CHVRCHES

Every Open Eye, leur second album, est sorti en septembre dernier et c'est armé de celui-ci que CHVRCHES lancent une offensive, non pas sur la seule Europe, mais sur le monde tout entier. Car si c'est une tournée européenne qui occupera le groupe écossais dans un premier temps, les semaines qui suivront seront synonymes de contrées autrement plus exotiques (Nouvelle-Zélande, Australie, Singapour...). Les gourmands.



En parlant de goinfrerie, le groupe défie les lois du bon goût comme d'autres s'attaquent à celles de la gravité, et les coups portés sont aussi fréquents que les endroits ciblés sont stratégiques. La plupart du temps, on encaisse, on résiste, le front haut et la fierté ancrée au fond de l'œil. Mais nous avons tous nos limites, et parfois, le corps ne peut faire autrement que de céder sous les assauts vraiment trop « kawai » de Lauren et ses grands frères. Sous acides multicolores, le j-pop Empty Threat nous entraîne ainsi vers les abysses humides de notre enfance, dans ces recoins sombres et reculés où sommeille l'esprit crapuleux du Club Dorothée. Un souvenir douloureux, réveillé en d'autres occasion encore (Make Them Gold...), nous revient alors, crayonné par des effets électroniques dignes des génériques pompiers de Ganma et autres Shurato.

Difficile, donc, d'apprécier CHVRCHES si on est allergique au trop-plein de couleurs, si on a toujours préféré prendre l'entrée plutôt que de succomber au dessert. Néanmoins, le groupe est généreux, et ne veut laisser personne au bord de la route. Aussi, il se donne sans compter (Lauren Mayberry s'affirme, Martin et Iain s'amusent), s'emploie à offrir un show visuel à la hauteur de son dynamisme, et dissimule dans ses compositions quelques arguments à-même de faciliter le passage de cette grosse pilule au travers nos gosiers éventuellement circonspects. Par ici, il y a la délicieuse mélancolie qui drape The Mother We Share, et qui se déploie au moment du refrain tel un étourdissant lâché de papillons. A quelques encablures de là, il y a Keep You On My Side, accompagné de détonations dance qui ne tarderont pas électriser l'ambiance. Dans ce coin là, ce sont les « bury it, bury it ! » scandés par Lauren et les rafales électroniques qui leur font suite qui finiront de mettre la salle à genou.



Et puis, il y a Lauren, la femme-enfant. Impossible de ne pas parler d'elle. Elle mériterait d'ailleurs qu'on lui dédie un chapitre, plusieurs même. Ce petit bout de femme est d'une fraicheur incroyable, en plus de chanter formidablement bien. Avouons-le, c'est également l'objet avoué et assumé d'un fantasme collectif. Tout le monde aime Lauren, la désire, et ce statut quasi iconique termine de renvoyer CHVRCHES à d'autres pans de notre culture commune, le jeu-vidéo en tête de gondole.

Mais il nous faut également parler du public. Car ce soir, au milieu d'un show énergique, mais réglé comme un coucou suisse (bien que mignonnettes, les déclarations de Lauren semblent elles aussi avoir été concoctées à l'avance), la véritable surprise viendra de lui. Acteur de poids dans la pièce qui se joue devant nous, celui-ci est chauffé à blanc. Il saute à en faire trembler le sol, rit à en effacer les autres éléments nichés sur son visage, chante sans oublier la moindre parole. On ne le voit pas souvent comme ça, et, surtout, on mesure, en vérité non sans un certain étonnement, la franche popularité de CHVRCHES sur notre sol. La salle est comble, ou quasiment. Tout ceci est surprenant, mais cette véhémence fait plaisir à voir, concourant à nous faire passer un très agréable moment. Et puis, enfin, Iain Cook et Martin Doherty côtoient plus qu'un simple succès d'estime.

Oui, tout arrive un jour, et c'est plutôt bienheureux.