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Franz Ferdinand

Paris, Salle Pleyel - 15 avril 2023

Live-report par Laetitia Mavrel

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Un samedi soir printanier non loin des Champs Élysées. A l'heure où les terrasses se chargent de joyeux drilles commandant les premières pintes en happy hours avant que le prix ne regagne le cours de l'indice parisien, nous nous dirigeons vers la prestigieuse Salle Pleyel qui pourtant n'apparaît pas ce soir dans les agendas de concerts. Et pour cause : cette dernière se voit affublée de bannières aux couleurs d'une banque états-unienne particulièrement appréciée des usagers éligibles au seuil de retraits élevés. Mais alors, s'agit-il d'une soirée privatisée pour les heureux actionnaires et quels liens obscurs le Boss de Sound Of Violence entretiendrait-il avec une telle institution ? Rassurez-vous : la raison qui amène votre chroniqueuse à franchir le seuil de la salle de spectacle ainsi customisée est un groupe qui trône fidèlement depuis maintenant vingt ans dans notre discothèque rock indé : Franz Ferdinand.

Annoncé il y a quelques mois à grand renfort de communication sur les réseaux sociaux, le concert privé de Franz Ferdinand à Paris avait alors fait couler quelques flots d'encre virtuels. Les heureux détenteurs de la carte bancaire pouvaient, en parrainant de nouveaux clients, obtenir le sésame pour un concert qui, depuis le Zénith d'avril 2022 et la petite incursion télévisuelle au YOYO - Palais de Tokyo pour ARTE Concert en juin dernier, apparaîssait comme une exclusivité parisienne de taille.
La troupe menée par Alex Kapranos étant toujours en tournée pour célébrer la compilation Hits To The Head, c'est alors avec beaucoup de plaisir que nous aurions pris part à la fête si ce n'était un compte ouvert depuis nos douze ans dans une banque traditionnellement dédiée aux fonctionnaires des services postaux. Mais cela était sans compter notre mission journalistique et c'est sous la bannière des « partenaires » que nous avons pu nous joindre aux festivités.

Il faut alors reconnaître que le comité d'entreprise a fait les choses en grand : bracelets commémoratifs, boissons et snack offerts incluant à la carte la coupe de champagne, hôtesses aux larges sourires vous souhaitant la bienvenue tous les mètres, lounge privatif, tout est fait pour prendre conscience de l'exclusivité de l'évènement. La salle maintenue en configuration assise, nous découvrons que le premier rang est réservé non pas aux plus hauts dignitaires mais bien à la vingtaine de fans ayant décroché directement via les réseaux sociaux du groupe un pass lui permettant d'être logée au plus près de la scène. Abreuvés de publicités sur écran géant pour ladite banque, nous réussissons tout de même à faire la conversation avec quelques spectateurs et sommes ravis de constater que nombre d'entre eux sont de véritables admirateurs du groupe. C'est ainsi très lentement que la salle se remplit, et c'est après avoir tenu ferme face aux films promotionnels à la George Orwell que suite à une brève première partie assurée par le duo nantais Kokomo, chargé de chauffer une salle un peu dissipée du fait des coupes précédemment citées, Franz Ferdinand prennent place sur la scène à l'effigie Kraftwerkienne de la compilation Hits To The Head.

Les questions qui nous taraudent encore à quelques minutes du show sont : Aurons-nous droit à un véritable concert ? Comment la salle garnie de nombreux curieux va-t-elle réagir ? Alex, Julian, Bob, Dino et Audrey ont-ils craqué pour la formule gold ou platinum ? Les réponses ne se font pas attendre et ce sont bien les Franz Ferdinand qui nous régalent depuis toutes ces années qui se mettent immédiatement dans la poche les présents, quasiment tous debout devant leurs sièges et reprenant en chœur les premières paroles de The Dark Of The Matinée.
Veste laminée rouge sombre et souliers noirs vernis, Alex Kapranos se présente encore une fois comme l'hôte parfait et de son charisme flamboyant mène d'une main de maître le concert. Les sourires abondent, les charmants brins de conversation en français entre les titres et les sauts, pas de danses ainsi que les moulinets de guitares sont bien présents. Rien à dire sur le plus parisien des Glaswégien qui se joue de cette configuration qui entrave un peu les plus motivés pour danser. A cet instant, il n'y a plus de parrains, de partenaires ni même de VIP... Seul le rock a son mot à dire et c'est donc une véritable setlist qui déroule les tubes issus de la compilation. Avec une scénographie qui reprend les codes visuels des premiers albums, les prénoms de chacun des membres trônant sur les amplis, armés de petites estrades permettant aux quatre garçons de se hisser devant le public à la moindre occasion, tout est réellement fait pour recréer cette proximité avec les fans chère au groupe.

Rien à dire également sur le choix des morceaux joués ce soir, tous étant les meilleurs singles de chaque album et de véritables petites bombes en live. Malgré le turn-over subi dans le line-up qui a légitimement fait s'inquiéter les fans de la première heure, on retrouve dans la formule actuelle une alchimie qui permet à chacun des membres de parfaitement trouver sa place. Les apports de la lead guitare sexy de Dino Bardot ainsi que du synthé pétillant de Julian Corrie ont réussi à étoffer le son du groupe lors de la sortie de Nick McCarthy, pourtant membre essentiel du quatuor. Le départ précipité de Paul Thomson fin 2021 a permis l'arrivée d'Audrey Tait qui ne démérite pas aux fûts et apporte ainsi une touche peut être un peu plus fine à la section rythmique. Quant à Bob Hardy, il demeure le Stonehenge de Franz Ferdinand, aussi imperturbable qu'éternellement cool. Enfin, le groupe ne serait pas ce qu'il est sans la personnalité rayonnante et dominante d'Alex Kapranos, qui tient à bout de bras cette machine devenue imposante dans la sphère plus si privée que ça du rock indé britannique.

Pour les débutants, il y a dorénavant toute une discographie dans laquelle se plonger avec ferveur tant elle regorge de bijoux rock et jouissifs à la pelle. Pour les amateurs confirmés, un énième présent offert par les Écossais qui ne nous ont jamais fait faux bond depuis toutes ces années. Il s'agit dorénavant de nous faire débuter cette troisième décennie en leur compagnie avec le prochain album dont on attend qu'il soit aussi puissant, distrayant, dansant et sexy que ces prédécesseurs, comme le réclamerait le Michael dissimulé en nous, celui qui souhaite rester à jamais cette « beautiful dance whore » sur son « beautiful dancefloor ».
setlist
    The Dark Of The Matinée
    Curious
    Walk Away
    Evil Eye
    Right Action
    Darts Of Pleasure
    Stand On The Horizon
    Do You Want To
    Love Illumination
    Glimpse Of Love
    Always Ascending
    Lucid Dreams
    Michael
    Take Me Out
    Ulysses
    Outsiders
    Jacqueline
    The Fallen
    This Fire
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