Lukas Ionesco et Bill Ryder-Jones. Avec une telle affiche, notre mercredi soir promettait d'être doux et mélancolique au Point Éphémère.

Il fut d'abord teinté par la musique grunge folk acoustique (l'oxymore fonctionne à merveille) du jeune
Lukas Ionesco. Caché sous un lourd trench coat, juché sur un tabouret, le chanteur et acteur salue de sa petite voix le public et ouvre le bal. La musique emplit la salle, la magie opère. L'artiste aux cheveux blonds longs plaqués en arrière fait tomber sa timidité et quitte son manteau. Accompagné par un deuxième guitariste clope au bec à sa gauche et une chanteuse pour les choeurs assise à sa droite, il partage une musique que l'on sent inspirée des mélodies sombres, froides et planantes de Nirvana. Le public attentif est conquis par Lukas Ionesco, par les morceaux issus de son premier EP,
Paris Texas. Ce set acoustique cinématographique, fin et mélodieux, fait rêver à un concert plus long, et cette fois-ci branché aux amplis.
Bill Ryder-Jones s'invite ensuite avec décontraction sur la scène du Point Éphémère. Chemise ouverte sur un tee-shirt et mal en place sous sa sangle de guitare, cheveux devant les yeux. Pas d'enthousiasme outre mesure, il déroule son set avec flegme, naturel et simplicité. Belle entrée en matière avec
Mither, un titre puissant, lourd, issu de son dernier bijou, l'album
Yawn. Le gros son de guitare saturé peut faire penser aux jeunes heures de Radiohead, à Thom York sur
Pablo Honey. Sa voix perce difficilement lorsque les instruments sont tous à pleine puissance, il cultive son air mystérieux, ses soupirs mélancoliques. Ça réveille, c'est frais, propre. Avec sa guitare portée très bas, une Fender Mustang comme Kurt Cobain (tiens, encore lui ?!), Bill Ryder-Jones bouge assez peu sur scène. Il se tourne de temps en temps vers son batteur mais reste bien souvent au centre, face à la lumière. Sur
The Lemon Trees, l'artiste réclame le silence de la salle et n'hésite pas à lancer un petit « shut up », entre blague et autorité.

Au milieu du set, Bill Ryder-Jones se trouve seul pour deux morceaux plus intimistes :
Christina That's The Saddest Thing et
Seabirds. Il parvient à installer un moment suspendu délicat, berce la salle et demande (réclame) une fois encore le silence. Après quoi il salue l'attention du public. Fair-play. Lorsque ses trois acolytes reviennent sur scène, l'ex-guitariste de The Coral relance du gros son. Coup de coeur pour
And Then There's You, tube du dernier album, titre en ternaire dont le refrain reste en tête des heures sinon des jours. « My mistress, my mistress... Take me home again... My mistress, my mistress... ». Brillant, lourd, le son envahit le Point Éphémère, les couche-tard dodelinent de la tête en rythme avec la basse. Le groupe continue sur cette lancée rock avec
Two To Birkenhead et
Wild Roses et son solo sans fin où s'affrontent avec beauté les aigus des cymbales et les grosses guitares.
Enfin, Bill Ryder-Jones offre un de ses plus beaux morceaux :
Satellites. Mise en orbite réussie.