle a finit par se pendre; mais comme elle n'était pas mariée, ils n'ont pas pu l'enterrer au cimetière et ont donc transporté son corps sur une autre île où ils l'ont enterrée au milieu de la lande. Puis ils l'ont oubliée. Et au milieu du vingtième siècle, son corps a été retrouvé : il était dans un état de conservation absolument parfait !
Erland : Oui, on aurait dit qu'on venait de l'enterrer et pas que deux cents ans avaient passé.
Hannah: Et elle est apparue en rêve à Erland, lui transmettant des chansons et lui demandant d'écrire cet album.
Et en est-elle contente?
Hannah: Je le pense ! Elle ne semble nous envoyer que des ondes positives !
Sur scène, vous utilisez des vidéos en arrière-plan. Est-ce parce que vous souhaitez raconter une histoire ?
Simon : C'est plutôt pour donner une idée de l'endroit. Nous voulons que les gens visualisent autant que nous Orkney.
Hannah : Oui, sans les vidéos, il est impossible de s'imaginer la rudesse du paysage, du climat et des visages. Impossible d'imaginer de telles falaises. On ne peut visualiser un tel paysage qu'avec de vraies images.
Est-ce pour cela que tous les titres correspondent à des lieux d'Orkney ?
Erland: Oui, tout, absolument tout, devait être Orcadien sur cet album.
En résumé, vous êtes une sorte de version moderne de l'Office de Tourisme d'Orkney?
Erland : (rires) Oui, c'est tout à fait cela ! Nous espérons que le public aura la curiosité d'aller chercher des information sur l'île et, qui sait, aura peut-être envie d'y aller en vacances. Parce qu'il faut le dire, c'est bien plus beau que tout ce que vous avez pu voir !
Il est vrai qu'Orkney est tellement au nord de l'Europe que les gens n'en font pas une destination de vacances !
Erland: Pourtant, je le dis à tous, Orkney a une influence quasi magnétique sur tous ceux qui y sont allés. D'où le titre de l'album.
Vous avez choisi Rackwick comme premier single. Pourquoi ce titre ?
Erland : Nous avons donné notre album à Tal Rosner qui réalise toutes les vidéos que l'on voit sur scène ainsi que nos clips. Et nous lui avons donc demandé de choisir le premier titre pour lequel il souhaitait faire un clip. C'est donc son choix.
Hannah : Il a gagné un BAFTA pour son travail donc nous pouvions sans souci lui laisser le champ libre. Et il est vrai que nous sommes assez content que ce choix ait été aussi naturel pour lui.
Erland: Oui, et ce titre était certainement le plus représentatif de l'album puisqu'il raconte l'histoire d'amour de Betty Corrigal.
En quoi vos expériences musicales indépendantes les unes des autres vous ont-elles influencés sur cet album ?
Hannah : Il y a tant de choses! le fait que nous ayons chacun appris qui nous étions vraiment en enregistrant nos albums respectifs nous a permis de collaborer sereinement et, surtout, d'être capables d' apporter le meilleur de nous-mêmes à ce projet. Tu sais ce que tu peux demander à chacun, tu sais que tu ne dois et ne peux pas tout régenter dans ce type de collaboration.
Simon : Il est vrai aussi que le fait d'avoir une expérience musicale précédente nous a permis d'être plus à l'aise sur l'écriture des titres. Nous avions les chansons avant la musique et il a donc fallu travailler sur les paroles pour qu'elles collent avec.
A-t-il été plus difficile de travailler de cette manière ?
Simon : Tout à fait !
Hannah : C'est un peu comme reconstruire un corps en n'ayant que le squelette. Tu sais, le premier titre de l'album s'appelle Stromners. C'est un port et nous voulions absolument créer cette atmosphère de bateau rentrant à quai. Le trombone a donné cet effet-là de suite.
