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Jockstrap

Paris, Le Hasard Ludique - 2 novembre 2022

Live-report par Franck Narquin

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Jockstrap, duo né de la rencontre sur les bancs du conservatoire de Georgia Ellery et Taylor Skye, s'est révélé, dès un premier single en 2018, I Want Another Affair, être l'un des espoirs les plus prometteurs et les plus novateurs de la scène indé londonienne. Plutôt que de se ruer sur le devant de la scène, le groupe a tranquillement peaufiné son style issu de la confrontation explosive de compositions pop subtiles et élégantes, portées par la voix claire de Georgia, chanteuse et multi-instrumentiste officiant en parallèle comme violoniste chez les excellents Black Country, New Road, et de la musique électronique déstructurée et abrasive de Taylor, vivifiant laborantin en perpétuelle recherche de nouvelles trouvailles sonores aussi complexes que jouissives.

Leurs brillants EPs, distillés au fil des trois dernières années sur Warp Records, n'ont fait qu'accroître notre excitation avant qu'ils ne délivrent enfin en septembre dernier sur Rough Trade Records, leur tant attendu premier album I Love You Jennifer B. Notre patience a été largement récompensée, tant cet opus ressemble à un véritable « instant classic ». Jockstrap y ont imposé un univers unique et très affirmé, écrit des chansons aux compositions riches et inspirées confirmant un sens aigu de la mélodie et assuré une production inventive aussi pertinente sur les chansons à la ligne claire comme Angst ou Glasgow que sur leur délire maximaliste 50/50.

C'est donc, tel un métalleux se rendant à son premier Hellfest, d'un pas léger et les oreilles frétillantes que nous marchons vers le Hasard Ludique, sympathique espace multi-facettes au si joli nom, niché sur les rails désaffectés de la petite ceinture au pied de la porte de Saint-Ouen. Loin d'avoir décroché des hits tournant en boucle sur TikTok ou composé un tube comme Chaise Longue, Jockstrap jouissent tout de même d'une belle cote et d'une fan base composée de mélomanes avertis, ainsi la salle à la très modeste jauge a très vite affiché complet. On fait donc un heureux à la porte du Hasard Ludique en donnant à un fan persévérant notre billet en trop, suite à la défection d'un camarade ayant du mal à se remettre de l'after très festif de l'ultime show de Mansfield Tya à l'Olympia.


Notre seule appréhension de la soirée était de voir comment le groupe parviendrait à traduire sur scène ses morceaux aux structures alambiquées et fignolés par un travail d'orfèvre en studio. Une qualité sonore impeccable semblait déjà une condition sine qua non pour en juger. Fort heureusement, cette petite salle jouit d'une excellente acoustique et si le groupe débute largement en retard son concert, il a bien fait attention à ne pas bâcler ses balances. Prenant place côté jardin, Taylor Skye est entourée d'un nombre incalculable de machines. On compte pas moins de trois synthétiseurs, un sampler et d'autres objets technologiques non identifiés. Mais c'est vers le côté cour que tous les yeux convergent, là où se tient entre le microphone, sa guitare et son violon, la belle Georgia Ellery. La jeune anglaise, dans l'ombre avec Black Country, New Road, mènera ce concert d'une main de maître faisant preuve de charisme et d'un insoupçonné talent de show-woman.

Jockstrap débutent le set avec Neon, morceau très représentatif du style du groupe et qui ouvre d'ailleurs I Love You Jennifer B, mais particulièrement casse-gueule en live avec son alternance de moments posés à la guitare sèche et d'irruption de beats saturés. La belle énergie déployée d'entrée par le duo compense tout juste une prestation frôlant souvent la sortie de route. Ce sera pourtant un de nos rare bémols de la soirée, tous les autres titres étant interprétés de manière très fluide laissant admirer l'aisance technique de Georgia et Taylor. Car c'est là une de leur grande force, Jockstrap n'est juste un groupe hype pour étudiants en école d'art s'amusant à déstructurer aléatoirement de simples chansons pop. Les anglais sont avant tout d'excellents musiciens qu'on imagine bien assidus à leurs cours de musicologie, tant leur apparente décontraction et leur approche freestyle cachent en fait une grande maîtrise de leur art.


Cette facilité leur permet les transitions les plus abruptes comme sur The City qu'ils débutent en guitare voix minimaliste. L'émotion est palpable, la salle retient son souffle voir sa petite larme quand subitement le titre se transforme en hip-hop vocodé ultra-agressif, Georgia passant en claquement de doigt de chanteuse folk sensible à furieuse MC enragée. Ça pourrait être complètement WTF et pourtant tout cela passe crème car d'une part la paire joue vraiment bien, et d'autre part tout est interprété au premier degré, laissant l'ironie distanciée fort heureusement au placard. Nous assisterons à quelques moments de grâce, où le temps parait suspendu, comme sur les délicats What's It All About? et Angst, avant de gigoter du popotin comme des midinettes sur le très 80's Greatest Hits pour finir par sautiller en l'air dans tous les sens comme des kids survitaminés au son de 50/50.

Attendus au tournant, Jockstrap confirment haut la main avec cette prestation enthousiasmante qu'ils sont bien plus que la petite sensation du moment ou un side-project d'un membre de Black Country, New Road. Frais, inventif et audacieux, le duo apporte un bol d'air frais aussi jubilatoire sur scène que sur disque et emportent aisément le prix de révélation de l'année à nos victoires de la musique personnelles.
setlist
    Neon
    Jennifer B
    Acid
    Robert
    Greatest Hits
    What's It All About?
    Glasgow
    Debra
    Hayley
    Lancaster Court
    Angst
    Concrete Over Water
    The City50/50
    I Want Another Affair (Taylor Skye Remix)
photos du concert
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