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Florence + The Machine

Lyon, Nuits de Fourvière - 5 juillet 2015

Live-report par Hugues Saby

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Il est à peine 19h45, et le grand Théâtre Antique de Fourvière est déjà rempli malgré la chaleur écrasante de ce quatrième soir consécutif de canicule.

Une aubaine pour Singtank, le groupe proposé en première partie, qui n’est assurément pas la cause de cette foule. Si vous n’avez jamais entendu parler d’eux, c’est normal, à moins que vous n’ayez votre carte de fidélité chez Zadig & Voltaire, dont Joséphine de la Baume, la chanteuse de Singtank, fut jadis l’égérie. Car voyez-vous, Joséphine est aussi actrice et mannequin. Ce qui dans le beau monde a valeur de diplôme en musicologie, et permet de décrocher facilement un deal en maison de disque. Quelle mauvaise langue je fais. En trente minutes à peine, le trio déballe une poignée de titres électro pop sympathiques (c’est plutôt moi qui suis sympathique en disant cela), avec une alliance de guitare folk et de synthés qui évoquent tour à tour Lily Allen, Regina Spektor et un Suicide dont l’Alan Vega n’aurait plus du tout envie de se suicider. La chanteuse se balance beaucoup, et le bassiste tombe, comme tous ceux des autres groupes à la mode qui ont joué dans cette arène avant lui, dans le panneau des basses électroniques mal réglées qui rendent l’auditoire littéralement sourdingue. C’est dommage, d’autant que sa superbe Rickenbacker bleu pétrole fait le job parfaitement bien. Enfin, vous l’aurez compris, cette première partie est loin de casser des briques, mais permet au moins de finir sa bière et sa conversation sans scrupule sous ce beau soleil d’été. Mais alors me direz-vous, qu’est-ce qu’un groupe inconnu et pas original pour un clou fabrique en première partie de Florence And The Machine ? La hype, encore ? Non non non, rassurez-vous. Être mariée avec Mark Ronson, ça aide aussi. Mais oui, décidément, je suis bien mauvaise langue.

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Heureusement, il est presque 21h, et les roadies barbus terminent d’installer la machine qui accompagnera Florence Welch ce soir. Et tu parles d’une machine : en plus de la basse, des deux synthés et de la guitare, deux batteries, une section de cuivres, cinq chœurs et une harpe. Rien que ça. Ah oui, j’oubliais : un fond de scène métallique formé de centaines de facettes scintillantes. À peine le temps de compter tout ça que les lumières s’éteignent. L’ambiance est déjà hystérique mais très bon enfant, notamment grâce aux nombreux Anglais présents. Elle monte pourtant d’un cran encore lorsque Florence entre en scène, après tous ses musiciens. Son calme et sa gestuelle parfaitement maîtrisée contrastent avec les cris et la folie du public. Mais ne vous laissez pas berner par sa majestueuse robe blanche ni les bouquets de fleurs qu’elle distribue à ses fans : Florence est venue pour tout casser ce soir. Elle s’y emploiera du début à la fin, et met le feu dès le départ en enchaînant deux de ses plus grands singles d’entrée de jeu : Ship To Wreck, issu de son dernier album, et Shake It Out, dont elle fait interpréter les chœurs par les spectateurs, pour un très joli moment. Florence s’empare de la scène, court partout, joue du tambourin et embrasse ses fans, jamais avare d’une marque d’affection ou de sympathie. Ces derniers constituent d’ailleurs une immense majorité de la foule, et chaque refrain est systématiquement repris en chœur, à tel point qu’on se croirait presque sur les terres natales de Miss Welch. Sa voix est aussi puissante que sur disque, plus subtile encore, et surtout incroyablement pure et juste. Elle se fait particulièrement douce quand elle s’adresse aux spectateurs, ce qui explique sans doute le nombre de volontaires qui se dressent lorsqu’elle réclame des sacrifices humains sur Rabbit Heart (Raise It Up).

