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Goldfrapp

Lyon, Nuits de Fourvière - 25 juillet 2014

Live-report par Hugues Saby

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Comme d'habitude au théâtre antique de Fourvière, on est foutrement mal assis. Ce soir-là, en plus, les traditionnels coussins (de Lyon) ne sont pas distribués, sans doute un coup des intermittents. Comme d'habitude aux Nuits de Fourvière, on comprend mal certains choix de programmation, notamment lorsque l'on s'aperçoit que Goldfrapp jouent en première partie d'Agnès Obel, et non l'inverse comme on aurait pu le penser. C'était déjà le cas avec The Divine Comedy, qui ouvrait il y a quelques jours pour... Burt Bacharach. Mystère. Mais comme d'habitude aux Nuits de Fourvière, la majesté du lieu rend chaque concert inoubliable. Et comme d'habitude au théâtre antique de Fourvière, la qualité du son est tout simplement remarquable (sauf en cas de grosses basses, voir plus bas), laissant présager d'une belle et agréable soirée de concerts, tout en douceur.

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Quand Goldfrapp rentrent sur scène, les applaudissements sont d'abord nourris, puis un silence respectueux se fait. Alison, toute de noir vêtue, est magnifique. Tels des acteurs de Kabuki, ses musiciens, en noir eux aussi, sont presque invisibles, accentuant la théâtralité de la mise en scène. La blondeur de la chanteuse ressort merveilleusement dans l'air orageux du soir ; le vent s'engouffre dans sa large cape, ajoutant à sa grâce aérienne. La première partie du set est majoritairement acoustique, et composée de morceaux du dernier album Tales Of Us représentant au total la moitié du concert.
Alison ouvre la soirée en annonçant timidement le premier titre Jo, inspiré par Ces Gens-là de Jacques Brel, dont l'inimitable rythmique piano-contrebasse est reprise intégralement. Dès la première note, sa voix est époustouflante de justesse et d'émotion. Parfaitement mise en valeur par les balances et l'acoustique naturelle du site, elle est aussi belle et précise que sur disque, ce dont peu d'artistes peuvent se targuer (voir plus bas).
Exception faite des fans inconditionnels du groupe, le show est peut-être un peu statique. Mais c'est pour mieux mettre en valeur les attitudes d'Alison qui joue avec ses cheveux, sa cape, ses mains ou son microphone, lui donnant des airs envoûtants de fée. Sur Alvar, la musique devient presque celtique, et, combinée aux lights monochromes très élégantes et aux ruines romaines en arrière-plan, donne à l'ensemble une dimension quasi mystique. La voix d'Alison est de plus en plus belle, y compris dans les intervalles difficiles ou les aigus haut-perchés. Parfois, elle cède à la minauderie de trop, mais sa performance reste sidérante de qualité, et la charge émotionnelle qu'elle transporte est bouleversante.

Arrivent enfin des titres plus anciens (Paperbag, Yellow Halo), ponctués de timides remerciements dont certains en Français, et d'applaudissements de plus en plus enthousiastes. À la fin de Little Bird, Alison s'éclipse félinement au son de la basse pour un premier rappel. Les musiciens continuent le morceau et font trembler l'amphithéâtre au rythme de percussions quasi tribales. La chanteuse revient et le concert prend alors une tournure beaucoup plus pop, avec des titres beaucoup plus synthétiques. Sur You Never Know, le ciel s'emplit de nombreux éclairs, et le vent souffle de plus en plus fort dans la cape d'Alison. La musique est digne d'un film de Nolan ; une chauve-souris passe furtivement parmi les spectateurs. Sur ces morceaux plus électroniques, les similitudes vocales avec Elisabeth Frazer sont frappantes, on croirait presque entendre Mezzanine de Massive Attack. Lovely Head est accueilli très chaleureusement, et le public un temps assoupi par la configuration assise de la soirée, se réveille. Usant d'un deuxième microphone déformant, Alison pousse sa voix aux confins du suraigu dans une atmosphère impressionnante, presque effrayante, renforcée par les stroboscopes déchirant le ciel lyonnais.

