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The Heavy

Paris, Maroquinerie - 9 novembre 2012

Live-report par Olivier Kalousdian

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Voilà déjà vingt ans que les fondateurs de The Heavy, le chanteur Kelvin Swaby et le guitariste Dan Taylor, sont devenus amis en écoutant de vieux disques de R&B et regardant des films de Jim Jarmusch. Enfant, Kelvin Swaby chantait dans les chœurs de l'église de sa paroisse et regarde, aujourd’hui, les photos de cette époque où les cols roulés orange et les pattes d’Eph régnaient en maître, avec un certain sourire, gêné...

Il aura fallu dix ans de préparation à The Heavy pour que sorte leur premier album et encore quelques années pour s’imposer sur la scène britannique et, plus rare, sur celle des Etats-Unis grâce au réalisateur David O Russel et à la Bande Originale de son film, oscarisé, The Fighter. Hélas, la collaboration s’en tiendra au générique du film via le titre How You Like Me Now. À demi hélas car, avec à ce très bon film et avec leur double passage dans le David Letterman Show, la carrière de The Heavy s’envole alors outre-Atlantique et un peu partout dans le monde.

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C’est donc avec une expérience affûtée et pas mal d’heures de vol au compteur que The Heavy attaquent le set de ce soir dans une Maroquinerie qui affiche complet depuis plusieurs jours. Un public très hétéroclite, entre fans de soul musclée et groupies amoureuses de mélodies funky, sans sucre, surchauffe la petite salle en cette soirée aussi grise que froide. Vêtus de costards sans vestes et aussi proprets qu’un quatuor de jazz à Saint-Germain-des-Prés, Kelvin au chant, Chris à batterie, Spencer à la basse et Dan à la guitare, accompagnés ce soir d’un cuivre, non identifié, assurent une montée en régime digne d’un film noir mais léger, à la Tarantino.
Swaby est un MC qui ne dédaigne ni le flow ni la gestuelle du rap pour enchanter la gent féminine, majoritaire dans l’assistance. Des ballades quasi pacifiques pour Set Me Free jusqu’aux guitares criardes de What’s Make A Good Man en passant par le lancinant et martial Short Change Hero, The Heavy délivrent un rock groovy qui sait mettre une salle entière en fusion. Il faut dire que le charisme et la carrure de Swaby, conjugués aux talents de ses acolytes, ne laissent aucun doute ; ces gars-là sont de vrais musiciens et ils appliquent leurs méthodes, sans concessions. À la manière de Forest Whitaker dans Ghost Dog, ils exécutent les titres avec une précision horlogère.

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Mêmes les solos, parfois à la limite des sonorités de Led Zeppelin, sont calculés au millimètre et ne mentent pas sur la préparation de ce groupe là. Calculée, la surprenante et terrifiante (pour elle !) demande en mariage qui se produit en plein milieu du concert et sur la scène, l’était peut-être... mais, il faut admettre qu’après un léger flottement – « Où es tu chérie ? N’aie pas peur… » - nous assistons, ébahis, à une demande en bonne et due forme arbitrée par un Swaby, sûrement complice dés le départ, mais en tout cas tout aussi ému que les tourtereaux et qui versera même une larme quand le couple redescendra de la scène et qu’il faudra reprendre le set.

Avec Big Bad Wolf, la reprise s’effectue sur les chapeaux de roues d’un V8 américain qui ne compte ni sa consommation de pétrole ni la chaleur qu’il émet ! Entre Fishbones et Screaming Jay Hawkins, le titre Sixteen pose d’ailleurs encore question : reprise ou pas reprise ? The Heavy poursuivent leur route sur les traces de leurs prédécesseurs, souvent noirs américains, parcourant les forets marécageuses, pour y puiser la sève et quelques accords clés, laissés là par leurs aînés.