SOV Au fil des morceaux, Florence s’affirme dans son rôle de prêtresse aux postures christiques, parfois un peu trop précieuses, jamais ridicules, souvent très belles. La mécanique du show est parfaitement huilée sans que cela ne paraisse ennuyeux ni automatique à nos yeux éblouis, notamment par le superbe fond de scène boule à facettes. L’énergie dépensée par la chanteuse à chaque titre est totalement folle, à tel point qu’elle semble même épuisée, vidée à chaque fin de morceau. Mais recommence, encore et encore, à chaque nouvelle chanson. Sa reprise d'Only Love Can Break Your Heart de Neil Young vient aérer parfaitement le milieu de set et permet à la foule de se ressaisir un peu. Elle est suivie de How Big, How Blue, How Beautiful, qui donne son titre au troisième album, et qui donne lieu à de superbes jeux de lumière ainsi qu’un refrain improbable (« si grand, si bleu, si magnifique, en français dans le texte). Florence, infatigable, continue d’enchainer les pas de danse. Les orchestrations de cuivre sont parfaites, notamment lorsque ceux-ci virent western spaghetti sur Queen Of Peace.

SOV Si le théâtre romain avait un toit, il se détacherait sous la chaleur et le délire qui gagnent l’assistance lorsque retentissent les accords très Interpol de What Kind Of Man, où Florence hurle littéralement sa rage, devant une foule en extase complète, qui l’observe tomber à terre à la fin du morceau. Elle se relèvera telle un gracieux phénix, renaissant de sa colère pour mieux chanter encore, et enchaîner une série de succès qui s’achèvera dans la démence générale sur You’ve Got The Love et, évidemment, Dog Days Are Over, gratifié du traditionnel jeté de coussins, auquel participe activement Florence. Qui aurait cru qu’un jour, le Conseil Général du Rhône, non content de soulager les fesses de tant de festivaliers, serait un jour une arme —bien inoffensive— entre les mains de la déesse de l’indie pop ? Pas moi. À voir l’émerveillement sincère dans les yeux de Florence et de sa machine lors de cette joyeuse et bordélique bataille, on se rend compte que la magie des Nuits de Fourvière a sacrément bien opéré ce soir. C’est évidemment grâce à elle, sa voix, ses chansons, sa prestance, et plus que tout son hallucinante capacité à maîtriser son public, capable de le soulever dans les airs ou de l’apaiser d’un souffle. C’est qu’elle a de sacrés poumons (jeu de mots, wink), qu’elle laisse d’ailleurs entrevoir lors du rappel, sa tunique immaculée ayant cédé à la chaleur et à son jeu de scène désormais légendaire. Sur Kiss With A Fist, dernier morceau du set et première chanson qu’elle ait jamais écrite, elle passe même plus de temps à sauter et à lancer des coussins qu’à chanter, laissant tout le boulot aux fans survivants ainsi qu’à ses choristes.

On serait toutefois bien ingrat de lui reprocher cet ultime moment de relâchement, tant elle a comblé son auditoire ce soir. À titre personnel, j’ai rarement vu artiste autant assurer le show et donner à son public. La qualité de sa prestation fut à la hauteur de celle de ses compositions : tonitruante, raffinée, exceptionnelle. Je me rappelle d’une « une » du NME après un concert en tête d’affiche du festival écossais T In The Park. « Florence, Queen of Scotland ». Cette phrase résume parfaitement ce que l'on a vécu ce soir, tant la scène, l’arène, la ville étaient siennes. Florence, impératrice des Gaules.
setlist
    What The Water Gave Me
    Ship To Wreck
    Shake It Out
    Rabbit Heart (Raise It Up)
    Cosmic Love
    Delilah
    Sweet Nothing (Calvin Harris cover)
    Only Love Can Break Your Heart (Neil Young cover)
    How Big How Blue How Beautiful
    Queen Of Peace
    What Kind Of Man
    Drumming Song
    Spectrum
    You've Got The Love (The Source cover)
    Dog Days Are Over
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    Third Eye
    Kiss With A Fist
photos du concert
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