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Ebony Bones

Paris, Maroquinerie - 23 février 2014

Live-report par Baptiste Elman

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Dimanche soir, The Place To Be, pour tous les amateurs de sciences occultes de Paris, était une sombre cave au fin fond du 20ème arrondissement, bien connue des adeptes du genre.

20h30 - La foule des fanatiques menaçants est de plus en plus compacte au pied de l'autel qui dégage déjà une inquiétante fumée acre. Mais pour quel sombre rituel tout ce beau monde s’est-il donc donné rendez-vous ? Y aura-t-il des chauves-souris, quelques esprits, des envoutements ? Au moins un tout petit sacrifice ? Eh bien... en fait, non, sûrement pas, puisque nous sommes juste à la Maroquinerie pour le concert parisien de la diablesse (mais néanmoins faite de chair et d'os) Ebony Bones. Et si les traits des uns et des autres sont un peu cadavérique, c’est juste qu’après un week-end bien rempli, le concert du dimanche soir peut devenir une épreuve... Ce soir, les athlètes de la nuit parisienne avaient intérêt à disposer d’une petite réserve d’énergie en prévision du show de l’anglaise à la chevelure de feu qui ressemblait plus à un sprint final à l’issue incertaine qu’à une fin de course toute en douceur.

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Après un insipide DJ Set, faute d’une vraie première partie, le début du concert ne se fait pas attendre bien longtemps. Les trois musiciens débarquent et balancent une introduction à la rythmique martiale. Accourent alors les deux fidèles « destriers » de la grande prêtresse : deux danseurs délicieusement affublés de masques absurdes de chevaux en polystyrène ! Dès les premières notes, le son est assourdissant. La balance approximative fait la part belle aux basses assassines produites par l’armoire à glace au look de gangstas US East Coast qui officie derrière le stand de synthés et platines. Le beat, sacro-saint élément de l’étrange et iconoclaste musique de Miss Bones, est tout aussi terrifiant, porté par des roulements de toms frénétiques que le batteur martyrise sans aucun états d’âme. Dans ce vacarme de tous les démons, les frêles lignes de guitare ont bien du mal à se faire entendre.
Toutes les conditions pour l’ouverture des portes de l’enfer étant réunies, se fait enfin entendre la voix caverneuse pleine d’échos qui ouvrait déjà le 1er album et sa formule magique « This is the sound of Ebony Bones... ». Et la voilà enfin...

Alors que le très punk New World Blues retentit avec son anachronique rythmique drum'n'bass et s’attaque déjà aux tympans des pauvres spectateurs sans défense, voici Ebony Bones qui, en trois petite foulées, remplit instantanément de toute sa folie et son charisme les rares espaces vides de la petite scène. Chanteuse, actrice, mannequin, danseuse... Ebony Bones est instantanément tout à la fois ! Avant même la fin de la première chanson, la scène ne semble déjà plus lui suffire et la voilà qui se jette au milieu de la foule, sacrifiant au passage son pied de micro ! La mise en scène est impeccable, le désordre apocalyptique qui s’installe en à peine trois minute de concert est bluffant, la maitrise du crew Ebony Bones est totale...

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Mais il y a un mais. Il faut vite se rendre à l’évidence, un paramètre incontrôlable surgit... Dès le début, celle que l’on a pu comparer à une M.I.A sous acide ou à une Rihanna punk semble rencontrer de gros soucis vocaux. Les sonorités produites par les cordes vocales de la belle sont tour à tour, rauques, plaintives voire inexistantes, sur le point de rendre l’âme à tout moment. Mais pas une seule fois durant l’heure qui suivra, elle n’évoquera le problème ou baissera le régime infernal pour ménager le peu de décibels lui restant dans le gosier.

Sans jamais cesser de gesticuler et de haranguer la foule, la chanteuse fait preuve ce soir d’un professionnalisme et d’un engagement d’une rare intensité. W.A.R.R.I.O.R et son riff imparables alternant avec ses déchainements de cymbales fait ensuite mouche instantanément auprès d’un public conquis d’avance que le guitariste, perché sur une des baffles, observe, goguenard. Malgré une chanteuse pratiquement aphone et une balance par moment difficilement supportable voilà le concert qui prend sa vitesse de croisière ; While The People S.L.E.E.P, l’une des chansons les plus guillerettes de la discographie de la chanteuse tombe ici à point nommé pour permettre au public de reprendre un peu ses esprits. Et il en aura besoin, car à partir de ce moment, le rouleau compresseur Ebony Bones ne fera pas de quartier : le single The Muzik retentit bien vite avec sa rythmique épileptique impeccablement déroulée par un batteur métronomique. Le monstrueux et grandiloquent OVNI musical Lazarus prend la suite au grand désespoir de cymbales qui, selon l’expression consacrée, « prennent vraiment très cher ». La grande prêtresse se lance alors dans un petit exercice d’aérobic collectif en propulsant la foule d’un coté à l’autre de la salle, sacrifiant dans la cohue pas mal de pauvres orteils sans défense.

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Après un court interlude instrumental électro funky avec Bred & Circus et un petit tour dans son dressing, la belle revient affublée d’une étrange robe d’inspiration antique et attaque l’hypnotique I See I Say suivi du lancinant Mystery Babylon Balloon. La voilà qui tournoie langoureusement en suivant la mélopée des deux chansons. Les danseurs/gardes du corps/bouffons de sa majesté ont quant à eux troqué les masques de canassons contre deux inquiétants yeux globuleux qui scrutent la foule, renforçant l’ambiance mystique qui commence à flotter dans les entrailles de la Maroquinerie.
La violence punk est de retour avec la ligne de synthé bête et méchante du vicieux In G.O.D We Trust (Gold, Oil & Drugs). Encore deux titres poisseux particulièrement efficaces, Morphine For The Masses et We Know All About You, et le groupe disparait sous les acclamations... avant de bien vite revenir pour un rappel express qui se terminera sur la reprise de What Difference Does It Make?. Parfaitement digéré et remanié le résultat fait écho de manière pertinente au chef d’œuvre des Smiths sans se contenter d’en être une pâle copie. La fin du concert n’est dès lors que chaos, entre la vingtaine de personnes qu’Ebony Bones invite à se trémousser autour d’elle sur la scène et le mini pogo qui s’organise au pied de celle-ci.

Enfin, après moins d’une heure de gesticulations sûrement particulièrement éprouvantes pour une chanteuse à la limite de l’extinction de voix, la voilà qui peut enfin quitter la scène définitivement, la tête haute... et se précipiter dans le premier cabinet d’O.R.L venu !
setlist
    New World Blues
    W.A.R.R.I.O.R
    While people S.L.E.E.P
    The Muzik
    Lazarus
    Bread & Circus
    I see I say
    Mystery Babylon Balloon
    In G.O.D We trust (Gold, Oil & Drugs)
    Morphine For The masses
    We All Know About You
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    What Difference Does It Make? (The Smiths cover)
photos du concert
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