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BICEP

Paris, Zénith - 27 octobre 2022

Live-report par Franck Narquin

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On ne remerciera jamais assez les dirigeants des pays du G20. Leur inaction climatique mène peut-être le monde à sa perte, mais en attendant celle-ci nous permet de profiter d'un improbable et interminable « été indien », faisant même flotter une ambiance toute estivale en ce 27 octobre sur un Zénith de Paris blindé comme jamais. En t-shirt ou petit hoodie pour les plus frileux, la foule s'amasse dans une queue sans fin qui démarre presque Porte de Pantin. La salle n'accueille pourtant pas Angèle ou Orelsan ce soir mais BICEP, duo d'électroniciens irlandais découverts en 2017 grâce à leur tube Glue, venus il y a tout juste un an présenter leur deuxième et excellentissime album Isles à l'Elysée Montmartre avant d'enflammer les festivals d'été, dont We Love Green alors en mode Aquaboulevard (ceux qui y étaient savent de quoi je parle).

Après avoir montré patte blanche, un peu argumenté pour récupérer notre pass photo et subi une fouille au corps presque trop intrusive, à la limite du happy-ending, nous parvenons à pénétrer l'enceinte de la salle du Parc de la Villette. On entend parler anglais à droite à gauche et les bars sont totalement pris d'assaut (coïncidence ? Je ne crois pas). On se croirait à Rock en Seine cet été (ceux qui y étaient savent de quoi je parle) ! Nous optons pour le bar extérieur car l'attente, aussi longue qu'ailleurs, se trouve largement compensée par une ambiance des plus festives. L'émulation et l'excitation sont palpables et la moyenne d'âge a largement baissé par rapport à l'année dernière car entre-temps BICEP sont passés du statut de petit groupe électro pointu à celui de grosse machine à faire danser, grâce à une poignée de singles aussi efficaces et accessibles que qualitatifs et novateurs et surtout à leurs performances live XXL.


Après quarante-cinq bonnes minutes, nous devenons enfin les heureux propriétaires d'un demi-litre de houblon frais et pétillant. Bien urbains, les irlandais nous ont attendus pour démarrer leur show, accusant près d'une demi-heure de retard sur l'horaire prévu, sans doute pour tenter de solutionner quelques bugs techniques qui viendront émailler le concert. Fin prêts à guincher, nous nous présentons devant l'entrée de la fosse, qui nous sera malheureusement refusée par deux sympathiques mais intransigeants cerbères. « C'est plein de chez plein les gars, faut aller en haut !». Légèrement dépités, nous grimpons les escaliers menant aux places assises. La fosse est effectivement bourrée à craquer, même Erling Haaland aurait du mal à y trouver une faille pour s'y engouffrer tandis que dans les gradins tout le monde est debout prêt à se dandiner sans relâche. Un set de BICEP étant aussi visuel que sonore, on se dit qu'on n'est peut-être pas si mal placé finalement. Les lumières du Zénith s'éteignent subitement. La foule explose comme si Erling Haaland venait de réussir à s'immiscer dans la surface avant de combiner un joli une-deux avec Phil Foden pour ensuite venir d'un extérieur du gauche tout en en relâchement loger le ballon en pleine lucarne. Derrière la clameur des hourras, on entend à peine résonner les premières notes de X, introduction parfaite dont le crescendo de vagues de synthés sublimées par la voix lascive et planante de Clara Le San semblent avoir été écrite pour un générique de film ou un début de DJ set. BICEP n'auront pas à forcer leur talent tant le public semble conquis d'avance et prêt à se lâcher comme lors de ses plus belles soirées d'été. Les deux musiciens, au centre de la scène, sont entourés d'impressionnantes installations lumineuses complétées de trois écrans de projections tapissant toute la surface du Zénith. Désormais les shows de BICEP sont avant tout de sublimes spectacles sons et lumières à faire pâlir de jalousie Philippe De Villiers avec son Puy du Fou, ce parc à thème vendéen qui bénéficia de choquants passe-droits à la sortie du confinement. On en profite pour faire un Big-Up à tous les festivals de France à l'heure ou notre ministre de l'Intérieur s'immisce dans la politique culturelle nationale, les menaçant de report ou de simple annulation en 2024.


Dès le deuxième morceau, le groupe décoche une de ses plus belles missives avec Atlas, tube imparable accompagné en arrière-plan d'une déclinaison syncopée des visuels de l'album. Nous assistons là à un grand moment de symbiose entre les artistes et leur public. Partir très vite, très fort et très haut est une chose, maintenir ce niveau sur près d'une heure trente en est une autre. Ainsi, l'enchainement de titre plus anciens tels que Just, Opal, Aura ou Rain ainsi que les nouveaux Melli II et Water, tous bien exécutés mais sans réelles surprises, nous laissera un peu sur notre faim, le duo semblant ainsi faire le job et livrer un concert carré, là ou ils nous avaient un instant laisser espérer le grand soir.

BICEP semblent avoir retenu la leçon livrée par Ruben Östlund dans Sans Filtre (cette sympathique comédie potache affublée contre toute attente et toute logique d'une palme d'or). Le public ne retient d'une œuvre que son introduction et sa conclusion, le reste du contenu n'ayant finalement que peu d'importance. Quoi qu'un peu cynique cette devise semble pourtant encore se vérifier car avec leurs deux derniers morceaux, les irlandais mettront tout le monde d'accord, lèveront sans mal nos quelques réserves précitées et finiront de faire chavirer ce Zénith aussi chaud que des prédictions météorologiques d'Evelyne Dhéliat.

Avec Glue et Apricots, BICEP volent à nouveau dans les hautes sphères entrevues sur X et Atlas et livrent après cette entrée en matière subjuguante, un final dantesque, qui resteront à coup sûr inscrits longtemps dans la mémoire de cette foule suante et suffocante, mais visiblement comblée.
setlist
    X
    Atlas
    Just
    Meli II
    Aura
    Opal
    Rever
    Saku
    Sundial
    Boss Rhythm
    Water
    Hawk
    ---
    Glue
    Apricot
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