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Mogwai

Paris, Days Off Festival - 3 juillet 2016

Live-report par Julien Soullière

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L'employé de la Philharmonie nous adresse un regard las. Visiblement, nous ne sommes pas les premiers mélomanes à passer sa porte. « Vous venez pour le concert, je suppose ? Il y a visiblement eu un petit problème de signalétique. La Philharmonie désigne un ensemble, pas uniquement ce bâtiment-ci. Le concert a lieu dans celui d'en face (note : celui que l'on connaissait jusqu'ici sous le nom « Cité de le Musique »). Pas de chance, on aurait bien savouré Mogwai dans l'étrange édifice signé Jean Nouvel.

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Atomic : Living In Dread And Promise n'est pas un documentaire, quoiqu'on en dise. Du moins, ça n'en est pas un au sens strict du terme. Car classiquement, si la bande son peut avoir son importance, ce sont surtout les images, la scénarisation, la voix off et autres artifices didactiques qui composent la sève d'un tel format. Ici, la musique est aussi centrale que l'image. L'un ne va pas sans l'autre, ou plutôt, le son pourrait mieux s'en sortir sans le visuel associé que l'inverse. C'est dire l'importance du travail de Mogwai qui vient ici sublimer un patchwork d'images parfois étonnantes, éventuellement quelconques, terribles pour certaines, mais dont l'intérêt ne se révèle in fine que grâce à ce que les oreilles entendent, ce soir dans des contions optimales. On ne cherche pas à minimiser l'implication de Mark Cousins (ne serait-ce que parce que le travail d'archives est aussi laborieux que le sujet choisi est important), mais c'est un fait, tout du moins un ressenti assez clair.

On a qualifié les conditions d'optimales, disons plutôt quasi-optimales. Car si techniquement parlant, le son est d'une limpidité orgasmique (Cité de la Musique, pardon, Philharmonie oblige), il ne faut pas être armé d'oreilles trop fragiles. Tout ceci pourra paraître un poil fort, surtout lors de quelques sur-impressions voix/musique, où le volume des voix issues des archives est poussé de telle manière à les rendre audibles malgré l'instrumentation live. Comme à leur habitude, Mogwai sont eux irréprochables, appliqués, totalement dévoués à la cause qu'ils ont accepté de défendre. Tantôt mélancoliques (Are You A Dancer?), tantôt gorgées d'espoir (Ether), parfois graves (Fat Man), à l'occasion acerbes (Pripyat), leurs compositions soufflent le chaud et le froid dans la salle, accompagnant à la perfection les images qui défilent devant nos yeux, partagées entre l'espoir et l'effroi. Modestes, et aucunement distants, les écossais se fondent dans les Abymes qui cerclent l'écran, et s'éclipseront en fin de set sans heurt aucun. Pas question de tirer la couverture à eux.

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Sur le fond, et à bien y réfléchir, Atomic : Living In Dread And Promise n'a pas tant pour ambition de nous parler de luttes armées, de génocides et de cataclysme que du parfait contraire de tous ces termes. Chez le réalisateur britannique, plus important que ce qui nous sépare, il y a ce qui nous unit. Il y a ce poing commun, levé au ciel pour faire taire les bombes et les manipulations politiques. Il y a ce rêve universel de progrès pour repousser les maux et la mort. Alors certes, après avoir souligné le rôle du nucléaire dans l'essor médical, voilà que reviennent les images glaçantes de ces terres contaminées, de ces populations – des pions sur le grand échiquier géopolitique – piégées comme des rats. Pour autant, elles ne trouvent leur place ici que pour atteindre l'effet voulu par le réalisateur : accentuer un peu plus encore l'évidence, nous appeler à veiller, pour que jamais plus l'horreur ne s'impose.

L'expérience ciné-concert proposée ce soir, si elle n'aura peut-être pas passionné tout le monde, aura au moins interrogé, intrigué ou éveillé. Elle aura aussi confirmé le plaisir que l'on a à voir Mogwai se produire sur scène. Vivement la prochaine.
setlist
    Ether
    Fat Man (1)
    Scram
    Fat Man (2)
    Bitterness Centrifuge
    U-235
    Pripyat
    Weak Force
    Pripyat
    Little Boy
    Roof
    Are You A Dancer?
    Tzar
    Fat Man (3)
photos du concert
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