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Daniel Avery

Paris, Elysée Montmartre - 26 novembre 2022

Live-report par Franck Narquin

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Tout juste deux semaines après avoir signé un des meilleurs albums de musique électronique de l'année, confirmant s'il était nécessaire son statut de figure de proue de la scène techno UK, Daniel Avery donnait déjà rendez-vous à ses fans parisiens ce samedi 26 novembre à l'Élysée Montmartre pour leur faire découvrir la version live d'Ultra Truth. Toujours excités par une prestation de l'anglais, on se dit néanmoins que cet album, aussi dense qu'intense et explorant des univers musicaux extrêmement variés, aurait mérité de mûrir un peu plus dans nos oreilles pour que nous puissions pleinement apprécier sa réinterprétation sur scène. Car en live, Daniel Avery ne se contente pas de jouer tels quels ses morceaux, il les réinvente, les remodèle, les déstructure. Plus on maîtrise l'œuvre sur disque, plus on se rend compte du travail et des subtilités du live.

Samedi 16h30, les pubs sont déjà pleins à craquer pour assister à la qualification annoncée de l'équipe de France de football. Chez Sound Of Violence, qu'on soit fan ou pas du sport d'Enzo Francescoli et Roberto Baggio, on trouve toujours une bonne excuse pour avancer l'heure de l'apéro. C'est tendu, mais ça passe, du coup les supporters se sentent obligés de beugler l'horripilant I Will Survive qui nous donne envie de mourir (ou d'écouter l'intégrale de Muse). Mais revenons à l'essentiel, car plus que le doublé du génie français, c'est le message vocal de notre rédacteur en chef, reçu à la mi-temps, qui nous réjouit le plus : « Hey Les gamins, soyez-pas en retard ce soir, y'a Ela Minus en premier partie de Daniel Avery ! C'est chanmé mais comme elle est pas britannique, tu me fais pas la moitié du papier sur elle, tu seras bien gentil ! Bon bisous, j'vous laisse j'ai Alex Turner qui m'tanne pour savoir s'il est dans le top 10 de l'année, oh la la, j'crois qui nous a pris pour Rock&Folk le gars-là ! ». Merci Patron, en voilà un joli doublé !

Gabriela Jimeno Caldas, née à Bogota, Colombie, en 1990, vivant désormais à Brooklyn, a sorti en 2020 sous le pseudonyme Ela Minus son premier album intitulé Acts Of Rebellion, porté par l'immense Megapunk. Seule sur scène, en tenue d'écolière (chemisier blanc, jupe écossaise) et entourée d'imposantes machines, Ela ne rate pas son oral. Son electropop aussi érudite que personnelle cite franchement ses influences, Kraftwerk, New Order, Underworld, Gigolo Records ou Fischerspooner. Ela Minus, mais artiste géante. Je reçois un nouvel sms du R.C. : « Mollo sur la colombienne j't'ai dit, tu t'agites encore pour rien, passe vite sur Daniel Avery, car vu comme t'es à la bourre pour rendre cette chronique, j'vais t'mettre sur la tournée du Yungblud si tu t'bouges pas ».


Mesdames et Messieurs bonsoir, si vous êtes ici c'est avant tout pour vous informer de la manière la plus objective possible sur la qualité de la prestation du DJ natif de Bournemouth ou pour revivre ce petit moment de grâce auquel vous avez assisté samedi dernier. Toute l'équipe de Sound Of Violence se tient à votre disposition et vous souhaite une agréable lecture (quelques zones de turbulences étant prévus lors du passage du nuage « poum poum tchak tchak » et du détroit de Drone Logic).

21h04, cheveux blonds mi-longs, t-shirt blanc sous chemise noir ouverte, entre stroboscopes verticaux et machines horizontales, Daniel Avery entame son set. Le résident est un surfer. Attendez-vous donc à vous faire sauvagement braquer. On s'attendait à un set contemplatif, nous plongeant dans les nuits sombres et inquiétantes d'Ultra Truth, de celles qui empruntent les chemins de traverses dans les bois menant au sulfureux One Eyed Jack, lieu de perdition et de non-retour, situé à l'extrême frontière et tout au fond des contrés de Twin Peaks. Nous avions tout faux ! Le concert sera au contraire composé des titres les plus uptempo du dernier album et viendra piocher allégrement dans le catalogue passé de Daniel Avery, et tout particulièrement au sein de Drone Logic, avec ses nombreuses pépites dansantes et sur vitaminées. Si l'ambiance s'avérera irrémédiablement nocturne, ce sera celle des nuits blanches et hédonistes des clubs technos et pas celles des nuits noires et mentales des sessions studios d'Ultra Truth.

Attaquant en douceur par New Faith, titre d'ouverture minimaliste, hommage à Ryuichi Sakamoto, avec sa désormais célèbre profession de foi : « Beyond the silent shadow, under the weight of a collapsing sky, close your eyes and look at the light », Daniel Avery enchaine avec Ultra Truth, comptine électro pointilliste à la Four Tet. L'anglais décide d'accélérer directement le rythme en jouant Wall Of Sleep. Au bout de quelques second, le morceau est coupé net. Quel cut surprenant, le public applaudit. Il s'agit en fait d'une panne d'électricité, Daniel s'agite autours de ses machines et l'alarme de l'Elysée Montmartre se met à sonner pendant dix longues minutes sans que personne ne semble s'en émouvoir. Ce sera même le moment idéal pour une pause fraîcheur, les bars ayant été pris d'assauts dès l'ouverture de la salle.


Prêt à repartir, le DJ balance Water Jump et le public plonge la tête la première. On assistera dès lors à un set club réalisé en live, soit l'alliance merveilleuse de l'efficacité des bpm et du hasard de l'improvisation. Qu'ils soient bruitistes comme Devotion ou aériens comme Lone Swordsman, les morceaux de bravoure s'enchaînent et les danseurs envoutés se déchainent. Avec sa scénographie minimaliste faisant la part belle aux stroboscopes ou au noir et blanc et ne s'autorisant que quelques irruptions de flash monochromes, le show reste avant tout centré sur la musique. Comme le disait Tati, « trop de couleurs distrait le spectateur », l'anglais en a pris bonne note, nous rappelant au passage que bien qu'on s'amuse comme des petits fous, on reste chez la fourmi Avery et pas chez les cigales BICEP. On pourrait rester des heures comme ça, mais il est déjà l'heure du dernier morceau. Basse tourbillonnante, beat métronomique, voix allemandes, lente montée, c'est l'heure de l'éternel Drone Logic, aussi puissant, efficace et addictif qu'au premier jour. Bouquet final, feu d'artifice, crescendo orgasmique, on manque d'expression toute faite pour exprimer notre plaisir.

Saluant timidement le public de la main, alors que quelques secondes plus tôt il se déchainait comme un possédé sur ses machinées, Daniel Avery quitte la scène, laissant le public hagard et satisfait mais comme en léger jet-lag. Il est à peine vingt-trois heures et on n'a l'impression de sortir de club. On rêve un instant d'un after, mais après avoir assisté à un tel sommet, nous ne voyons pas ce soir de DJ prêt à se montrer à la hauteur.
setlist
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