logo SOV

New Model Army

Paris, Trabendo - 30 mars 2024

Live-report par Adonis Didier

Bookmark and Share
Qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi donc ai-je accepté, sur les conseils de personnes qui pourraient presque être mes parents, d'assister ce concert de New Model Army ? D'une part, c'est au Trabendo, donc loin de chez moi. Ensuite, un bref passage dans la foule pour rejoindre le fond de la fosse me confirme que je suis bien la plus jeune personne non-accompagnée de la salle, et ce malgré mon dangereux rapprochement d'avec la trentaine. En même temps, quand vous dites à vos potes « je vais voir New Model Army ce soir ! » et qu'on vous répond « trop bien, mes parents sont fans ! », il fallait s'en douter.

Et pourtant, si tout pouvait laisser craindre à un concert de vieux grabataires venus prendre leur chèque en profitant de la nostalgie, cette pensée ne démontrait qu'une profonde méconnaissance de ce que représente et de qui sont les membres de la New Model Army. Car si tout le monde a bien vieilli physiquement, il est certain que l'armée préféra se foutre en l'air d'elle-même plutôt que de se foutre une seule seconde des gens qui les suivent, que ce soit depuis quarante ans, ou comme votre humble serviteur depuis deux mois, et la sortie de leur dernier album, Unbroken. Un des disques les plus punk et métal que le groupe ait jamais sorti, qui lance le concert de ce soir sous la charge de Coming Or Going, rouleau-compresseur formé de cinq mustangs noirs à crête iroquoise pas venus ici pour plaisanter, ni même pour laisser respirer leur public.


Il ne faudra que trois minutes à la fosse pour commencer à bastonner, tornade de quarantenaires tatoués à la dégaine de Stone Cold Steve Austin criant le refrain de First Summer After, surfant sur la ligne de basse dégoulinante de Language, et finissant par se calmer quand arrive enfin l'hiver. Justin Sullivan appelle le Winter de ses vœux, un move pas très sympa, de son propre aveu, à cette période de l'année, mais dieu que cette chanson est belle. Une envolée de batterie pour finir, retombant sur l'intro de If I Am Still Me, contrairement au type qui passera toute la chanson les pompes sur les épaules de son pote, avant que le concert ne parte dans sa phase mystique avec Justin Sullivan transformé à nouveau en druide chamanique du nom de Slade The Leveller. Stormclouds navigue jusqu'à Cold Wind pour déchaîner ses vents et envoyer Wall Street à la mer, les cons et les patrons d'abord : remplacer le capitalisme par une bonne sieste, ou par un bon gros pogo sur 225. Comme le dit Justin, « quand vous êtes un groupe aussi vieux que nous, chaque jour est l'anniversaire de quelque chose, donc voici un peu du quatrième album, c'est son trente-cinquième anniversaire ». Green And Grey succède ainsi à 225 en commémoration de Thunder And Consolation, avant que tout le monde ne se mette aux tambours pour la celtique Idumea, que tout le monde n'allume son molotov sur le brûlot anti-Brexit Reload, et que la foule ne finisse par se lancer des poings dans la gueule depuis la plus énervée des Angry Planet.

Débute ensuite Purity, que toute la salle connaît, sauf moi, dans la douceur de ses arpèges acoustiques, emportés en une folle cavalcade vers les brûlantes étoiles qui peuplent l'horizon lointain. Comme dirait Bruce, bébé nous sommes nés pour courir, et quelle merveilleuse manière de partir que Wonderful Way To Go, concluant une pleine heure et quart de concert et... Ah ils reviennent !? Mais ce n'est pas l'heure du coucher à la maison de retraite ? Les gens dans la salle, ils vont être tout décalés là ! En plus c'est le passage à l'heure d'été cette nuit, vous allez en tuer la moitié à veiller si tard !


Mais non, pas épuisé pour un sou, Justin revient sur scène, et demande à la foule en liesse s'il lui reste de l'énergie. Les hurlements répondent à la question, et Bittersweet retrace la rupture d'un groupe qui aura en réalité duré quarante ans de plus, avant que No Rest ne nous indique ce que sera notre nuit de ce soir : très peu de sommeil, beaucoup de sueur, et quelques contacts rugueux dans les côtes ! Get Me Out termine enfin cette heure quarante de musique en sommant tout le monde de sortir, dans la hâte, la hargne, et le rock n'roll, car c'est bien ça New Model Army, un... Non mais, qu'est-ce que vous foutez les gars !? C'est vous qui faites la soirée club après !? Il faut sortir messieurs maintenant ! C'est pas bon pour votre dos de faire la java si tard ! Et pourtant c'est bien un deuxième rappel qui accompagne les cris déchaînés d'un public qui ne veut pas rentrer chez lui, parce qu'il aime ce monde de punk et de rock relancé par I Love The World, jusqu'à avoisiner les deux heures d'un concert qui aura remis l'église au centre du village.

Si New Model Army ne sont plus les plus jeunes à arpenter les chemins de traverse du punk rock, ils en sont toujours de vaillants et fringants randonneurs, les plus endurants, les plus endurcis, les garants d'une tradition consistant à mettre des coups de Dr. Martens dans tout ce qui porte un costard, sans jamais se foutre de la gueule des gens qui les suivent, année après année, décennie après décennie. Ainsi, rien de sert de courir à point, un tien vaut mieux que deux dans le ravin, et comme le disait si justement la fontaine : « Ne pas boire, eau non potable ».
setlist
    Coming Or Going
    Long Goodbye
    First Summer After
    Language
    Winter
    If I Am Still Me
    Stormclouds
    Do You Really Want To Go There?
    No Greater Love
    Cold Wind
    225
    Green And Grey
    Idumea
    Reload
    Angry Planet
    Purity
    Wonderful Way To Go
    ---
    Bittersweet
    No Rest
    Get Me Out
    ---
    I Love The World
photos du concert
    Du même artiste