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Editors
The Twilight Sad

Paris, Trianon - 28 octobre 2015

Live-report par Julien Soullière

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Un nouvel opus sous le bras, Editors investissent ce soir les entrailles du Trianon, armés d'une première partie des plus alléchantes. Mais même sans cette dernière, l'histoire aurait été la même : en terrain conquis, les anglais ont fait salle comble.

Ils sont trois, épaulés sur scène par un quatrième larron, et sont revenus plus beaux et vigoureux que jamais. C'est sûr, un nouveau coup d'épée dans l'eau aurait eu raison d'eux, une bonne fois pour toutes. Mais c'est finalement un pavé qu'ont lancé dans la mare les écossais de The Twilight Sad, ne venant déjouer aucun pronostic puisqu'ils n'étaient au centre d'aucune conversation. Nobody Wants To Be Here And Nobody Wants To Leave est venu attiédir une fin d'année 2014 qui en avait bien besoin, et faisait ajouter une ligne de plus dans les « tops albums » érigés par les personnes de bon goût.

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Mais si ce dernier opus est à l'honneur ce soir, il ne tire pas toute la couverture à lui. C'était impossible, c'eut été inefficient, et ce car James Graham et sa bande ont d'autres très bons titres sur étagère qu'il aurait été fort dommage de ne pas proposer à la vente. Toujours aussi plaisant à l'écoute, I Became A Prostitute fait donc partie des convives, et croiser sa route ce soir démontre, s'il le fallait encore, que c'est là le meilleur morceau composé à date par The Twilight Sad. Fier de leur histoire, les compères vont piocher des titres dans chacun de leurs albums, et à chaque fois, le coup fait mouche. En l'état, la voix impressionne, tenant tête aux féroces instruments lancés à sa poursuite, l'accent met à genoux, enveloppant les « r » avec une gourmandise sans nom, et l'énergie déployée par un James Graham ivre d'émotions n'a pour seule résultat que d'emporter l'adhésion d'un public sage, certes, mais conquis et peu avares en applaudissements. Le leader de la formation écossaise termine repu et heureux. La salle, comblée.

Elle le sera plus encore lorsque la tête d'affiche fera son apparition sur scène. Il ne faut pas grand-chose, quelques lignes de basse, le gémissement d'une caisse claire, la fébrilité d'un piano qui nous livre ses premières notes pour que Tom Smith rejoigne l'autre monde, convulsant de tout son corps, se contorsionnant comme si les accords joués par ses comparses le rouaient de coups terribles. James Graham et le leader d'Editors partagent donc au moins ceci : cette incapacité à se livrer sans s'offrir totalement. Plongé dans la pénombre, niché au creux de son bras si conciliant, on se délecte de cet acte d'ingérence qui voit l'esprit humain avoir totale mainmise sur les actions d'un corps relégué au rang de simple faire-valoir. Enfin, jusqu'à un certain point seulement, car Smith en fait parfois trop, beaucoup trop, et cela passe d'autant plus mal que la musique alentours dégage parfois d'amers relents de confiserie (Life Is A Fear, Marching Orders).

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La musique est affaire d'émotion, et tout groupe possède une âme. Pour sûr, celle d'Editors se confond avec celle de Tom Smith. Le bonhomme contrôle et façonne tout ce qui est entrepris au sein de cette maison depuis 2002. Cela a eu d'ailleurs raison de Chris Urbanowicz. Et comme le hasard n'existe pas, sur scène, le bonhomme porte une chemise blanche et ajustée quand ses comparses, tout de noir vêtus, tranchent difficilement avec le décor appliqué en fond de scène. Alors, il y a bien quelques tubes luminescents en arrière-plan, dont les couleurs changent aussi vite qu'un transformiste change de costume, mais rien n'y fait : Smith est la seule étoile qui brille dans la nuit, l'unique shérif de la ville, éclipsant son groupe comme sa voix occulte les plus récentes compositions de celui-ci.

D'ailleurs, et comme on pouvait s'y attendre, les titres les plus récents ne fonctionnent pas aussi bien que leurs aïeuls. Excepté No Harm, qui n'a pourtant qu'une prestance relative, et le très bon Forgiveness, les morceaux choisis d'In Dream peinent à s'imposer : Life Is A Fear manque d'amplitude, Salvation agace, et ce tandis qu'All The Kings rend la fin de set bien longue tant il est anecdotique. Les pièces le plus anciennes (An End Has A Start, Munich, Bullets, etc.) emportent elles l'adhésion d'un public chauffé à blanc, dont les sauts de joie ont pu faire croire par instant que le sol allait se dérober sous nos pieds. On l'aura compris, tout ici est propre, carré, élancé, mais rien ici n'autorise à dire que la setlist échafaudée pour cette tournée européenne est parfaite. Elle compte même en son sein une franche déception : oui, Smokers Outside The Hospital Doors est franchement dispensable dans sa version acoustique, et oui, on aurait clairement préféré entendre résonner ce morceau toute basse dehors. Pour finir, et la preuve en est ce final « cartoonesque », Editors en font parfois trop, beaucoup trop.

A la sortie de la salle, il n'y aura finalement qu'une question pour nous brûler un peu plus encore des lèvres déjà gercées : retournerons-nous voir Editors lors d'un prochain concert ? Il faudra assurément un album de haute volée. Le temps des surprises est révolu. Celui de l'entertainment est, semble-t-il, arrivé.
setlist
    THE TWILIGHT SAD
    There's A Girl In The Corner
    Last January
    I Became A Prostitute
    It Never Was The Same
    Nil
    Cold Days From The Birdhouse
    And She Would Darken The Memory

    EDITORS
    No Harm
    Sugar
    Life Is A Fear
    Blood
    An End Has A Start
    Forgiveness
    All Sparks
    Eat Raw Meat = Blood Drool
    The Racing Rats
    Formaldehyde
    Salvation
    Bullets
    A Ton Of Love
    Smokers Outside The Hospital Doors
    Bricks and Mortar
    All The Kings
    Nothing
    Munich
    ---
    Ocean Of Night
    Papillon
    Marching Orders
photos du concert
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