La règle d'or lorsqu'on se rend à un concert, et d'autant plus valable quand on le chronique, consiste en la mise en exergue de chacun de ses sens afin de s'imprégner au mieux des moindres particularités relatives aux réjouissances.

Ce soir, notre vue étant brouillée par le classique fumigène d'intérieur, ce sont nos narines qui prennent en premier lieu : ça sent bon la bière, la sueur, le cuir... en somme, le punk. Dans cette ambiance, on attend que les papys décrochent du déambulateur, qu'ils troquent leurs pattes supplémentaires pour leurs gagne-pains respectifs. C'est chose faîte assez rapidement, pour un premier titre des plus trompeurs. En effet, les édentés viennent d'un autre temps, et ça se sent par ce qu'ils dégagent de crinières en tous genres : la crinière longue poivre-et-sel, la crinière rose sur pilosité châtain, mais aussi et surtout la reverse crinière qui vous fait la lanière et non le casque...
Quel est le rapport ? Le choc des générations bien sûr ! L'entrée en matière représente tout ce qu'il y a de plus transitionnel dans leurs nouveaux abords, à savoir un véritable alliage de sons post-punk, caractéristiques de leurs jeunes années, et de virages plus abrupts. Ça rend clair et sauvage... mais ne dure pas ! A la manière d'un château de cartes en plein courant d'air, le tout s'effondre peu à peu : quelques négligences saveur métal se font entendre de-ci de-là avant de sombrer définitivement dans l'antre ô combien exécrable de la power-ballad, désaffectée depuis qu'une large bande de hardos s'y soit collé les doigts à coups de laque, en rendant l'atmosphère moribonde et vomitive.

La crise de la cinquantaine touche jusqu'aux plus situationnistes d'entre nous (« Desire is the point of everything », ou comment vulgariser un idéal philosophique en à peine six mots, employés pour graisser le choux aux Satanistes et tuer Debord une seconde fois) : on tombe dans un style pompeux où le mélange harmonique alterne entre FM rasoir (gardez vous du pléonasme et faîtes sauter les briquets nom de Dieu ! Bazardez-moi ce tintouin !) et reconstitution approximative d'un no man's land moisi comme ce qu'aurait pu proposer le Maiden période Di Anno (la crème de la crème du mauvais goût en quelque sorte).
Ce qu'oublient nos chers aïeux sur scène, c'est que dans le désert, on a soif et on s'ennuie. Ainsi, on boit pour oublier les méandres de l'identité en déperdition, à la ruine d'un show qu'on escomptait plus que ce qu'il n'a été, plombé par une mauvaise structure de set et qui ne repartira jamais, même si ce n'était pas non plus catastrophique.