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Jockstrap

Paris, La Bellevilloise - 18 novembre 2023

Live-report par Franck Narquin

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Duo le plus novateur de la scène indépendante londonienne pour les uns, simple esbroufe épate-hipsters pour d'autres, voire string pour homme destiné à mettre en valeur le joli paquet de monsieur pour une troisième catégorie, Jockstrap ont fait couler beaucoup d'encre depuis la sortie en 2022 de leur premier album I Love You Jennifer B. Comme c'est le cas pour toute proposition musicale innovante et originale délivrée par de jeunes gens au physique avantageux, parfois issus d'un groupe à la mode (Black Country, New Road) et eux-mêmes portés par une hype certaine, la musique de Jockstrap divise. On est fan ou on déteste et ce n'est pas leur récent album d'auto-remixes I<3UQTINVU (ndlr : pour « I Love You Cutie, I Envy You »), ovni radical sacrément azimuté qui viendra apaiser les débats. Heureusement, en ce samedi soir pluvieux de novembre, les pisse-froids sont restés à la maison (on imagine qu'ils y écoutent des groupes au son bien carré, viriliste et sans surprise tels que Royal Blood) tandis que la Bellevilloise est pleine à craquer de jeunes fans connaissant par cœur toutes les paroles des chansons du groupe. On note d'ailleurs le changement de public indiquant ainsi la stature prise par le duo. Il y a un an, pour leur première venue à Paris, le Hasard Ludique n'était peuplé que de branchés et d'étudiants en école d'art, alors que ce soir l'audience est nettement plus casual, un peu plus jeune et beaucoup, beaucoup plus chaude.

A tout juste 19h30, la salle est presque déjà comble pour assister à la première partie. Zeynab Marwan, artiste américaine née à Beyrouth se produisant sous le nom de Thoom, débarque sur scène telle une furie, seule, simplement accompagnée d'une bande son pré-enregistrée. Enthousiaste et motivée, presque trop, Thoom a pour mission de chauffer la salle et compte faire le job à fond. Vous vous demandiez à quoi pouvait ressembler de l'hyperpop américano-libanaise ? C'est justement la magie des premières parties que de répondre à des questions que l'on ne se posait pas forcément. La chanteuse déploie une belle énergie et offre une prestation solaire et punchy mais sa musique qui ne craint ni le kitsch ni les excès d'emphase risque de laisser perplexe les fans de The Divine Comedy ou de The Auteurs. Thoom chante en maillot de bain des textes politiques sur de la pop flashy avec un keffieh palestinien noué autour de la taille, donc qu'on aime ou pas sa musique, on valide à fond !


Le choix, quelque peu surprenant, d'une telle première partie pour toute leur tournée européenne n'est pourtant pas anodin. Les premiers concerts de Jockstrap faisaient la part belle aux morceaux pop de Georgia, le groupe y prenait son temps, offrant de beaux moments de recueillements au public avant de se laisser aller dans leurs délires électroniques. La saison des festivals d'été à ensuite totalement changé la donne. Le duo a été contraint de révolutionner son approche du live pour livrer des prestations de moins d'une heure devant un public novice. Ainsi la discrète Georgia a opéré une impressionnante mutation, devenant une réelle entertainer au déhanché des plus sensuels et n'hésitant pas à jouer de ses charmes pour séduire son auditoire. Sur le plan musical, l'accent a été mis sur les morceaux le plus festifs et dansants, leur facette électro passant alors devant leur ADN pop. Ce soir, nous assisterons à un mélange entre ces deux formules, le groupe ayant trouvé une sorte d'équilibre, laissant plus de respirations qu'en festival mais cherchant toujours l'efficacité, soucieux de ne jamais faire retomber la pression. Si le concert a été excellent et l'ambiance des plus chaleureuse, le petit bémol est qu'on à l'impression que Jockstrap ont un peu perdu en charme ce qu'ils ont gagné en efficacité.

Le nouveau public du groupe ne semble pas trop s'en soucier et passera une heure et demie à danser et chanter en cœur avec Georgia Ellery, qui semblait très émue par cet accueil enthousiaste et assez rare pour une salle parisienne, tandis que Taylor Skye, au flegme des plus britanniques, enchainera avec brio les prouesses techniques sans jamais se défaire de sa mine impassible. Dans ce concert généreux, Jockstrap joueront les dix chansons de I Love You Jennifer B, trois titres de I<3UQTINVU (Good Girl, le remix de Jennifer B, Pain Is Real, celui de Debra et Sexy 2) ainsi que deux morceaux issus de Wicked City, leur EP de 2020 sorti chez Warp Records, Acid et The City.


On aura les poils qui se dresseront sur les bras au son de Glasgow ou Concrete Over Water, des fourmis dans les jambes sur Good Girl et Greatest Hits avant qu'une contagieuse folie furieuse ne s'empare de nous, et de toute la salle, sur le final 50/50 qui verra même Thoom revenir sur scène pour y jouer les gogo-danseuses.

On laissera les haters détester, ou mieux encore on les embarquera avec nous la prochaine fois, car Jockstrap ont une fois de plus confirmé que, bien loin d'être une hype passagère, ces deux musiciens hors pair (la densité vocale, le jeu de guitare délicat et l'aisance au violon de Georgia ; la technique précise de Taylor et son exécution d'une impressionnante maestria) qui nous ont déjà offert deux LP figurant parmi les propositions musicales les plus fraîches et originales entendues ces dernières années sont devenus de véritables bêtes de scène. Pour conclure, on empruntera les mots de Xavier Dolan, autre artiste au talent indéniable aussi aimé que détesté, que prononcent Anne Dorval dans son film Mommy : « Les sceptiques seront confondus ». Pour Jockstrap, c'est désormais chose faite.
setlist
    Neon
    Debra
    Jennifer B
    Good Girl
    Glasgow
    What's It All About?
    Angst
    Acid
    Greatest Hits
    Pain Is Real
    Concrete Over Water
    Sexy 2
    Lancaster Court
    The City
    50/50
photos du concert
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