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Sorry

Paris, Petit Bain - 10 février 2023

Live-report par Franck Narquin

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A peine quatre mois après leur remarquable prestation au Pop-Up du Label, Sorry, grosse sensation indie-pop UK, qui n'ont pourtant pas connu la même trajectoire que Wet Leg, leurs collègues du label Domino Records, nous font l'honneur de déjà revenir à Paris défendre leur impeccable second LP, Anywhere But Here, dans une salle à la jauge à peine plus élevée qu'en novembre dernier et qui nous semble toujours sans aucune mesure avec leur incroyable talent et leur hype londonienne, passant de tsunami sur les bords de la Tamise à confidentielles vaguelettes aux abords du port de la gare, Paris 13. Ne mégotons pas et savourons note plaisir, car voir des grands groupes dans des petites salles, c'est exactement ce qui nous motive chez Sound of Violence, après bien entendu l'argent facile, les filles qui coulent à flot, le champagne pas farouche et les interviews de groupes s'exprimant exclusivement en patois gaélique. En ce samedi soir, le Petit Bain est donc plein à ras bord et déborde de fans de la première heure, de mélomanes curieux et de nos lecteurs venus voir ce que valent sur scène les auteurs du huitième meilleur album britannique de l'année 2022.

Une fois n'est pas coutume, nous n'avons pas eu le temps de nous renseigner sur la première partie, trop occupés à nous écharper au sein de la rédaction sur les défauts et qualités du nouveau single de Depeche Mode. C'est donc les oreilles vierges que nous découvrons Ledher Blue, joyeuse bande de slackers portugais, et leur rock lo-fi dégingandé. Imaginez un Liam Gallagher miniature et bien perché, alternant morceaux sous influence Mac DeMarco ou Pavement interprétés avec une nonchalance ibérique qui rappelle l'improbable orchestre du génialissime film Tabou de Miguel Gomes et vous ne serez pas loin du compte. Un groupe à suivre car Ledher Blue savent composer des titres de toute beauté.


Avant que le concert ne débute, Asha Lorenz et Louis O'Bryen, la minuscule blonde et la grande tige, amis d'enfance et cerveaux de Sorry, montent sur scène pour fignoler les balances et terminer d'accorder leurs instruments sans créer de véritable agitation dans un public pourtant nombreux à s'amasser dans la fosse, rendant même l'aller-retour au bar assez périlleux. Peu importe, on remplacera l'ivresse du houblon par celle encore plus renversante provoquée par ces chansons à l'attaque accueillante, dotées d'une belle complexité et d'une grande longueur en bouche. Alors que les lumières de Petit Bain s'éteignent, Sorry entament Let The Lights On, titre d'ouverture et single phare de Anywhere But Here, dont l'aspect feelgood et uptempo tranche avec la mélancolie du reste de l'album et qui agit comme un trompe-l'œil ou une fausse piste pour l'auditeur. Le groupe se refusait pourtant à le jouer en début de concert, préférant débuter en douceur sans la contrainte habituelle de l'entrée fracassante. Si ce joli geste témoignait bien de l'esprit libre du groupe, débuter le show avec Let The Lights On, permet de conquérir tout de suite le Petit Bain et de continuer le set dans une ambiance plus chaleureuse. Le groupe semble d'ailleurs beaucoup plus à l'aise qu'il y a quelques mois dans ses interactions avec le public.

Si les membres du groupe sont tous en veste (à l'exception du batteur, car un batteur c'est comme un penalty de Neymar, toujours à contre-pied), Asha reste, comme à l'accoutumée, fidèle à son look « chav » qui tranche toujours autant avec son charmant et doux minois et ses chansons élégantes. Chapka vissée sur la tête, veste de survêtement Kappa fermée jusqu'au cou (jusqu'ici tout va bien), elle ose même le pantalon Juicy Couture (survêtement en velours avec le mot Juicy en lettre gothiques et en strass inscrit en gros sur le postérieur). Faute de goût ou second degré ? Quoiqu'il en soit Asha Lorenz demeurera toujours notre princesse kaïra préférée.


Après ce titre inaugural, Sorry enchainent une série de huit morceaux parmi leurs plus mélancoliques et downtempo, de Tell Me à Wolf. Malgré un rythme lent et des chansons assez homogènes, le groupe ne lasse jamais. Au contraire, grâce à une interprétation mêlant habilement décontraction (rien ici ne semble forcé) et intensité (tout y est habité), il fait naître une réelle émotion qu'on sent partagée par nos voisins. Sorry lanceront leur accélération avec de remuantes versions de There's So Many People That Want To Be Loved et Key To The City avant de lâcher les chevaux sur Cigarette Packet et Starstruck, qui verra même la fosse entamer un petit pogo non violent. Si plus d'un groupe se contenterait de terminer par un tube comme Starstruck, Sorry opèrent un virage à 180 degrés et repartent sur une ligne plus sombre et calme avec un enchainement de trois titres, Closer, Baltimore et Again, à couper le souffle. Les anglais reviendront ensuite pour leur rappel avec Perfect, joué tambour battant et guitares en avant, venant ainsi conclure un concert quasi-parfait.

Toujours aussi frais, toujours aussi libres et toujours aussi passionnants, Sorry font partie de ces groupes qu'on aime de plus en plus après chaque écoute, après chaque concert. Il y quelques mois, on les voyait déjà en haut de l'affiche, éblouis par leur évident potentiel, mais Sorry semblent préférer les chemins de traverse et la farouche indépendance aux lumières aveuglantes des Grammys et des Brit Awards. On leur décerne pourtant sans problème le prix du groupe le plus touchant du Royaume-Uni.
setlist
    Let The Lights On
    Tell Me
    Willow Tree
    Right Round The Clock
    Quit While You're Ahead
    Step
    My Body
    Screaming In The Rain
    Wolf
    There's So Many People That Want To Be Loved
    Jive
    I Miss the Fool
    Key to the City
    Cigarette Packet
    Wonderful World
    Starstruck
    Closer
    Baltimore
    Again
    ---
    Perfect
photos du concert
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