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Avec Clowns, les musiciens reviennent à l'acoustique et l'on croit déceler des accents de Kate Bush dans ce dernier moment d'intimité uniquement perturbé par les cris d'un excité à l'extérieur de l'enceinte, qui réclame désespérément « du Nirvana ». Utopia achève le set, et démontre une nouvelle fois le talent d'écriture et de composition de Goldfrapp. La voix d'Alison s'éteint sur une performance digne d'une cantatrice, et le groupe s'éloigne sous les vivats d'un public de fans transis et de nouveaux adeptes (dont votre serviteur) conquis par ce set dépourvu de défauts et bluffant d'intensité et de brillance.

Ce ne sera pas la même chanson pour Agnes Obel, tête d'affiche donc ce soir. Sans trop connaître l'œuvre de cette demoiselle, mais au vu de quelques morceaux agréables entendus ça et là et d'une disposition de scène intimiste (un piano à queue, un violoncelle, un violon et un violon alto, joliment éclairés par quelques lanternes suspendues), on pouvait s'attendre à un joli moment. Accueillie triomphalement par ceux qui restent (car beaucoup de spectateurs étaient venus pour Goldfrapp), la chanteuse dévoile dès ses premiers morceaux les défauts qui plomberont sa performance.
La voix, déjà. Il est vrai qu'elle a une jolie voix sur ses disques, Agnes. Mais contrairement à celle d'Alison Goldfrapp, la sienne ne survit pas au live et sa cruelle absence d'effets, et sa performance vocale est presque ridicule en comparaison. Il en va de même pour la qualité de ses compositions, pour beaucoup des morceaux en 3/3 composés uniquement de quelques riffs astucieux de piano, soutenus par des boucles et des effets de cordes pas très subtils. Tout cela est très travaillé, et manque de spontanéité. La jeune danoise passe son temps à remonter son siège de piano, ses musiciennes à régler leurs pédales d'effets, des petits rituels agaçants, un peu comme quand Nadal tire sur son short avant de servir, vous voyez ?
Plus encore, cela manque d'authenticité. Agnes Obel ponctue ses chansons d'explications de texte, racontant comment tel morceau a été inspiré par une histoire que lui racontait son père quand elle était petite ou par une jolie pièce en bois visitée à Berlin, ou comment ce titre « parle de l'alcoolisme ». Tout cela est bien gentillet et ni la sincérité ni l'émotion ne sont au rendez-vous. Au fil des morceaux pourtant, le public semble toujours plus conquis. Plus les ficelles musicales sont grosses, et plus les « bravo » fusent. Voilà ce qui arrive quand on remplit un amphithéâtre de mélomanes du dimanche et d'auditeurs de France Inter.
Sur l'un des morceaux, jouant avec la réverbération du lieu, le violoncelle pousse les basses jusqu'à l'insoutenable, tentant de racheter l'inconsistance du répertoire par des tours de passe-passe. Alors oui, il y a de jolies mélodies, de chouettes arrangements, mais tout cela est si convenu, si facile, si téléphoné, que ça en devient presque drôle, si ce n'est que la pluie commence à tomber sérieusement. Les ponchos se déploient, et miss Obel sent qu'il va falloir conclure. Même sa reprise de I Keep A Close Watch de John Cale (que peu de gens doivent connaître) est sans intérêt et bourrée de clichés musicaux. Le dernier morceau se fait sous une pluie nourrie. Elle est seule au piano. Les gens sont debout et crient : encore, bravo.

Moi, je suis déçu, trempé, et je n'ai qu'une idée en tête : rentrer me sécher et m'endormir au son de la merveilleuse voix d'Alison Goldfrapp.
setlist
    Jo
    Drew
    Stranger
    Alvar
    Annabel
    Paper Bag
    Clay
    Yellow Halo
    Little Bird
    You Never Know
    Thea
    Lovely Head
    Clowns
    Utopia
photos du concert
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