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The Voyeurs
TOY

Paris, Nouveau Casino - 3 mars 2014

Live-report par Julien Soullière

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Nos indics ont parlé : Charlie Boyer and The Voyeurs seront sur scène avant 20h. C’est tôt, un peu trop d’ailleurs, et résultat des courses, nul besoin de jouer des coudes à notre arrivée au Nouveau Casino, car la salle est tout simplement exsangue, vide de monde et de vie. Les Londoniens risquent fort de jouer pour les murs, ce qui nous fait dire que leur retard est sûrement le fait d’une volonté, plus que d’un quelconque souci de dernière minute.

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Lorsque Charlie et ses drôles d’associés débarquent sur scène, c’est devant une foule, non pas des grands jours, mais néanmoins honnête qu’il leur faut se présenter. Moins observés que leurs grands frères et amis de TOY, les anglais ont tôt fait de nous poser une colle : l’ami Charlie aurait-il quitté le navire ? On a effectivement du mal à reconnaître le leader de la formation britannique derrière son micro haut perché. S’en suivra une investigation rondement menée qui nous fera arriver à la conclusion que, non, Charlie est toujours de la partie, mais que décidément, une coupe de cheveux, ça a vite fait de vous changer un homme.
Le lièvre levé, on peut alors se concentrer sur ce qui se passe sur scène et s’échappe des enceintes. Charlie Boyer and The Voyeurs aiment autant le punk des Ramones que le rock des Stooges, auxquels ils rajoutent volontiers une très légère touche de glam. En tout cas, c’est peu dire que leur musique sent fort les dessous de bras de l’Oncle Sam, époque 70's, quand les poils étaient à la mode. Peu communicatif, le groupe se contente de faire ce qu’il sait faire de mieux, à savoir jouer des morceaux efficaces, pour la plupart relevés, et toujours rehaussés par la voix légèrement plaintive de leur chanteur et guitariste en chef. L’arrivée régulière de nouveaux convives rend le set plus chaleureux à mesure des titres qui passent (il en avait besoin), grâce à quoi les encouragements se feront plus facilement entendre. Un juste retour des choses pour un groupe honnête dans sa démarche, et qui, une petite demi-heure durant, nous aura fait passer un moment plutôt agréable.

Le temps de passer quelques coups de fils, de serrer quelques pognes, de s’intéresser à quelques débats, on se remet rapidement en selle, pressé d’en découdre avec la tête d’affiche du soir. En à peine deux albums, qui ont d’ailleurs tous les deux eu excellente presse (ça aide), TOY se sont constitués un solide capital sympathie, de même que taillés une jolie réputation live. Le public parisien a en tout cas répondu présent, et si le Nouveau Casino n’affiche pas complet, on ne doit pas être bien loin du strike. Lorsque enfin les cinq comparses arrivent sur scène, corps et esprits trépignent, fébriles, impatients d’entendre résonner le premier riff de guitare.

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Si Conductor peine à lancer le set comme il se doit, rien d’autre ne viendra plus entacher les prochaines soixante minutes, au cours desquelles le spectateur vivra un expérience éreintante et excitante à la fois, et qui, à bien des égards, lui donnera plus l'impression d'être passé dans une lessiveuse que d'avoir assisté à un concert de rock.
Savant mélange de pop agressive bourrée de réverbérations, et de punk à tendance psychédélique, la musique de TOY brouille habillement les cartes des genres, mais jamais ne s'embrouille, aucune de ses constituantes ne venant jamais prendre le pas sur l’autre. Les anglais ont beau jouer fort, très fort, les mélodies résistent sans mal à la tempête de décibels qui s'abat ici sur elles, et tout sonne à l'oreille avec une infinie clarté. Basse vrombissante, batterie clinquante, guitares endiablées, tout est là et s'entend, du moins tant que le festival de sons et d'émotions qui se joue devant nous n'aura pas encore réussi à nous hypnotiser totalement.
Quelque part derrière ce masque fait de lumières et de bruits, ce rempart de couleurs et de distorsions, des cheveux, beaucoup de cheveux, les cinq comparses n’hésitant pas à jouer jusqu’à l’extrême limite la carte du parfait shoegazer, celui qui n’a d’autre point de mire que le bout élimé de ses chaussures. Déconnectés de notre monde, et totalement maîtres de leur art, les petits gars de TOY ne sont pas du genre bavard, mais le silence des mots leur va bien, si bien qu’on se serait bien vu assister là à un concert séquence, sans temps mort aucun. On n’en est franchement pas loin, d'abord parce que les pauses se font courtes et rares, juste ce qu’il faut pour placer ici et là quelques « thank you » qui deviennent à force aussi monotones que la voix Tom Dougall, mais aussi parce que la prestation du soir atteint un tel niveau d’intensité qu’il est difficile de trouver le temps de reprendre son souffle. L’apnée rend vivant, et TOY le prouve ici de fort belle manière.

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Dans la salle, certains restent immobiles, le regard vide tant ils sont sous le charme, alors que d’autres bougent, et bougent encore, les mains tendues vers le ciel et la tête valdinguant de gauche à droite.

Si tant est que la question se pose, comment expliquer que l'on soit passé à côté de TOY, de leurs albums, et qu'on se soit retrouvé là dans le seul but de leur laisser une nouvelle chance de nous convaincre ?
A priori, il n'y a que deux options. Dans le premier cas, il s’agit là d’une simple erreur, propriété constitutive de l’espère humaine, et on se consolera en se disant que le temps nous appartient, qu’on aura tout loisir de réparer ce qui doit l’être. Dans l’autre, qu’on peut aimer ce qui se dégage d’un concert sans forcément se sentir concerné par ce qu’un groupe produit en studio. Une chose est sûre à ce stade: toutes et tous quittent le Nouveau Casino des étoiles dans les yeux, des bourdons plein les oreilles et la bave au coin des lèvres. Au base-ball, c’est ce qu’on appelle un home run.
setlist
    CHARLIE BOYER & THE VOYEURS
    Non disponible

    TOY
    Conductor
    Colours Running Out
    Too Far Gone To Know
    Dead & Gone
    Endlessly
    Kopter
    As We Turn
    Left Myself Behind
    It's Been So Long
    Fall Out Of Love
    My Heart Skips A Beat
    Motoring
    Join The Dots
photos du concert
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