Un an après avoir oublié Paris lors de la tournée célébrant les vingt ans du leur mythique
Levelling The Land, les Levellers étaient au Divan du Monde la semaine passée pour défendre leur dixième album
Static On The Airwaves sorti cet été.
Bien que sortant régulièrement de bons disques, le groupe originaire de Brighton a vu son public en dehors du Royaume-Uni cruellement diminuer depuis deux décennies. Ce soir, la fosse pourtant réduite peine à se remplir et le concert est loin d’être complet. Une majorité des spectateurs présents, que l’on imagine aisément fans de la première heure pour la plupart étant donné leur âge avancé, portent des vêtements liés au groupe.
Pas de première partie, les six musiciens investissent la scène aux alentours de 21h. Simon Friend étant absent de la tournée pour des raisons familiales, Thomas White (The Electric Soft Parade) prend place sur scène aux côtés de Mark Chadwick. A peine les instruments pris en main, le groupe attaque pied au plancher sur un
Beautiful Day très punk puis s’attaque de suite à leur album principal avec un
The Game d’anthologie pendant lequel la foule reprend en chœur les paroles du refrain : « I don’t believe in Heaven, I don’t believe in Hell. I don’t believe what I’m seeing, this is no game can’t you tell ? ».
Le guitariste passe à la mandoline pour un magnifique
15 Years toujours aussi énergique avant qu’ils ne défendent leur nouvel album avec le premier single
Truth Is, excellente chanson dont les couplets rappelent Shane McGowan et sa bande ainsi qu’un refrain plus rock, plus tranchant mais très entraînant. Jon et Jeremy, respectivement au violon et à la basse, sautent déjà dans tous les sens. Le classique
The Road est ensuite repris par des premiers rangs qui sont comme possédés alors que les dreadlocks rouges de Jeremy virevoltent autour de lui.
C’est déjà un quatrième extrait de
Levelling The Land qui continue de transcender les acteurs de ce début de concert époustouflant. Sur
Sell Out, on croirait entendre Tom Meighan chanter sur les couplets tandis que le refrain punk celtique à souhait permet à tout le public, même aux plus âgés, de répondre à l’appel du violon en lançant les premiers pogos qui continueront durant la très sympathique nouvelle chanson
Raft Of The Medusa, sur laquelle Mark Chadwik se fait conteur pour narrer l’histoire de la Méduse.
Mark Chadwick reste alors seul sur scène avec son violoniste et son claviériste pour la ballade
Julie, magnifique chronique sociale que bien des chanteurs (notamment français) rêveraient d’écrire. La voix de Mark se révèle d’ailleurs très touchante lorsqu’il chante calmement, pour de vrai. Une espèce de clown punk (Stephen Boakes) arrive ensuite sur scène armé d’un didgeridoo et entame une introduction tribale avant d’être rejoint par un tambour et un violon pour un morceau instrumental. Puis Mark Chadwick est de retour et le groupe interpréte en effectif réduit une version jig absolument parfaite de
The Boatman qui refilerait le sourire à un employé de PSA d’Aulnay en moins de temps qu’il n’en faut à Arnaud Montebourg pour perdre son accent de châtelain.
Mais le grand moment de bonheur général va arriver après le nouveau single
Our Forgotten Towns, avec le tube
One Way, durant lequel tout le monde s’égosille alors que notre clown punk revient jouer du didgeridoo et s’amuser sur scène. Cette chanson, qui n’est pas forcément celle qui a le mieux vieilli, est en tout cas un vrai régal en live. Après un titre plus calme (
Hope Street), c’est le morceau emblématique de leur premier album,
Carry Me, qui va définitivement déchaîner la salle entière avant un enchaînement
Dirty Davey / Riverflow / Cholera Well de plus en plus punk, offrant un final de folie avant que le groupe ne s’éclipse quelques minutes.
Ils reviennent avec
Far From Home, une jolie ballade celtique bien sympa jouée ce soir de manière bien plus violente, froide et expérimentale que la version originale. Jon agrémente d’ailleurs la chanson d’effets un peu trash dignes de John Cale aux débuts du Velvet Underground. Mark prend ensuite le banjo pour entonner leur version actualisée (elle parle de la guerre en Afghanistan) du traditionnel
The Recruiting Sergeant, absolument jouissive. En introduction du dernier morceau, Jon nous offre le solo du violon le plus punk au monde avant une version totalement apocalyptique de
Liberty Song pour finir en beauté devant une foule en délire chantant à tue-tête pour que jamais ça ne s’arrête.
Après un tel concert, on ne peut que regretter que les niveleurs ne passent pas plus souvent à Paris, d’autant que les nouveaux titres n’ont pas grand chose à envier à ceux qui ont bâti le succès du groupe au début des années 90. Mais leur baisse de popularité dans l’hexagone permet de voir dans une petite salle loin d’être complète un concert exceptionnel d’un des plus grands groupes de punk-folk celtique. On regrettera l’absence du guitariste Simon Friend, et en conséquence celle sur la setlist des titres qu’il chante, comme
Battle of Beanfields, mais la performance du groupe, littéralement transcendé lors de l’exercice live et sachant sublimer ses compositions, fut impressionnante. Voilà un groupe qui ne vieillit pas mais mûrit et continue son petit bonhomme de chemin, en indépendance, sans jamais n’avoir songé à arrêter en vingt-quatre ans de carrière.
Hats off to the levellers !