logo SOV

Theo Verney

Paris, Maroquinerie - 5 mars 2015

Live-report par Sam

Bookmark and Share
Les Nuits de l'Alligator : un festival qui monte en grade sans parvenir encore à ses galons de GEA (pour « Gros Evènement Annuel »). Il est sûr que l'origine provinciale de la foire la dessert fortement : sans l'appui de la section faits divers du JT de TF1, l'itinérance d'artistes du voyage investissant Paris n'a que peu d'effet sur la République. Alors pendant que les pécores picorent le grain dur de l'alternative en région (Heavy Trash et Hanni El-Khatib qui prouveront quand même aux mauvaises langues que c'est pas parce qu'on est pas répertorié sur Time Out qu'on ne peut pas délivrer de bons plannings), c'est à la Maroquinerie que le tout Paris est invité à festoyer autour des bonnes musiques de garage (1)!

SOV

Bon, à peine la porte passée, on se rend bien compte qu'on n'est pas venu là pour Jon Spencer. Bien au contraire, les organisateurs nous servent en guise d'entame un trio suisse. Les musiciens se nomment Duck Duck Grey Duck et sont de Genèèève (avec 3 « è », sinon ce n'est pas typique. Faut tenir la note plus de quinze secondes). Ils font du rock, un peu bluesy mais très BCBG, à vous déballer l'air gai chic et entrainant pour faire danser le M. Durand de la Maroquinerie, à savoir un jeune gardon tout frais sorti de l'adolescence avec son camel et ses cheveux en bataille : le vrai rocker... ou non. N'étaient-ce pas Blur qui chantaient Stereotypes ?
Bref, les trois compères tapent fort, avec un son assez punchy, toujours plein de bonne volonté mais pas original pour un nickel. Ils découvrent les pédales et marchent sur la wah-wah comme moi je m'embourbe dans une crotte de chien : déjà entendu à moult reprises. Votre cousin Charentais jouerait de même en son grenier péquenaud avec un peu d'Hendrix sur son poste FM (leur Danelectro n'y est pas pour rien)... Car oui, ces textures là, c'est pile ce qu'il faut pour passer à la radio, thématique leur étant chère puisque de leur propre aveu, ils se gavent à Nostalgie, les plus grandes chansons de l'autre côté des Alpes. Ainsi on comprend mieux la version Ricola des Bluesbreakers débitée sous nos yeux. Leur concert est quand même sympathique pour une première partie, mais c'est totalement ce qu'il serait possible d'aller voir au Gibus Café pour pas un rond. Prometteurs ils peuvent l'être, encore leur souhaite-t-on de s'émanciper toujours plus.

SOV

Une courte césure pour rompre l'amateurisme, et voilà que débarquent trois british sapés comme dans les 90's, les bucheronnes en moins : Theo Verney accompagné d'un Dave Grohl en chaussettes et d'un bassiste à l'air normal. Autant ils semblent timides à l'installation, autant on fera vite fi des apparences : dès l'intro, on respire le grunge un peu psyché construisant son vrai garage rock. Ce qui rajoute au cocasse, c'est qu'il a vraiment une voix à faire de la pop ! Pourtant, s'il garde un phrasé très proche du genre, ce sont bel et bien le côté slacker du fo-fi et le gros balourd bien crade, dégoulinant de blues, qui l'emportent pour un résultat aussi percutant qu'intelligent.
A côté de la sortie batterie, je perds mon oreille gauche mais ne m'en plains pas, tant j'ai la tête dans cette espèce de jeu en slow-motion (on est heavy ou on ne l'est pas) où tout part dans la puissance. Un jeu simple et pêchu sur tous les plans pour conserver l'esprit bordelique et décousu de la gamme, comme si Pearl Jam avait vomi sur Teenage Fanclub. Et en plus, il finit par nous danser le robot : vas-y Théo, et à la prochaine !

SOV

« Jamais deux sans trois » d'après le proverbe... Certes, mais il fait parfois bon s'abstenir ! En témoignent les Two Gallants, un nom qui leur sied plus que la jaquette qu'ils évoquent. A les écouter, on se voit de suite dans un épisode de Gossip Girl ou autre série télévisée du genre. Avec leurs petits airs de faux écorchés et leur folk sombre faite de toc, ces deux là nous propose une fois de plus la fausse power ballad des nouveaux alternatifs : quand le mièvre est enfoui sous des rythmes lourds témoignant qu'ils sont pénétrés voyez-vous ? Et ça je n'en doute pas... Le batteur nous inonde de faux espoirs, avec ses cheveux en pleine tronche comme un enfant tristounet, avant de s'agiter en prenant un air cool pour faire croire que c'est reparti alors que finalement non, jouant les suréquipés façon Toyota pour frapper imprécis. Et puis le chanteur avec ses faux airs de Justin Timberlake : à force de jouer les éreintés braillards, il va finir par prendre du Strepsil ou développer un polype des cordes vocales...
Quel témoignage criard de l'imbécillité de la scène FM que leur passage : ça prétend jouer de la folk parce que ça chante l'amour, alors qu'on se situe plus entre Cheap Trick et Green Day (c'est à dire au fond du fond): les faux groupes à midinettes qui nous singent les gros durs au cœur tendre. Pathétique mais ça plait, alors que dire de plus...

De cette soirée en dents de scie, c'est le britannique qui nous quittera serti de lauriers. Comme quoi on choisit bien nos orientations ! Même si les Suisses méritent de bien pieux encouragements (les autres on n'en parle plus).

(1) La programmation du 5 Mars à la Maroquinerie était visiblement axée rock, même s'il faut bien noter la tournure beaucoup plus éclectique du festival dans sa globalité.