Erland : En fait, dès que nous avons choisi titres, nous nous sommes attelés à la musique. Une fois seulement que toutes les musiques étaient écrites, nous sommes passés aux paroles. La musique te donne réellement l'impression d'être dans le lieu et c'est uniquement ainsi que pour >i>Stromners nous avons pu recréer l'ambiance de ce village.
Combien de temps a duré la gestation de cet album ?
Hannah: A la même époque l'année dernière, nous n'avions que le squelette de l'album.
Erland : C'est surtout que nous avons mis beaucoup plus de temps à nous décider sur l'artwork que sur la musique !
Quels étaient les différents points de vue sur cet artwork justement ?
Hannah : Nous ne voulions pas perdre de vue l'idée de départ du guide des années trente sur Orkney mais, en même temps, il fallait arriver à le moderniser sans le dénaturer pour que le public soit intéressé.
Erland : Tu sais, pour moi, écrire un album, c'est avant tout une réaction chimique entre trois personnes, être capable de produire cette étincelle qui fait d'un groupe quelque chose de magique. Une fois que c'est le cas, ton album passe entre pleins de mains et des tas de gens extérieurs au projet commencent à donner leur avis, à te dire qu'il faudrait faire ci ou çà pour le design. Nous avons commencé cet album en sachant que nous allions le publier mais nous avions un peu oublié que d'autres allaient s'impliquer dans ce projet - ne serait-ce que la maison de disques - et c'est ce qui nous a fait plancher sur l'artwork plus que de raison.
Et comment êtes-vous arrivés à une décision ?
Erland : Disons que nous avons écouté d'une oreille attentive les opinions des uns et des autres... et que nous avons fini par faire ce que nous voulions (rires) !
Contrairement à ce que le thème de l'album et l'artwork pouvaient laisser penser, cet album est très moderne et contient même des sons électroniques...
Simon : Nous étions partis sur une approche à la fois très folk et symphonique mais, en même temps, nos goûts personnels nous dirigent aussi vers l'électronique et il nous a semblé assez naturel de mélanger les trois.
Erland : Je me souviens très distinctement du jour où nous avons choisi le titre de l'album. Hannah s'est écriée « Mais, ce n'est pas une symphonie ! Nous n'avons ni trombone, ni chorale, ni violoncelle, ni violon » et Simon et moi, nous sommes retrouvés pantois ! Nous l'avons laissée tourbillonner à la recherche des instruments qu'elle voulait pendant que nous nous disions que évidemment, si nous voulions appeler cet album une symphonie, il fallait tout cela.
Comment parvenez-vous à travailler sur vos carrières distinctes en plus de The Magnetic North ?
Erland : Nous avons des collaborateurs fantastiques sur les deux projets et il me semble assez facile de continuer à faire les deux en parallèle.
Hannah : Pour moi, c'est le retour à mon projet solo qui me semble difficile ! Quand tu as travaillé avec deux artistes aussi fantastiques que Erland et Simon, tu paniques un peu - beaucoup même - à l'idée de te retrouver seul à bosser tes titres. Avec le groupe, quoi qu'il arrive, tu n'es jamais seul, tu peux toujours avoir un avis, un soutien ! Ça rend les choses beaucoup plus faciles et j'ai plutôt peur de revenir à l'étape solo.
Erland : Ne t'inquiète pas ! Nous serons là ! Et tes nouvelles chansons sont fantastiques.
Tu vas donc leur demander leur avis sur ton prochain album ?
Hannah : Oh que oui. Et ils me le donnent déjà.
Allez-vous jouer dans quelques festivals cet été ?
Simon: Nous avons déjà celui d'Orkney qui est prévu, avec le chœur et l'orchestre. Ce sera vraiment la réalisation du projet à part entière.
Erland : Nous allons garder un line-up assez simple pour le reste des concerts en Grande-Bretagne car il est difficile d'avoir tous les instruments sur des scènes de taille moyenne.
Hannah : Nous espérons revenir à Paris d'ici la fin de l'été pour jouer dans un lieu plus grand, voir une église, et pouvoir jouer avec l'orchestre et le chœur. Ce serait réellement magique.